Les Danois et l’adversité

imageAlors que le Danemark se prépare aux élections générales, programmées le 15 septembre, il peut sembler opportun de faire le point sur ce qui fait l’originalité de son modèle de société.

Courrier Danemark s’est efforcé au cours des trois dernières années de mettre en lumière une série de spécificités dans le domaine économique et social, spécificités ne faisant pas toujours consensus, même auprès d’observateurs déjà bien imprégnés de l’atmosphère ambiante.

Pour ne citer que certaines d’entre elles, la flexicurité, souvent à moitié comprise, la capacité à se spécialiser sur des niches exportatrices (éolien et technologies vertes par exemple), l’introduction de la TVA sociale, les solutions numériques (dernier article en date sur NemID), la gestion des ressources humaines, le lancement régulier de plans de prospective (« plan économie 2020 »)…Tous ces thèmes ont fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de ce blog.

Il serait possible de les compléter par une série d’autres, moins évidents, mais qui constituent néanmoins autant de raisons pouvant expliquer les succès rencontrés par nos amis danois. Une récente étude universitaire faisait ainsi le lien entre prospérité (et vitalité de l’Etat-providence) et la fréquence des voyages effectués à l’étranger…D’autres thèmes, tout aussi méconnus, mériteraient certainement d’être approfondis.

Il y a enfin des découvertes qu’il n’est pas possible de faire en se contentant de lire la presse et les rapports spécialisés. Des découvertes qui n’ont à priori aucun lien avec l’économie. Des découvertes que l’on ne peut faire qu’au contact des autochtones. Des découvertes qui suffisent à elles seules, dans la fulgurance d’un bref instant de vie, à extraire l’ADN d’un peuple.

Le 14 août dernier était un jour d’été qui ne se distinguait pas des précédents. Il était pluvieux (l’été n’a jamais été aussi arrosé que cette année), entrecoupé de quelques rayons de soleil. Au milieu des nuages, imposants et majestueux, qui faisaient penser à d’anciens dieux figés dans l’éternité, un arc-en-ciel est apparu, comme le signe annonciateur d’une révélation. Autour du lac Sankt-Jørgen, la pluie, soudainement battante, a contraint Courrier Danemark à trouver refuge sous un arbre. C’est également sous ce dernier que deux Danoises, équipées, elles, de vêtements de pluie appropriés, se sont installées. C’est qu’en dépit du mauvais temps elles avaient décidé de pique-niquer. Panier en osier, serviettes, pain, rosé…Rien ne manquait. Et c’est finalement là le véritable secret des Danois : la capacité à faire fi de l’adversité. Mieux, de s’en moquer.

La comparaison avec la Serbie, que Courrier Danemark a également eu l’occasion d’observer, est criante : voilà deux Etats dont les territoires ont été réduits par l’Histoire à une peau de chagrin, mais qui ont eu une manière diamétralement opposée de confronter leurs blessures.

Assez sur le Danemark. Ex oriente lux.

SLUT

Danemark: 1er anniversaire réussi pour NemID

P4027392-fifAccéder à son service de banque en ligne, à ses informations personnelles dans ses échanges avec le secteur public (retraite, impôts, déménagements…), procéder à des achats en ligne, commander des médicaments, jouer à la loterie nationale, vendre aux enchères, réserver des livres à la bibliothèque…à l’aide d’une seule solution électronique ? Vous en rêviez, les Danois l’ont fait. Cela s’appelle NemID (1).

S’inscrivant dans la stratégie numérique 2007-2010 proposée par le gouvernement et fruit d’une coopération entre IT-og Telestyrelsen (agence placée sous l’autorité du ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation) et le secteur bancaire, NemID, mis au point par la société DanID A/S, a été officiellement lancé au 1er juillet 2010. L’objectif ? 30% de la communication entre le citoyen danois et le secteur public (Etat, régions et communes) effectuée de manière électronique d’ici 2012 et 50% d’ici 2015.

3,2 millions de Danois (pour une population totale de 5,5 millions), soit près de 80% de la population d’âge adulte, recouraient à cette solution au 1er juillet 2011. Il faut dire qu’elle a été rendue obligatoire pour ceux disposant au préalable d’un service de banque en ligne et qu’elle a fait l’objet d’une intense campagne publicitaire insistant sur sa facilité d’utilisation. Avec l’accord du citoyen (donné dans 90% des cas), NemID peut être utilisé, outre le service de banque en ligne, dans les cas cités ci-après (2).

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Concrètement, chaque citoyen a besoin d’un nom d’utilisateur (soit son numéro CPR (sécurité sociale), soit son nom véritable, soit un nom d’emprunt), d’un mot de passe propre et d’une carte d’accès papier (renouvelable à souhait) comportant 148 codes. Un cocktail ordinateur/papier qui peut sembler rudimentaire, mais qui décourage toute attaque internet classique. L’Association des Banques Danoises (Finansrådet) indiquait récemment qu’aucune infraction n’a été enregistrée depuis septembre 2010 (3).

Testé sur Windows, Mac et Linux, NemID fonctionne avec n’importe quel PC ayant une connexion internet à condition d’installer le programme JAVA. A terme, NemID devrait également fonctionner à partir d’un iPhone.

Le succès de NemID met une nouvelle fois en lumière les capacités d’appropriation par la population danoise des nouvelles solutions technologiques…dès lors que l’Etat l’y incite, via une stratégie numérique détaillée. Pas étonnant que le Danemark apparaisse à la deuxième place mondiale en termes d’économie numérique…(4).

(1) www.nemid.nu

(2) https://www.nemid.nu/om_nemid/her_kan_du_bruge_nemid

(3) « NemID holder hackerne væk » Politiken, 21 juin 2011 http://politiken.dk/tjek/digitalt/internet/ECE1313618/nemid-holder-hackerne-vaek

(4) http://www-935.ibm.com/services/us/gbs/bus/pdf/eiu_digital-economy-rankings-2010_final_web.pdf

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Courrier Danemark dans la presse

Après trois ans d’existence et la mise en ligne de près d’une centaine d’articles, Courrier Danemark se félicite de contribuer à faire apparaître un peu plus souvent le Danemark dans les publications généralistes et spécialisées de notre pays.

Courrier Danemark est notamment référencé dans le cadre de publications appartenant aux médias et institutions suivantes:

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IRES (Institut de Recherches Economiques et Sociales)

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http://www.ires-fr.org/index.php/publications/la-chronique-internationale/351-chronique-internationale-nd125-juillet-2010

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Valeurs Actuelles

image http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=5341 (10 septembre 2009)

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Agora Vox, le média citoyen

http://www.agoravox.fr/auteur/courrier-danemark (9 articles publiés)

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METIS (Correspondances Européennes du Travail)

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http://www.metiseurope.eu (blog ami apparaissant dans la catégorie “En Europe”)

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Vendredi Info

imagehttp://vendredi.info/?s=Danemark (article sur le Danemark et la Chine)


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Le Danemark et le plan économie 2020

P2266896Aux yeux des Français et de beaucoup d’autres, le Danemark reste un pays largement méconnu. Cela n’empêche pas certains observateurs de lui prédire un avenir particulièrement sombre, sur la base des défis nés de la crise. Un avenir qui serait par exemple caractérisé par l’impossibilité, au vu de l’épuisement progressif des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz en Mer du Nord, de revenir à la situation d’excédent budgétaire vécue avant la crise. Or, ces mêmes excédents avaient atteint 4,8% en 2007 et 3,3% en 2008, pour des recettes pétrolières et gazières qui n’avaient jamais dépassé 2%…(1). Un avenir également marqué par le retour de la problématique du manque de main-d’œuvre, qui se heurterait aux problèmes d’intégration de la main-d’œuvre étrangère d’origine non-occidentale sur le marché du travail. Quand bien même que le taux d’emploi des personnes concernées a progressé de 10 pts entre 2001 et 2009, s’approchant désormais du taux d’emploi des femmes dans notre pays…(2).

Que n’aurait-il pas alors été dit sur le Danemark en 1993, lorsque le taux de chômage dépassait 12% et que la dette publique franchissait la barre des 80% du PIB, soit des niveaux presque deux fois plus élevés qu’aujourd’hui ?

Sur fond de campagne électorale, on ne parle aujourd’hui au Danemark que du « plan économie 2020 ». Exactement le genre de discussions qui permettent d’expliquer, au moins partiellement, ses facultés reconnues d’adaptation aux impératifs de la mondialisation. Des discussions qui mettent également en lumière, par contraste, la nécessité dans notre pays de relancer de tels exercices.

Afin d’équilibrer recettes et dépenses à l’horizon 2020, il manquerait un peu plus de 6 milliards d’euros au pays. Un montant qui dépend de tant de facteurs qu’il est nécessairement approximatif, mais qui a le mérite de préciser le cadre dans lequel chaque formation politique est censée évoluer et qui contraint l’ensemble des acteurs à chiffrer très précisément leurs propositions, en veillant à financer d’éventuelles nouvelles dépenses par, au minimum, des recettes correspondantes…

C’est dans ce contexte que le Danemark a pris conscience que le dispositif actuel de préretraite était un luxe qu’il ne pouvait plus se payer. L’âge minimum de départ en préretraite sera donc porté, conjointement à la réduction de la durée du dispositif (de 5 à 3 ans), à 62 ans en 2017 et 64 ans en 2023, l’âge de départ en retraite passant quant à lui à 67 ans en 2022.

Cette réforme vient s’ajouter au plan de redressement des finances publiques sur la période 2011-2013 (voir « le Danemark et la rigueur »). Elle est complétée par des mesures d’économies supplémentaires, notamment la réduction de 10% du budget de la défense (à compter de 2015) et de la contribution danoise au budget européen. Par contraste, qui parle aujourd’hui dans notre pays, du prix à payer pour la crise et des efforts à consentir pour équilibrer les finances publiques à moyen terme ? On préfère le bidouillage budgétaire et la mise en œuvre de mesures d’économies de bout de chandelle.

Le simple objectif d’équilibre budgétaire ne saurait toutefois assurer le dynamisme d’une économie et sa capacité à rebondir après une sévère crise. D’où les mesures de renforcement de la croissance présentées la semaine dernière, qui constituent le deuxième volet du « plan économie 2020 ».

Parmi ces mesures, la nomination d’ambassadeurs chargés de promouvoir les exportations danoises vers les pays BRIC, la mise en place d’une commission chargée d’étudier la faisabilité d’une baisse de l’impôt sur les sociétés (de 25 à 20%), la reconduction de certaines mesures de soutien aux entreprises exportatrices, la mise en concurrence des communes (entre autres mesures) dans le but de faire passer le taux d’emploi des étrangers d’origine non-occidentale de 55 à 65% en 2020, la réorganisation de l’effort public consacré à la R&D (le Danemark y consacre déjà plus de 3% de son PIB, un tiers du montant provenant du public)…

En résumé, une fois les défis budgétaires relevés, le « plan économie 2020 » contribue à libérer les énergies et les propositions de réforme, avec un impératif : laisser davantage de place au secteur privé.

En dépit d’un retour momentané en récession (qui doit notamment aux objectifs très ambitieux fixés en termes de la consommation publique et à la reconstitution de l’épargne des ménages, évolution finalement saine au vu de leur niveau d’endettement), qui s’accompagne néanmoins d’une amélioration de la situation de l’emploi depuis maintenant six mois (taux de chômage de l’ordre de 7% selon Eurostat), pas de quoi faire preuve d’un pessimisme démesuré…

(1) Recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz en Mer du Nord (en % du PIB)

imageSource : ministère des Finances (décembre 2010)

(2) Selon l’Office Danois des Statistiques, le taux d’emploi des étrangers d’origine occidentale était de 54,1% en 2009 (57,3% pour l’ensemble des étrangers). Selon Eurostat, le taux d’emploi des femmes était au même moment de 60% en France.


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Det Radikale Venstre (Danemark) et Mouvement Démocrate (France), même combat!

P2196670Il est des évènements qui vous rendent fiers de vos couleurs politiques. Ce qui vient de se passer au Danemark va même plus loin, rappelant à chacun d’entre nous la conception véritable de ce que devrait être l’engagement libéré de tout calcul, de toute nécessité ou de toute hypocrisie.

Quelque mots sur le contexte politique d’abord. Une formation politique peut entrer au Parlement danois (Folketing) dès lors qu’elle a obtenu 2% des suffrages exprimés au niveau national. D’où la nécessité de former, dans la plupart des cas, des coalitions parlementaires rassemblant trois, voire quatre formations afin de disposer d’une majorité (90 sièges). C’est le cas de la coalition actuelle au pouvoir depuis 2001, composée des libéraux, des conservateurs et du parti nationaliste, coalition à laquelle s’est joint un nouveau parti ultra-libéral en 2007.

Toujours donnée gagnante d’élections pouvant désormais être convoquées dans les jours qui viennent (mais au plus tard en novembre 2011), l’opposition est quant à elle composée du parti social-démocrate, du parti socialiste et du parti social-libéral (Det Radikale Venstre), une petite formation d’extrême gauche (liste unité) pouvant la soutenir épisodiquement. La logique est donc celle d’un affrontement bloc contre bloc. Sauf lorsque, comme aujourd’hui, Det Radikale Venstre, qui ne dispose que de 9 sièges sur 179, décide unilatéralement d’en sortir en raison du contenu des discussions entourant un plan sans lequel aucune élection ne pouvait être tenue dans l’intérêt du gouvernement actuel, le “plan économie 2020”.

Première remarque: nos deux systèmes politiques sont radicalement différents, mais cela n’empêche pas certaines formations de partager, au-delà des frontières, des principes d’action sur lesquels elles ne transigent pas. Le Mouvement Démocrate dénonce un affrontement droite/gauche stérile. Comme le rappelait François Bayrou le week-end dernier, “le vrai centre n’est ni la gauche, ni la droite” (1). La leader de Radikale Venstre, Margrethe Vestager, ne se différencie en rien de cette position de principe, elle qui avait récemment les mots suivants dans la presse: “Ils (parti social-démocrate et parti socialiste) ont leur stratégie, nous en avons une autre. Il est clair pour tout le monde que nous sommes opposés à la logique de bloc contre bloc (…)” (2).

Retour sur le “plan économie 2020”. Ce dernier vise à assurer l’équilibre des finances publiques à l’horizon 2020, à travers l’adoption de réformes visant l’expansion du marché du travail. Parmi elles, la suppression progressive du dispositif de préretraite (ou un modèle qui s’en approche), qui figure justement au programme de Radikale Venstre. D’où l’accord conclu le 13 mai avec le gouvernement à ce sujet, au grand dam d’Helle Thorning Schmidt, leader du parti social-démocrate d’opposition, que Radikale Venstre  souhaite pourtant voir occuper le poste de Premier Ministre. Un accord passé quel qu’en soit le prix à partir du moment où il colle aux idées du parti: effritement de l’avance de l’opposition dans les sondages et menaces à peine voilées des partenaires socialistes.

Deuxième remarque: les menaces mentionnées précédemment pourraient déboucher, en cas de victoire de l’opposition, sur l’exclusion de Radikale Venstre d’un éventuel gouvernement composé des sociaux-démocrates et des socialistes. Une perspective à laquelle Margrethe Vestager répondait de cette manière: “Pour nous, le but ultime n’est jamais de participer à un gouvernement. C’est celui de conduire une politique estampillée radikale” (3). Une intransigeance qui ne va pas sans rappeler une autre: dans l’espoir de remporter les présidentielles afin de parvenir à changer des règles institutionnelles désuètes, le Mouvement Démocrate a toujours refusé la compromission. Ceux ayant choisi le chemin inverse, plus facile, en payent le prix (il suffit d’aller faire un tour au-delà de la Manche, chez les LibDems britanniques)…

Radikale

Seule une poignée de formations politiques restent prévisibles dans le sens où elles font preuve d’abnégation en toutes circonstances. C’est paradoxalement cette prévisibilité qui rend, dès le départ, certaines élections incertaines. N’en déplaise à certains observateurs, pour qui le scrutin danois était joué d’avance…

Troisième remarque: Moralité, mieux vaut défendre ses idées avec honnêteté et cohérence, plutôt que de jouer à la girouette (jeu qui consiste dans certains cas à aller à la soupe pour ensuite cracher dedans tout en assurant que c’est la meilleure). Il en va tout simplement du respect de l’électeur.

Un dernier point pour la route, qui nous est donné par Zenia Stampe, vice-présidente du parti social-libéral, et qui illustre bien, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris (ou qui font semblant de ne pas comprendre), le principe d’action guidant nos deux formations: « La question n’est pas de savoir avec qui on négocie, mais ce à propos de quoi on négocie » (4). Cela s’appelle le pragmatisme, la seule arme qu’il nous reste pour remettre la France sur les rails.

(1) http://politiken.dk/politik/ECE1275779/vestager-og-thorning-er-midt-i-en-magtkamp/

(2) http://www.mouvementdemocrate.fr/medias/bayrou-europe1-080511.html

(3) http://politiken.dk/politik/ECE1273697/kommentator-der-er-kommet-uhoert-dramatik-i-dansk-politik/

(4) http://blog.politiken.dk/stampe/2011/05/12/k%c3%a6re-s-og-sf-lad-os-nu-finde-ud-af-det/

De l’impôt sur le revenu en France et au Danemark

P3127022Certains des chiffres illustrant le progressif délitement de notre pays sont bien connus: une dette publique approchant désormais les 90% du PIB, un déficit commercial de plus de 50 milliards d’euros ou encore un taux de chômage proche de 10% de la population active. D’autres le sont moins et ne sont révélés au grand public que grâce à la poignée d’organismes qui continuent d’accomplir le travail qui est attendu d’eux. Dans le cas présent, la Cour des Comptes, qui publiait récemment un rapport très instructif sur les évolutions comparées des systèmes fiscaux français et allemand au cours de ces dernières années (1). Un rapport qui vient éclairer d’une autre lumière le débat sur la suppression partielle de l’impôt sur la fortune voulu par le locataire actuel de l’Elysée. Une suppression qui, chacun le sait, n’aurait de sens que dans le cadre d’une réforme beaucoup plus large de notre fiscalité.

C’est évidemment l’avis de la Cour des Comptes qui, dans son rapport de synthèse, soulignait récemment que “la baisse de la taxation progressive des revenus (poids relatif de l’IR diminuant de moitié en vingt ans pour ne représenter que 2,59% du PIB en 2008) et la hausse de la taxation proportionnelle (CSG, CRDS) en France invitent à se poser la question d’une refonte d’ensemble de ces prélèvements et du niveau global de progressivité” (2).

Selon ce même rapport, le poids relatif de l’impôt sur le revenu était, au même moment, de 9,6% du PIB en Allemagne, pays vers lequel la France souhaite officiellement une convergence fiscale…La comparaison avec le Danemark est encore plus alarmante: les recettes tirées de l’impôt sur le revenu, principale recette fiscale en dépit d’un taux de TVA quasi uniforme de 25% depuis l’introduction de la TVA sociale en 1987, représentent environ 15% du PIB (3). Soit un rapport de 1 à 6…

Mais plutôt que de remédier cette situation, l’objectif de la politique suivie depuis 2007 par le locataire actuel de l’Elysée est clair comme de l’eau de roche: la fin de toute notion de solidarité, à un moment où la France n’en a pourtant jamais autant eu besoin. Les réductions d’impôt décidées avant l’apparition de la crise en faveur des plus hauts revenus et la TVA réduite sur la restauration en sont deux autres exemples éclatants.

Tout comme ces mesures, la suppression partielle de l’ISF a un coût (1,3 milliard d’euros selon le gouvernement, 2,3 milliards d’euros selon l’économiste Thomas Piketty) qu’il est suicidaire de tolérer à un moment où les économies des Etats membres de l’UE sont renversées l’une après l’autre sans que l’on sache très bien comment cela va finir (en Irlande, le taux d’intérêt associé aux obligations d’Etat à 2 ans est de 11,5%, tout comme au Portugal, tandis qu’en Grèce, il approche désormais 23%!).

La décision de distribuer une prime aux salariés en cas de hausse des dividendes dans les entreprises de plus de 50 personnes (une niche fiscale supplémentaire!) ne vient pas non plus aujourd’hui par hasard: elle n’est qu’une pilule destinée à faire passer les cadeaux qui vont être faits aux copains fortunés avant la fin du quinquennat.

A un an des élections présidentielles, Courrier Danemark ne souhaite qu’une seule chose: que la République nous soit rendue.

(1) Synthèse du rapport public thématique sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne, Cour des Comptes, mars 2011.

(2) Page 25.

(3) Økonomisk Redegørelse, Ministère des Finances, décembre 2010.

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Le système éducatif français vu du Danemark

P2196672Et si les maux rencontrés par notre pays découlaient en partie de la logique sous-tendant le fonctionnement de son système éducatif? C’est la question que l’on peut légitimement se poser en parcourant un article récemment publié dans le quotidien danois Politiken (1). Précisons d’entrée qu’il ne s’agit pas ici de comparer les résultats obtenus par les jeunes élèves de nos deux pays respectifs, relativement similaires (et moyens), si l’on en croit les fameuses études PISA, mais d’établir un rapport entre la manière dont se déroule l’enseignement supérieur en France et la gestion des affaires courantes dans le monde politique (qui chacun l’aura déjà remarqué est loin d’être satisaisante).

Que nous dit l’auteur de cet article? Que vu de ses lunettes danoises, le système d’enseignement supérieur français serait avant tout caractérisé par un certain autoritarisme de l’encadrement (ce qui se traduit par exemple, dans le monde politique, par  une reprise en main de la justice, un exercice monarchique du pouvoir, une mise au pas de l’audiovisuel public, une transformation du Parlement en chambre d’enregistrement…) et par une tendance assez marquée pour l’apprentissage par coeur (qui débouche souvent, quelques années plus tard, pour ceux qui ont choisi de faire “carrière” dans la politique, par des discours convenus et/ou des réactions basées sur de “purs” réflexes idéologiques sans réel fondement).

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There is a lovely land” (civil national anthem of Denmark)

Roald Als

Le comportement autocratique des professeurs d’université français est également souligné dans cet article. C’est qu’ils ne supporteraient pas la contradiction (toute ressemblance avec les débats télévisés organisés en présence du locataire actuel de l’Elysée, au cours desquels les questions de nos concitoyens sont connues à l’avance est purement fortuite).

Ces tendances ne doivent pas être exagérées. Elles tendent néanmoins à former des étudiants soumis manquant d’indépendance d’esprit et réticents à prendre des initiatives (nos concitoyens ont beau être râleurs, leur capacité à avaler des couleuvres et à se satisfaire du degré zéro de la politique est sans limites).

Pour l’auteur de l’article, les étudiants français seraient angoissés face à l’avenir. Une angoisse que l’on retrouve là aussi dans le monde politique: à l’heure où le Danemark se prépare au “plan économie 2020”, de plus en plus conscient des immenses défis qui l’attendent, qui ose encore aborder ce genre de problématique dans notre pays?

Dernière caractéristique regrettable pointée du doigt, le peu d’accent mis sur le travail de groupe. “Tous ceux qui ont essayé de résoudre un problème avec un Français savent que le travail de groupe est à leurs yeux une spécificité scandinave bien étrange” (2). Transposé dans le cadre  administratif français, cela donne un dédale d’organismes ou d’agences qui, au lieu de travailler ensemble, se font de la concurrence.

Tout cela ne constitue bien sûr qu’une vision danoise purement subjective. Sans doute pas de quoi entamer ne serait-ce que le début d’un travail introspectif…

(1) http://politiken.dk/debat/ECE1226473/den-franske-skole-skaber-angste-individer/

(2) Aske Munck, http://politiken.dk/debat/ECE1226473/den-franske-skole-skaber-angste-individer/

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Le secteur à but non-lucratif au Danemark

P2256813Une pause s’impose. Pour oublier l’espace d’un instant que la maison brûle dans un certain nombre d’Etats membres de l’UE. Pour braquer, au moins momentanément, les projecteurs sur les héros des temps modernes, ceux qui consacrent toute ou partie de leur énergie à un secteur en pleine expansion, le secteur à but non-lucratif. Un secteur rassemblant pas moins de 100 000 associations ou organisations de volontaires au Danemark, dans la plupart des cas organisées au niveau local. Sans compter un peu plus de 6000 fondations de bienfaisance (1). On estime que près de 35% de la population danoise d’âge adulte participe d’une manière ou d’une autre à une activité basée sur le volontariat, ce qui place le pays au-dessus de la moyenne en termes d’engagement citoyen, mais en retrait néanmoins par rapport à ses voisins nordiques, la Suède et la Norvège (respectivement 51 et 48%) (2).

Le secteur à but non-lucratif est d’autant plus vital pour le Danemark que l’Etat-providence y occupe une place incontournable et que le manque de main-d’oeuvre et une série d’impératifs économiques (notamment en termes de soutenabilité des finances publiques) rendront la préservation de son niveau actuel particulièrement difficile à atteindre. La promotion du secteur est donc une priorité nationale.

Un Conseil au Volontariat (Frivilligrådet) a ainsi été mis en place en 2008 (3). Il est notamment chargé de conseiller le ministre des Affaires Sociales sur les enjeux entourant le secteur à but non-lucratif.

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Une stratégie nationale de développement de la société civile (“Civilsamfundsstrategi”) a été présentée la même année. Elle a notamment débouché sur le renforcement des moyens alloués au Centre pour l’Entreprenariat Social (Center for Socialt Entreprenørskab), placé au sein de l’Université de Roskilde (http://www.ruc.dk/forskning/forskningscentre/cse/) et du Centre pour l’Economie Sociale (Center for Socialøkonomi, http://www.socialokonomi.dk/).

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Le groupe de réflexion Mandag Morgen a récemment pris le relai en publiant une stratégie visant à promouvoir l’entreprenariat social dans le pays (4). Dans cette stratégie est notamment souligné le rôle important joué par les fondations privées, dont le nombre a doublé depuis le début des années 90 et qui disposeraient de moyens estimés à près de 50 milliards de couronnes (6,7 milliards d’euros), un montant représentant près de 3% du PIB.

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Le secteur à but non-lucratif est, de manière conjointe au thème de la responsabilité sociale en entreprise, appelé à jouer un rôle aux avant-postes de l’économie danoise. Beaucoup entendent aujourd’hui s’engouffrer dans cette voie. Et vous?

(1) Thomas Boje (2006): Den frivillige sektor i Danmark

(2) National Civilsamfundsstrategi, ministère des Affaires Sociales, http://www.sm.dk/Publikationer/Sider/VisPublikation.aspx?Publication=495

(3) http://www.frivilligraadet.dk/

(4) https://www.mm.dk/velf%C3%A6rdens-iv%C3%A6rks%C3%A6ttere

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Le temps partiel, botte secrète du modèle de flexicurité danois?

photoUn coup d’oeil aux statistiques Eurostat suffira sans doute à certains pour disqualifier le modèle de flexicurité danois. Le taux de chômage atteignait, selon l’organisme européen, 8,2% au Danemark à la fin de l’année 2010, soit seulement 1,5 pt de moins que la moyenne de l’UE à 27 (1). Quand bien même liée à la flexibilité qui caractérise le modèle, qui se traduit par une sensibilité particulièrement marquée aux évolutions conjoncturelles, l’ampleur de la dégradation de la situation de l’emploi est indéniable. Comparativement moins élevé qu’ailleurs, le chômage des jeunes commence également à faire mal.

L’efficacité du modèle de flexicurité ne saurait toutefois être fondamentalement remise en cause. Le propre de ce modèle n’est pas, contrairement à ce qui est souvent avancé (ou attendu), de prévenir le taux de chômage, qui a somme toute été  très fluctuant depuis l’introduction du pilier “activation” au début des années 90 (pic de chômage à 12,5% en 1993, niveau plus élevé en 2003 qu’aujourd’hui, avant une baisse continue vers son minimum historique avant l’apparition de la crise en 2008).

Le propre du modèle est, comme nous l’avons vu dans de précédents articles (“Le secret derrière la flexicurité” et “La flexicurité danoise, encore et toujours”), de favoriser une mobilité source de dynamisme, de renforcer non pas la sécurité de l’emploi mais l’employabilité des individus, et de limiter la part des emplois dits “atypiques” (CDD, intérimaires…) tout en offrant aux individus concernés un niveau de protection sensiblement égal à la norme représentée par le CDI.

Sans compter une autre caractéristique essentielle, à savoir l’existence d’un taux d’emploi, certes affecté par la crise, mais comparativement élevé (moyenne UE de 64,6% en 2009, contre 64,1% en France et 75,7% au Danemark, soit la 2ème place au sein de l’UE à 27 après les Pays-Bas) (2).

La véritable question est donc de savoir comment un pays comme le Danemark atteint un taux d’emploi aussi élevé, taux qui sera d’ailleurs amené à progresser davantage notamment dans le cas où le gouvernement actuel parvient, comme il le propose, à supprimer progressivement le dispositif de préretraite.

On aborde ici une des faiblesses souvent avancée sur le modèle de flexicurité danois: la place prise par certains dispositifs sociaux contribuant à écarter un certain nombre d’individus du marché du travail. Des dispositifs qui occupent une place comparativement plus importante que dans les autres Etats membres de l’UE (la pension d’invalidité englobe environ 10% de la population en âge de travailler, le dispositif de préretraite entre 4 et 5%), mais qui font aujourd’hui l’objet de profondes réformes et qui n’empêchent donc pas le Danemark d’occuper le haut du classement en termes de taux d’emploi.

La première et principale explication tient à la présence massive des femmes sur le marché du travail (taux d’emploi de 73,1% en 2009 selon Eurostat, contre seulement 60% en France) (3).

En y regardant d’un peu plus près, le partage du travail semble également jouer un rôle non négligeable. Une partie croissante de la population ne travaille en effet pas à temps plein (norme de 37 heures telle que définie par les conventions collectives). Le ministère de l’Emploi indiquait récemment que la part des emplois à temps partiel est passée de 22 à 26% entre 1999 et 2009 (4). 15% des hommes présents sur le marché du travail seraient concernés par ce type de contrat contre 38% des femmes. Autant dire, comme souligné par de nombreux économistes, que le Danemark dispose de “réserves” significatives pour faire face au retour attendu du manque de main-d’oeuvre à moyen/long terme…

Part représentée par l’emploi à temps partiel au sein de l’UE

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Source: Eurofound/Eurostat

Toujours selon le ministère de l’Emploi, qui se base sur une étude réalisée par Eurofound, le temps partiel serait choisi dans la grande majorité des cas, reflétant un équilibre entre travail et vie de famille pour lequel les Danois sont bien connus.

La même étude indique que le Danemark se situe donc au-dessus de la moyenne UE (18,8%) en termes de part représentée par l’emploi partiel, la France se situant légèrement en-dessous. Le Danemark reste néanmoins bien loin derrière les Pays-Bas (48%), dont le taux d’emploi (77%) et le taux de chômage (4,3% en février 2011 selon Eurostat) prennent soudain une toute autre signification (5). Ouf! le Danemark n’est donc pas le plus grand “tricheur”…

(1) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=en&pcode=teilm020&tableSelection=1&plugin=1

(2) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=en&pcode=tsiem010&tableSelection=1&footnotes=yes&labeling=labels&plugin=1

(3) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/refreshTableAction.do?tab=table&plugin=1&pcode=tsiem010&language=en

(4) http://bm.dk/Tal%20og%20tendenser/Ugens%20tema/Arkiv/2011/Uge%207.aspx

(5) Eurofound, “Part-time work in Europe”, http://www.eurofound.europa.eu/publications/htmlfiles/ef1086.htm

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Danemark: vers la fin de la retraite?

PC055114La question est un brin provocante. Elle illustre néanmoins les divergences croissantes dans les perspectives entourant les marchés du travail français et danois à moyen/long terme. En dépit d’une situation de l’emploi encore tendue (le taux de chômage est aujourd’hui compris entre 4 et 8% selon l’indicateur retenu), le Danemark se prépare depuis déjà quelques mois à l’avènement programmé de cette “ère post-chômage” dont il avait eu un bref avant-goût juste avant que la crise financière ne survienne.

Afin de s’y préparer et d’assurer la soutenabilité des finances publiques (comprenez préserver le niveau actuel d’Etat-providence), le Premier Ministre danois entend notamment supprimer le droit à la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans. Un droit introduit en 1979 et qui concerne aujourd’hui près de 130 000 Danois, soit près de 5% de la population en âge de travailler. L’accord passé en 2006 entre la plupart des formations politiques danoises, qui prévoyait notamment d’élever, entre 2019 et 2022, de 60 à 62 ans l’âge minimum pour en bénéficier, n’est en effet plus jugé suffisamment ambitieux.

âge moyen de départ effectif à la retraite

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Il s’agit pour le Danemark d’élever l’âge moyen de départ effectif à la retraite (61 ans), qui place le pays en milieu de peloton au sein de l’UE, et de rattraper le retard sur les autres pays nordiques, notamment la Suède, en termes de taux d’emploi des 60-64 ans. Le gouvernement propose ainsi de supprimer progressivement le dispositif de préretraite à partir de 2014 (avec une suppression effective en 2034) et d’élever l’âge de départ à la retraite dès 2019 avec pour objectif de le porter à 67 ans en 2022 et 68 ans en 2030 (1).

Si elle est adoptée, la réforme pourrait déboucher sur une hausse du nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité. On estime en effet qu’environ 20% des personnes allant perdre leur droit à la préretraite devraient être amenées à bénéficier, dans le cas où elles ne peuvent continuer à travailler, d’un dispositif censé les y conduire. La réforme a néanmoins le mérite de mettre fin à une particularité bien danoise qui est de payer des individus, souvent en bonne santé, pour quitter le marché du travail dès 60 ans (il est vrai qu’à l’origine, le dispositif avait pour objectif de lutter contre le chômage…).

Le principe de l’indexation de l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie étant conservé, on estime aujourd’hui qu’un nouveau-né  sera appelé à partir en retraite…à 74 ans.

Les Danois semblent comprendre les enjeux associés à une telle réforme. Il faut dire qu’elle a été présentée dans des termes très clairs par le Premier Ministre, qui insiste sur l’impératif de ne pas laisser passer le taux d’activité brut sous la barre des 50%.

Les logiques traversant nos deux marchés du travail sont donc très différentes. Il n’est dès lors pas surprenant de constater que l’approche danoise sur le vieillissement de la population débouche sur l’envolée des exportations de “welfare technologies” et que les séniors soient régulièrement qualifiés “d’or gris”, alors que par contraste notre gouvernement annonce pour cette année une réforme de la “dépendance”.

Nous ne parviendrons à réduire ces divergences qu’en nous inspirant davantage des ressorts d’un modèle, la flexicurité, que nous croyons, à tort, bien connaître. En termes de retraites, il est également utile de rappeler que toute réforme, aussi ambitieuse qu’elle soit en termes de repoussement de l’âge légal de départ à la retraite, ne peut en aucun cas être déconnectée des questions d’emploi.

(1) http://fm.dk/Publikationer/2011/Vi%20kan%20jo%20ikke%20laane%20os%20til%20velfaerd.aspx

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Gestion de la crise: leçons danoises à tous les étages

PC275459Rien de tel qu’un début d’année pour se livrer au jeu des pronostics. De la même manière qu’il ne fallait pas être devin pour prévoir que 2009 serait une « année grise », il n’est pas difficile de prédire que 2011 sera une année de vérité : celle où les masques finiront par tomber. Pour l’UE, les difficultés actuelles pourraient bien se traduire par une implosion de fait en deux groupes bien distincts. Ceux (pays nordiques et Allemagne) qui auront pris la mesure des défis nés de la crise et les autres, condamnés à une interminable gueule de bois.

En annonçant, lors de son discours du Nouvel An, la  suppression progressive de la préretraite, le Premier Ministre danois a peut-être renversé une situation qui, dans les sondages, semblait désespérée dans la perspective des élections, attendues pour le printemps. Pas seulement parce qu’une claire majorité de la population, consciente des enjeux actuels, soutient précisément cette réforme, mais parce que cette dernière a subitement donné à une frange encore indécise de l’électorat un sens et une cohérence à l’ensemble de l’action gouvernementale depuis le déclenchement de la crise. Parmi les principes élémentaires suivis:

1) La mise à profit de la période 2004-2007, particulièrement favorable, pour diviser la dette publique par deux, permettant l’adoption d’un plan de relance ayant compté, en proportion du PIB, parmi les plus importants du monde développé.

2) La mise à profit des exercices de prospective lancés à intervalles réguliers (dans ce cas précis le “plan économie 2015”) pour relancer l’économie. Programmée dès 2007, la réforme de la fiscalité, entrée en vigueur au 1er janvier 2010, est sous-financée dans un premier temps tout en consolidant les finances publiques à plus long terme.

3) L’implication de l’ensemble de la population dans le plan de redressement des finances publiques (réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, plafonnement des allocations familiales, repoussement des allègements d’impôt accordés aux plus hauts revenus, réduction du salaire des ministres…).

4) L’annonce, depuis l’automne 2010, de réformes structurelles de long terme visant l’expansion du marché du travail, face au retour annoncé du manque de main-d’oeuvre: pension d’invalidité et aujourd’hui préretraite.

5) Le lancement complémentaire d’un nouvel exercice de prospective, le “plan économie 2020” incorporant ces réformes structurelles et appelé à inclure d’autres initiatives destinées à s’assurer de l’atteinte d’objectifs par avance définis. Une manière efficace de renforcer la cohésion nationale en mettant au point une cartographie des obstacles à surmonter sur le chemin menant à la préservation du niveau actuel d’Etat-providence…

En résumé, face à l’incontournabilité du “travailler plus nombreux, plus et plus longtemps”, les autorités danoises ont, en l’espace d’un an et demi, remis à plat le fonctionnement du service de l’emploi (communalisation des jobcenter, réforme du mode de placement des demandeurs d’emploi), incité au travailler plus en abaissant la fiscalité sur le travail, réduit de moitié la durée de perception des allocations chômage et annoncé leur intention d’interdire l’octroi d’une pension d’invalidité pour les personnes de moins de 40 ans et de supprimer la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans (avec comme objectif final d’augmenter l’âge de départ effectif moyen à la retraite, aujourd’hui de 61,3 ans).

Ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer la soutenabilité des finances publiques danoises à plus long terme. Le Conseil des Sages pointait cette semaine du doigt le risque d’un déficit public augmentant de manière constante entre 2020 et 2050, date à laquelle il serait proche de 3%. “Nous ne croyons pas qu’un déficit continuel évoluant autour de 3% du PIB pendant 30 ans soit tenable” estimait son directeur dans la presse (1). D’où l’utilité du “plan économie 2020”…

Les réflexions sont donc désormais clairement orientées sur le long terme et la correction des déséquilibres qui risquent de survenir. Par contraste, a t-on une idée des défis budgétaires que la France rencontrera après 2013, année marquée par le très hypothétique retour du déficit budgétaire sous la barre des 3%? A t-on une idée sur la manière de réduire l’écart de près de 200 milliards d’euros constaté avec l’Allemagne en termes de solde de la balance commerciale (2)?

(1) http://www.business.dk/oekonomi/underskud-forsvinder-ikke-med-efterloennen

(2) http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/01/07/commerce-exterieur-france-457-milliards-allemagne-141-milliards/

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De l’affaiblissement des idéologies au Danemark

photo (2)Les élections approchant à grands pas, gouvernement et opposition tendent naturellement à essayer d’accentuer leurs différences. Par exemple sur la question de la pression fiscale: alors que le pouvoir en place, au nom du renforcement de la compétitivité, a accordé au cours des dernières années des allègements d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés, l’opposition se déclare prête à repartir, même de manière limitée, dans l’autre sens. Un examen attentif de la vie économique et politique danoise indique néanmoins que ce jeu, bien plus qu’ailleurs, est une illusion. Le pragmatisme qui caractérise bon nombre de réformes adoptées au cours de ces dernières années traduit en réalité l’affaiblissement marqué des idéologies et constitue un facteur explicatif sous-estimé de l’émergence du modèle danois depuis la période de grandes difficultés rencontrée au cours des années 80.

Une des conséquences de cet affaiblissement des idéologies est le brouillage des identités des uns et des autres. Être libéral au Danemark n’a par exemple pas la même signification que dans le Sud de l’Europe. L’ère du libéral Anders Fogh Rasmussen (2001-2009) a par exemple été marquée par une croissance de la consommation publique semblable à celle constatée au cours des deux décennies précédentes, la crise s’étant même traduite par une croissance des effectifs dans le secteur public…Un secteur public dont la taille est jugée aujourd’hui non soutenable par de nombreux observateurs.

Sur de nombreux thèmes faisant l’originalité du Danemark, il est frappant de constater le consensus qui émerge une fois levé le voile trompeur des manoeuvres politiciennes destinées à faire croire le contraire:

– Lorsque Helle Thorning-Schmidt, leader du parti social-démocrate (opposition) déclare, à propos de la politique d’immigration qu’elle entend mener dans le cas où elle devenait Premier Ministre en 2011, ne pas souhaiter de durcissement supplémentaire des règles aujourd’hui en vigueur, elle admet implicitement que les mesures prises en termes d’immigration choisie depuis 2001, impulsées par le parti nationaliste, n’étaient pas si mauvaises.

– Afin d’assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen et long terme, gouvernement et opposition s’accordent également sur la nécessité de viser l’expansion du marché du travail et sur le “travailler plus”. C’est dans ce contexte que doivent être appréhendées la réforme de la fiscalité, entrée en vigueur depuis le 1er janvier (allègement de l’imposition sur le revenu), les négociations actuelles encadrant les conventions collectives du secteur public (le gouvernement souhaitant parvenir à une hausse du temps de travail) et le programme de l’opposition, basé sur le slogan “12 minutes de plus par jour”.

– Le consensus trouvé en 2006 en termes de retraites, qui prévoit une élévation, de 60 à 62 ans de l’âge minimum de départ en préretraite entre 2019 et 2022 et une élévation de 65 à 67 ans de l’âge de départ en retraite entre 2024 et 2027 tient toujours malgré les effets de la crise. Un constat qui doit à l’obstination des deux plus grandes formations politiques, l’une au pouvoir, l’autre dans l’opposition.

Ce dépassement des idéologies se retrouve également dans les activités des groupes de réflexion récemment établis ou en voie de l’être:

– Commentant les contributions apportées au débat par deux grands groupes de réflexion (le CEPOS, à forte orientation libérale et CEVEA, orienté à gauche), le directeur de Concito, premier think-tank vert indépendant du pays (2008) avait récemment les commentaires suivants dans le journal à grand tirage Politiken : « J’ai du mal à voir autre chose que le fait qu’ils s’accrochent irrémédiablement au schéma de pensée du siècle précédent. Aux vieilles idéologies et à la logique politique s’appliquant à une vieille société industrialisée dans le cadre de laquelle la question la plus importante est de savoir comment le gâteau, d’une taille sans cesse croissante, devrait et pourrait être divisé de la meilleure des manières » (1).

– Le lancement prochain du groupe de réflexion Kraka sera conjointement financé par LO, la première confédération syndicale et DI, première organisation patronale. Le patron de Dansk Landbrug og Fødevarer (organisation privée représentant les intérêts des agriculteurs et des entreprises appartenant au secteur agroalimentaire) décrivait dans la presse le projet comme une “idée géniale” et confirmait son intention d’y contribuer, notamment financièrement (2).

En un sens, le resserement des positions défendues par les uns et les autres est critiquable. Comme souligné par certains, elle peut contribuer à limiter le jeu démocratique. A la question de savoir si les prochaines élections, qui seront au plus tard tenues à l’automne 2011 (mais plus probablement au printemps de la même année, une fois présenté le “plan économie 2020”) seraient centrées sur les questions économiques, le sociologue danois Henrik Dahl avait il y a quelques mois un avis très tranché sur la question : « Je ne le pense pas. Car il existe un consensus macroéconomique dans le cadre duquel chaque parti politique susceptible de faire partie d’un gouvernement accepte d’écouter les économistes nationaux et, dans une certaine mesure, de suivre leurs avis. Certains ont leurs économistes respectables préférés. D’autres en ont d’autres. Mais c’est une question extrêmement apolitique, car il s’agit d’avoir de l’ordre dans les affaires » (3).

Cette évolution est, selon certains, allée trop loin, les partis politiques se copiant les uns les autres et les membres du Folketing changeant de formation à une fréquence jusqu’ici inégalée.

En même temps, elle traduit dans une certaine mesure l’appropriation par les différentes formations politiques de la complexité des enjeux auxquels elles doivent répondre et leur volonté de coller le plus possible à la réalité. En cela, elle place aussi le Danemark aux avant-postes de la modernité, loin des visions binaires souvent basées sur des réflexes dans lesquelles les formations politiques traditionnelles de notre pays sont enfermées…

(1) « CEPOS og CEVEA kæmper fortidens kampe » Politiken, 14 décembre 2009 www.politiken.dk/debat/article859518.ece

(2) “Politiken tænketank deler vandene”, Berlingske Tidende, 18 décembre 2010 http://www.berlingske.dk/danmark/politiken-taenketank-deler-vandene

(3) Henrik Dahl, Ræson, 9 décembre 2009 page 3 http://www.raeson.dk/raeson091209.pdf

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Regroupement familial: le Danemark et le système à points

photoEncensé à travers le monde pour son modèle de flexicurité, le Danemark se distingue pourtant dans bien d’autres domaines que celui de l’emploi. Par exemple, la politique d’immigration, qui a sensiblement évolué depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition parlementaire actuelle (2001). Une politique qui s’est notamment traduite par l’adoption, en 2002, de la fameuse règle des 24 ans, censée limiter le regroupement familial (dans le cas où un des deux conjoints vient d’un pays hors de l’UE et a moins de 24 ans) à travers l’obligation de remplir une série de critères (attachement au Danemark, ressources, logement…). Cette règle des 24 ans vient de faire l’objet d’ajustements dans le cadre de la Loi de Finances 2011. Des ajustements qui débouchent sur l’introduction d’un système à points inédit (1).

Concrètement, ce système est basé sur l’obtention d’un seuil minimum de points (120 pour ceux ayant moins de 24 ans, 60 pour les autres) à partir de la liste suivante de critères, qui sont, par ordre décroissant d’importance, la formation, l’expérience professionnelle, la maîtrise d’une langue (danois, suédois, norvégien, anglais, français, espagnol ou allemand) et le respect de divers points (compétences linguistiques d’un plus faible niveau, engagement à ne pas s’installer dans un ghetto, volontariat dans le domaine humanitaire…).

Le thème de l’immigration déchaînant facilement les passions et étant également souvent marqué du sceau du politiquement correct, il est important de faire preuve, autant que faire se peut, d’objectivité.

Le premier constat qui découle de ce système à point est qu’il ne participe en rien à la “guerre” des religions. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le top 5 des nationalités concernées par le regroupement familial au Danemark au titre de l’année 2009: Thaïlande, Turquie, Philippines, Chine et Etats-Unis (2).

Deuxièmement, la sauvegarde de l’Etat-providence danois passant à l’avenir (tous les économistes s’accordent sur ce point) par la présence de davantage d’étrangers qualifiés sur le marché du travail, les autorités entendent s’assurer que tous les individus qui bénéficient du regroupement familial sont effectivement employables et contribuent activement au fonctionnement de la société danoise.

La nécessaire expansion du marché du travail constitue d’ailleurs, au-delà de ce système à points, le coeur des réformes qui vont être adoptées au Danemark au cours des prochaines années. Parmi ces réformes, celle de la pension d’invalidité, pour laquelle les étrangers d’origine non-occidentale sont clairement sur-représentés: ils bénéficient du dispositif en moyenne trois fois plus souvent que les Danois, le nombre de bénéficiaires explosant depuis 2005…(3).

Troisième constat, le durcissement de la législation dans le domaine de l’immigration a bien eu pour conséquence de réduire de près de moitié le nombre de regroupements familiaux, mais n’a en rien empêché le nombre d’étrangers présents sur le marché du travail danois d’exploser au cours de la même période (4).

Ces nouvelles règles sont largement critiquées. En dehors du Danemark (Parlement Européen notamment) mais aussi bien évidemment au sein de la société danoise. Gênée, l’opposition de gauche proposait un système à points alternatif basé sur l’obligation de remplir 2 des 5 conditions suivantes: avoir passé avec succès un examen en danois, avoir passé avec succès un examen en anglais, disposer d’une formation jugée pertinente, disposer d’une expérience professionnelle minimum de deux ans répondant aux besoins du marché du travail et…signer une déclaration selon laquelle l’individu concerné se dit disponible pour le marché du travail. L’opposition feint donc de ne pas voir que c’est d’une main-d’oeuvre étrangère exclusivement qualifiée dont le pays a besoin…

Finalement, la véritable question, et elle est de taille, est la suivante: revient-il à l’Etat de décider avec qui on peut faire sa vie? Que certains Danois répondent par l’affirmative ne doit surprendre personne, tant l’Etat-providence est partout présent. Il n’en reste pas moins que le Danemark reste donc un cas à part en termes d’immigration. L’avenir dira s’il a eu raison. En attendant, les autorités seraient bien inspirées de mettre le turbo en termes d’attractivité…

(1) www.nyidanmark.dk/NR/…/0/nye_tider_nye_krav_pointsystemet.pdf

(2) http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Statistik/SearchStatistics.htm?searchtype=statistics

(3) http://www.samspil.info/forside/vis+artikel?id=238

(4) http://www.berlingske.dk/politik/fire-gange-saa-mange-udlaendinge-i-danske-job

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La France, le Danemark et le plurilinguisme

IMG_0779[1]Dans l’analyse, de plus en plus partagée, du déclin économique de notre pays, un thème est systématiquement négligé : la capacité à s’exprimer dans plusieurs langues. Dans ce domaine précis, il serait faux d’ériger le Danemark comme véritable modèle, et ce pour au moins deux raisons: la taille du pays, qui l’oblige, sans doute plus par nécessité que par réelle conviction, à faire un minimum d’efforts pour exister, se faire entendre et s’ouvrir aux autres, et l’importance accordée à l’anglais au détriment de toutes les autres langues (fait notable, sans le voir comme une menace pour le danois, parlé par seulement 5,5 millions d’habitants). Pourtant, l’annonce faite par le gouvernement  danois de la présentation prochaine d’une stratégie de promotion de l’apprentissage des langues étrangères vient relancer un débat dont nous aurions tort de nous passer, au vu par exemple des résultats de notre commerce extérieur.

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L’approbation donnée par la ministre de la Science, de la Technologie et de l’Innovation, Charlotte Sahl-Madsen, à la fermeture de départements entiers d’enseignement de langues étrangères au sein des écoles de commerce et des universités danoises (Aarhus, Copenhague, Odense) explique la vigueur des débats actuels. Pour le gouvernement, il s’agit de réintégrer ces enseignements dans le cadre de formations plus larges répondant aux besoins du marché du travail. En d’autres termes, les compétences linguistiques seules ne sauraient être suffisantes.

Pour les détracteurs de ce processus de « modernisation », les langues étrangères, qui n’ont, à de rares exceptions près, plus la cote auprès des étudiants, risquent de recevoir le coup de grâce. Il est vrai que leur enseignement, exclusivement vu sous l’oeil de la rentabilité, a ses limites : faudrait-il  par exemple renoncer à former des spécialistes dont la tâche, loin des caméras et du monde des affaires, est de préserver des milliers de langues aujourd’hui menacées de disparition ?

Certains acteurs ont quoi qu’il en soit compris que les Danois seraient bien inspirés de ne pas se contenter de leur niveau, en général satisfaisant, en langue anglaise. La confédération danoise des entreprises (DI) lançait par exemple, en juin 2009, une initiative, « Ja til sprog » (“Oui aux langues »), destinée à rassembler tous ceux qui souhaitent mettre toutes les langues à l’ordre du jour (1). L’objectif est évidemment avant tout économique (conquête de marchés), mais il s’agit plus généralement de faire prendre conscience des atouts résultant de leur apprentissage.

L’exemple norvégien est souvent avancé. Le pays lançait dès 2003 une stratégie intitulée « Sprog åbner døre » (les langues ouvrent des portes ») dans le cadre de laquelle un centre national des langues étrangères (« Fremmedspråksenteret ») était mis en place dans le but de renforcer significativement les compétences linguistiques de la population (2). La politique suivie depuis lors est la suivante: les Norvégiens ne doivent plus considérer l’anglais comme une langue étrangère, mais comme une langue nationale, au même titre que le norvégien (ce qui est bien évidemment exclu dans le cas de la France) et parler une langue étrangère de plus.

Et la France dans tout cela? La vision de la langue anglaise comme d’une hégémonie qu’il faut combattre n’a pas permis de déboucher, bien au contraire, sur le développement de l’apprentissage des autres langues étrangères, qu’elles soient européennes ou non, malgré une offre pléthorique inégalée en Europe. Les études publiées régulièrement par la Commission Européenne (Eurobaromètre) montrent qu’une minorité de Français adhèrent à la proposition selon laquelle chaque citoyen de l’UE devrait être en mesure de parler deux langues étrangères en plus de sa langue maternelle. Il ne sert donc à rien de tirer à boulets rouges sur l’omniprésence de l’anglais si dans les faits la seule alternative proposée reste le français.

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Il s’ensuit que tendre vers le plurilinguisme dans notre pays, en convainquant les Français, comme mentionné dans la Charte Européenne du Plurilinguisme, que « la connaissance d’une ou de plusieurs langues étrangères est un élargissement considérable du champ de vision des individus et la voie d’une meilleure compréhension des sociétés et des problèmes contemporains », passe par l’adoption d’une attitude plus décomplexée, plus neutre envers la langue de Shakespeare et, au vu des enquêtes Eurobaromètre, par certains changements.

Le maintien du doublage des voix concernant les films et les séries étrangères et le refus d’utiliser son alternative, le sous-titrage, sont d’autres aberrations au vu de l’importance qu’occupe aujourd’hui la télévision. Certes, des progrès ont été accomplis, grâce à la diffusion du DVD et de la télévision numérique, qui offrent de nombreuses combinaisons de langues, mais il ne faut pas oublier que quiconque désire apprendre une langue n’y parvient pas seulement en résolvant des exercices de grammaire mais en la parlant et en écoutant aussi sa musicalité.

L’argument le plus avancé par ceux désirant faire perdurer ce système, à savoir que le sous-titrage « pollue » l’image ne tient pas compte du fait que le doublage est une « pollution » bien plus grave qui empêche de s’habituer aux tonalités d’une langue et qui complique donc le chemin menant à sa prononciation correcte. Quant à ceux qui pensent que regarder des films ou des séries en version originale reviendrait à renforcer l’omniprésence de l’anglais, il ne tient qu’à tous les acteurs du monde culturel de mettre en place une politique plus respectueuse de la diversité des productions, en imposant notamment des quotas de programmes dans les autres langues.

Dans son ouvrage, « Le nomade polyglotte », publié en 2000, Jean-François Malherbe montrait que celui qui apprend plusieurs langues prend conscience que sa langue maternelle n’est qu’une vision de la réalité parmi d’autres et qu’à ce titre elle doit être relativisée. Mais il comprend aussi la force émotionnelle du lien qui le relie invariablement à sa vision originelle. Une thèse en totale contradiction avec la tentative de manipulation des esprits de la part de ceux, encore trop nombreux, qui se retranchent constamment derrière le soi-disant désamour dont le français ferait l’objet pour privilégier le statu-quo en terme de plurilinguisme.

Il serait temps de prendre conscience que ce qui est dans l’intérêt de la langue française n’est pas nécessairement dans l’intérêt de la France.

(1) http://di.dk/Opinion/Forskning%20og%20innovation/Pages/jatilsprog.aspx

(2) http://www.fremmedspraksenteret.no/index.php?ID=12485

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Défense de la retraite à 60 ans (France) versus défense de la préretraite à 60/62 ans (Danemark)

P7251849Avant de poursuivre la revue (presque inépuisable une fois admise la thèse du délitement accéléré de notre pays) de ce que les Danois ont à nous apprendre, il peut sembler utile, à l’heure où la France est une nouvelle fois paralysée par la grève, de faire un dernier point sur le thème des retraites. Histoire de bien comprendre l’absurdité de la situation actuelle.

Pendant qu’une majorité de nos concitoyens apporte son soutien à un mouvement social dont les formes d’action sont en grande partie inacceptables en sans égal en Europe, une majorité de Danois se dit convaincue de la disparition, d’ici une dizaine d’années, du dispositif de préretraite. Autrement dit, au moment même où les organisations syndicales, non-représentatives, et le parti socialiste, décidément arriéré dans ses prises de position, s’accrochent au principe intenable de la retraite à 60 ans, une partie non négligeable de la population danoise se prépare à la suppression de la préretraite, dont il est aujourd’hui possible de bénéficier à partir de…60 ans.

Sous certains aspects, la réforme des retraites aujourd’hui proposée en France est critiquable. Le Mouvement Démocrate en a d’ailleurs pointé les injustices. La taille de la pilule à avaler est toutefois proportionnelle à l’inactivisme des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, sur le sujet. La réforme actuelle est loin de régler les problèmes de manque de financement…D’où le retour du thème des retraites dès 2013 (1).

D’un autre côté, on ne peut s’empêcher de souligner le cruel manque de pédagogie de la part du gouvernement: les expériences vécues à l’étranger, y compris au Danemark, n’ont été véritablement mises en avant qu’une fois le conflit déclenché. Les carences habituelles de nos gouvernants sont d’autant plus criantes dans le contexte actuel: pas de véritable prise en compte de ce qui marche à l’étranger (dans le domaine des retraites, il aurait fallu davantage se pencher sur le modèle suédois…), absence de tout débat sur les sujets inséparables du thème des retraites (emploi des jeunes, emploi des séniors…).

Courrier Danemark s’efforce depuis plus de deux ans de mettre en lumière la répétition de travers qui sautent aux yeux vus de l’étranger. La situation actuelle dans notre pays est si mauvaise que la réforme actuelle des retraites cristallise à elle seule tous les mécontentements. Ce sera le cas tant que l’on nous reservira les mêmes plats.

Un autre exemple pour la route? La Commission Attali. Pourquoi toujours choisir la même personne pour diriger une commission dont les 42 autres membres sont invariablement mis dans l’ombre en raison de la personnification excessive du travail accompli? Le résultat est pourtant prévisible: aussi intéressantes que puissent être les propositions émises (par exemple la TVA sociale), elles ne trouveront que très peu d’écho dans la mesure où nos concitoyens ne se reconnaissent plus dans le “modèle” du navire à un seul capitaine.

Pour la petite histoire, ni les 71% de Français qui soutiennent le mouvement social actuel, ni les Danois se déclarant pour la suppression immédiate de la préretraite, n’ont raison. Les premiers parce qu’ils ne saisissent plus la marche du monde, empêtrés dans des réflexes idéologiques totalement dépassés, les seconds parce que les économies promises par une telle mesure (le coût du dispositif est d’environ 3 milliards d’euros par an) ne sont qu’une illusion: dans le contexte actuel, marqué par une timide amélioration de l’emploi, les quelque 130 000 bénéficiaires de la préretraite seraient dans leur majorité contraints de toucher l’allocation chômage, ce qui ne profiterait absolument pas aux finances publiques (en nette amélioration par ailleurs, un retour sous la barre de 3% de déficit étant envisageable dès 2012). Sans compter que la préretraite permet de prendre en compte le facteur de la pénibilité du travail.

A l’arrivée, les blocages actuels, qui résultent en partie de notre refus de prendre en compte la réalité des évolutions démographiques, nous empêchent logiquement d’exploiter les opportunités qui y sont associées. Un rapport publié au Danemark dès 2006, au moment même où les formations politiques parvenaient à un accord en termes d’élévation progressive de l’âge de départ en préretraite (de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022) et en retraite (de 65 à 67 ans entre 2024 et 2027), les pointait justement du doigt en appelant à l’avènement d’une société dans laquelle le rôle joué par individu dans la société n’est pas déterminé par son âge, mais par ses capacités physiques et psychologiques (2).

Le Danemark n’a certes pas encore integré toutes les promesses des travaux menés au cours de ces dernières années, mais comment ne pas faire le lien entre ces réflexions et son très bon placement en termes de “velfærdsteknologi” (solutions technologiques principalement centrées sur les personnes âgées), par ailleurs nouveau succès à l’export?

(1)http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/10/22/pour-le-vrai-debat-rendez-vous-en-2013_1429763_3232.html

(2) Det Strategiske Forskningsråd www.fi.dk/…aldrendesamfund…/det-aldrendesamfund-2030.pdf Autre recommandation du rapport en question, la généralisation du rôle de mentor joué par les séniors sur le marché du travail, en direction notamment des étrangers. Une manière de transmettre ses connaissances et son expérience aux jeunes générations.

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La France et le Danemark à la croisée des chemins

P7141654Suivre le Danemark a ceci d’intéressant qu’en tant que pays parmi les plus avancés de la planète, il joue le rôle d’éclaireur face au tsunami asiatique qui se prépare. Les projections de classement du PIB par habitant en 2020 indiquent par exemple que quatre pays asiatiques pourraient figurer dans le top 15 d’ici cette date (Singapour, Hong-Kong, Taïwan et la Corée du Sud). La Chine et l’Inde n’atteindront pas encore ces niveaux mais attirent, autre exemple, une part croissante des fonctions de R&D de nos grandes entreprises.

Face aux défis posés par l’émergence de l’Asie, il importe de réagir, à travers notamment l’adoption d’ambitieuses réformes structurelles. Cela vaut pour la France, comparativement moins affectée par la crise, et pour le Danemark, où la reprise semble néanmoins plus vigoureuse (croissance de 1,7% au second trimestre 2010, de 3,7% sur un an).

A propos de réformes structurelles, les défis s’accumulent pour le Danemark. La faute à un contexte politique figé (la coalition parlementaire au pouvoir ne dispose pas de la majorité au Folketing) dans l’attente de la tenue des prochaines élections, au plus tard à l’automne 2011. Le Danemark est en effet contraint, pour préserver le niveau actuel d’Etat-providence, de réformer en profondeur son marché du travail (allongement de la durée du travail, suppression de la préretraite, réforme de la pension d’invalidité, recours accru à la main-d’œuvre étrangère qualifiée…), de mettre un terme à l’envolée de la consommation publique (record mondial dans ce domaine), de relancer la productivité, à la base du glissement du pays dans les divers classements internationaux, sans compter tout un arsenal de mesures destinées à renforcer sa compétitivité. Le tout afin de répondre aux sombres perspectives dessinées par l’OCDE sur la période 2012-2025.

Taux de croissance moyen attendu au cours de la période 2012-2025 (OCDE)

image

En résumé, le Danemark n’a pas d’autre choix que de prendre davantage conscience, au cours de la période de transition actuelle, de sa vulnérabilité et du sentiment d’urgence censé l’accompagner. La question qui doit alors naturellement se poser est la suivante: si un pays aussi avancé que le Danemark est confronté à des défis d’une aussi grande ampleur avec des fondamentaux pourtant bien plus solides que la plupart de ses partenaires européens, qu’en est-il de se qui attend la France?

Cette question a de quoi faire peur. Pensez un instant aux défis qui attendent notre pays lorsqu’il doit par avance faire face aux handicaps suivants:

La dette publique était de 82,9% à la fin du premier semestre 2010. Elle attendra vite la barre des 90% (contre 50% au Danemark). Autrement dit, notre pays ne dispose d’aucune marge de manoeuvre budgétaire.

A peine 50% des contribuables s’acquittent de l’impôt sur le revenu (90% au Danemark). Difficile dans ce cadre de convaincre qui que ce soit que le pays navigue vers une destination commune où la solidarité bénéficie d’une place de choix.

Le marché du travail est caractérisé par un taux d’emploi plus faible de plus de 10 pts par rapport au Danemark, le fonctionnement du service de l’emploi est plombé par la fusion ANPE-Unedic et l’alignement sur le modèle de flexicurité reste largement à accomplir.

L’organisation des collectivités territoriales est à revoir entièrement. A titre d’exemple, le Danemark ne dispose plus que de 98 communes et de 5 régions depuis 2007. En prenant en compte l’effet taille, l’équivalent serait d’environ 1200 communes dans notre pays. Pas 37 000…

Nos échanges extérieurs sont déséquilibrés et la mondialisation continue de faire peur. Un joli contraste avec le Danemark, qui ne jure en ce moment que par la Chine, appréhendée non pas comme une menace, mais comme un océan d’opportunités.

La réforme actuelle des retraites, perçue comme peu ambitieuse à l’étranger (mais comme inacceptable par des syndicats archaïques accrochés au dogme de la retraite à 60 ans) ne règle pas les problèmes de financement (en comparaison, le Danemark dispose du système de retraite le plus solide de l’UE avec la Suède).

Le nombre de travailleurs pauvres augmente (quoi de plus normal avec un salaire médian d’à peine 1600 euros par mois?). Les danois ont depuis longtemps compris qu’il n’y a pas que la compétitivité des salaires qui compte. Les employeurs payent d’autre part très peu de charges sociales, tandis que le taux de l’IS est dans la moyenne européenne (25%, contre 33% en France).

A société moderne, formes de management modernes (pas de cas France-Télécom au Danemark). La coupure entre les élites et le reste de la population n’est plus à démontrer, de même que la lourdeur des hiérarchies. En visite au Danemark la semaine dernière, Robin Sharma, expert dans ce domaine, soulignait notamment l’impérieuse  nécessité de faire de tous les employés des “leaders”.

La société française est atteinte d’un certain immobilisme: vérouillage des postes clés (pas ou peu de trentenaires ou de quadragénaires, faible présence des femmes, remise en cause de l’indépendance de la justice, impartialité de la presse attaquée, capitalisme de connivence), ascenseur social bloqué et sentiment répandu de déclassement. Or, qui dit faible mobilité dit faible dynamisme…

Définition de plus en plus exclusive du pays par opposition: à la mondialisation, aux réformes (avec souvent une vision étriquée des dossiers: combien de fois a t-on entendu dire, lors des négociations entourant la réforme des retraites, qu’au lieu de modifier l’âge de départ à la retraite, il valait mieux faire de la place aux jeunes?), à la Turquie dans l’UE…

Alors que l’immobilisme du gouvernement danois commence à irriter une frange croissante de la population (une majorité de citoyens serait par exemple favorable à une intervention sur les préretraites), de plus en plus consciente de l’ampleur des sacrifices nécessaires à la préservation du niveau de vie actuel, une partie des Français est dans la rue pour la conservation “d’acquis” qui n’existent déjà plus dans des pays ayant un niveau de vie comparable…Avons-nous seulement conscience de ce qui nous attend?

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A quand le retour du manque de main-d’oeuvre au Danemark?

P7161728Comment préparer le pays au retour du manque de main-d’oeuvre à moyen terme dans un contexte toujours marqué par les difficultés rencontrées par les jeunes diplômés à mettre le pied sur le marché du travail? C’est un des dillemmes auquel le gouvernement danois doit aujourd’hui faire face. Il en va tout simplement de la survie de l’Etat-providence, une fois considéré le fait que la disparition progressive du dispositif de préretraite, mais aussi la réforme de la pension d’invalidité, la maîtrise de la dépense publique ou encore l’éventuelle augmentation de la pression fiscale (qui ne peut être que limitée au vu de son niveau actuel) ne suffiront sans doute pas à assurer la soutenabilité des finances publiques après 2015 (1).

Le plus tôt la population danoise aura saisi l’importance des enjeux, le mieux ce sera. La préparation des prochaines élections générales, qui auront lieu d’ici novembre 2011, constitue une excellente opportunité, parallèlement au travaux du Forum de la Croissance (structure informelle de prospective chargée de formuler des propositions, d’ici le printemps 2011, afin de relancer la croissance), de débattre d’un thème sensible, qui fâche encore une partie des électeurs danois.

Il faut dire que l’immigration est un phénomène récent pour le Danemark et que la réputation du pays dans ce domaine tranche singulièrement avec celle du voisin suédois, en dépit des progrès notables réalisés en termes d’intégration des étrangers sur le marché du travail au cours de ces dernières années. La récente une du quotidien danois Jyllands-Posten (plus grand tirage du pays) résume d’ailleurs bien les enjeux.

imageLes peuples frères divisés sur les étrangers”, Jyllands-Posten, 15 septembre 2010

Il est à ce titre intéressant de rappeler qu’une des explications avancées par le Monde Magazine quant à la place numéro un occupée par le Danemark au classement du bonheur est la cohésion nationale. Un sentiment lié à l’existence d’une “tribu”, les Danois, et qui trouve une traduction politique assez forte depuis quelques années déjà.

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La frilosité du Danemark vis-à-vis des étrangers doit en effet beaucoup à la présence du parti nationaliste au sein de la coalition parlementaire au pouvoir depuis 2001. Les difficultés économiques tendent de plus (ici comme ailleurs!), à mettre les étrangers en première ligne. Le parti nationaliste danois vient par exemple d’exiger, dans le cadre des négociations entourant la Loi de Finances 2011, que les étrangers hors UE ne puissent plus percevoir de revenus de transfert de la part de l’Etat dès lors qu’ils n’ont pas payé d’impôts au Danemark pendant au moins 7 ans…(2).

La plupart des acteurs du monde économique ont néanmoins déjà saisi l’urgence de la situation, bien aidés en cela par diverses études récemment publiées par des groupes de réflexion. AErådet (think-tank rattaché à LO) indiquait par exemple qu’il manquerait 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au pays d’ici 2019 (3). Le renforcement de l’attractivité du pays est ainsi sur toutes les lèvres, les faiblesses du Danemark étant désormais bien identifiées: fiscalité peu favorable (y-compris pour les chercheurs), manque d’écoles internationales, difficultés administratives liées à l’omniprésence d’une langue, le danois, qui peut sembler difficile au premier abord, manque de logements étudiants…

De nombreuses initiatives venant compléter celles en place au niveau du secteur public sont donc en train d’être lancées afin de répondre à un besoin de main d’oeuvre étrangère qualifiée qui pourrait revenir très vite pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…). Certaines entreprises privées ont ainsi mis en place un consortium afin de coordonner les efforts dans ce domaine (4). Un projet de construction d’un Campus Universitaire vient également d’être lancé à Copenhague, avec pour objectif de retenir une plus grande partie des quelques 16 000 étudiants étrangers poursuivant chaque année des études dans le pays (5).

Recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée pour préserver le très spécifique modèle danois d’Etat-providence. C’est le paradoxe dans lequel le pays devrait selon toute vraisemblance à nouveau se trouver après l’avant-goût constitué par la période 2006-2008. La première étape passe par le renforcement de son attractivité. Ne soyez donc pas étonnés d’entendre parler un peu plus du Danemark dans les années à venir…

(1) Le taux d’imposition sur le revenu du travail était de 48,3% en 2008. Il a depuis été abaissé, mais reste le plus élevé du monde.

(2) http://politiken.dk/politik/1060676/df-nul-ydelser-til-indvandrere-i-syv-aar/

(3) www.ae.dk/files/AE_okonomiske-tendenser-2009.pdf page 68.

(4) Consortium for Global Talent www.investindk.com/visNyhed.asp?artikelID=23515

(5) ThinkTankTalent www.thinktanktalents.dk/ThinkTankTalents/CPH_Campus.html

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La flexicurité danoise, encore et toujours

20100612_163203_363La critique des pays scandinaves et devenu pour certains un véritable sport. On feint ainsi de découvrir que la crise ne les aurait pas épargnés (comme l’aurait-elle pu au vu du degré d’ouverture des économies concernées?). Mais le comble est que cette critique, au lieu de pointer les véritables zones d’ombre des modèles en question, préexistantes aux difficultés du moment, se concentre malencontreusement sur leurs points forts, dont il n’est jamais trop tard de s’inspirer. C’est ainsi qu’après avoir, sans analyse aucune, décerné au Danemark le titre de « premier gréviculteur de l’UE », Philippe Askenazy, directeur de recherches au CNRS, en remet une couche, cette fois-ci sur le thème de la flexicurité (1).

L’article en question, intitulé « La flexsécurité à la peine », et basé sur les seules statistiques d’Eurostat, suggère que la crise au Danemark, marquée par un taux de chômage proche de 7% au niveau national (12% pour les moins de 25 ans), vient à ce point confirmer les doutes sur l’efficacité réelle du modèle de flexicurité qu’il y a « de quoi interroger le sens des réformes menées en France depuis dix ans », réformes qui s’en seraient prétendument inspirées.

Il est vrai que la dégradation de la situation de l’emploi est particulièrement marquée au sein des pays nordiques en général et au Danemark en particulier. A 6,9% en juillet 2010, le taux de chômage danois a fait plus que doubler depuis l’automne 2008. Un constat qui ne doit pas étonner. C’est en effet le propre du modèle de flexicurité d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, quelles qu’elles soient. Entre 1993 et 2008, les statistiques officielles danoises indiquent ainsi que le taux de chômage est passé de 12,5 à 1,6%. Ne serait-il pas instructif d’analyser les raisons d’une évolution aussi favorable?

Les statistiques de l’emploi actuelles indiquent par ailleurs que les séniors danois ont été largement épargnés par la crise. Le taux d’emploi des 55-59 ans (80,3%) reste ainsi supérieur à la moyenne nationale (76,9%). Le taux d’emploi des 60-64 ans, plus faible (43,4%), a même légèrement progressé entre 2008 et 2009 (2). Il faut dire que l’emploi des séniors a fait l’objet ces dernières années à l’adoption d’une large palette de mesures: retraite volontaire à 70 ans, amélioration des conditions de cumul emploi-retraite, incitations fiscales, meilleure prise en compte dans le cadre des conventions collectives, campagnes de sensibilisation…

Le chômage des jeunes est certes en progression mais le Danemark reste le meilleur élève de l’UE dans ce domaine. Dans une note publiée en février 2010, l’OCDE attribuait ce résultat à l’habitude prise par les étudiants danois de combiner emploi et études (ce qui renforce leur employabilité), à l’efficacité du système de formation professionnelle, notamment basé sur une interaction constante entre employeurs et partenaires sociaux, et à l’accent mis par les autorités danoises, depuis le début de la crise, sur les jeunes sans qualifications (3).

La stabilité de la part représentée par les emplois dits « atypiques » (CDD, intérimaires, indépendants), environ 15% du total de la main-d’œuvre présente sur le marché du travail, s’accompagne de plus d’un niveau de protection et d’avantages similaire aux emplois « normaux » dans la mesure où ce type d’emplois est souvent en partie régulé par les conventions collectives (4). La part représentée par les CDD est même orientée à la baisse.

Le niveau des salaires est tel qu’il permet de contenir le nombre de travailleurs pauvres, tandis que celui de l’allocation chômage (2180 euros avant impôt) tend à dédramatiser la période passée sans emploi. Enfin, si l’emploi à temps partiel est orienté à la hausse (27% de la main-d’œuvre est concernée), il n’est que faiblement subi (5).

Selon Philippe Askenazy, « même si le chômage de longue durée demeure contenu, les institutions ne semblent pas capables de tenir la promesse d’assurer une fluidité du marché du travail ». C’est en partie vrai à court terme, mais entièrement erroné face à la perspective du retour du manque de main-d’œuvre qualifiée, qui pourrait, pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…) s’avérer très rapide. Selon AErådet, groupe de réflexion rattaché à LO, la principale confédération syndicale danoise, il manquera quelque 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au Danemark en 2019…

C’est en prévision de cette entrée attendue dans une ère post-chômage, dont le pays a eu un avant-goût en 2007 et en 2008, que doivent être appréhendées les récentes réformes entourant le fonctionnement du service public de l’emploi. La décision de confier aux seules communes la gestion des jobcenter (août 2009) et la simplification du mode de placement des chômeurs (premier trimestre 2010) débouchent en effet sur la rationalisation de l’effort accompli en termes d’aide au retour à l’emploi, l’objectif final étant de favoriser l’expansion du marché du travail.

En laissant entendre que la « flexicurité à la française » est en ce moment même en construction, Philippe Askenazy fait l’erreur, emprunte de naïveté, de confondre le discours de nos hommes politiques avec leurs actes. La fusion ANPE-Unedic est ainsi inspirée du « modèle » anglais (les jobcenter danois ne s’occupent en aucun cas des questions d’indemnisation, confiée aux caisses d’assurance-chômage, afin de consacrer toutes leurs ressources l’aide au retour à l’emploi). Deuxième exemple, l’offre raisonnable d’emploi. Alors que les autorités françaises ont tenu, en 2008, à en préciser la définition, le Danemark avait, depuis quelques années déjà, initié le mouvement inverse. La réforme de la représentativité syndicale n’incitera enfin pas nécessairement les organisations françaises à faire preuve de davantage de responsabilité, comme l’indique le débat actuel sur les retraites. On ne peut à ce titre que déplorer le gouffre constaté en termes de taux de syndicalisation entre nos deux pays (environ 60 pts de pourcentage!).

Il reste donc à espérer de la part de nos élites, notamment celles appartenant au monde académique, une attitude plus constructive. Dénoncer un modèle sur la base de bien maigres statistiques afin de mettre en garde contre des politiques menées au niveau national qui ne s’en inspirent que de manière très marginale n’a en effet pas beaucoup de sens. La flexicurité danoise a bien évidemment des limites (le taux de couverture moyen des allocations chômage n’est plus que de 50%, les politiques visant à réduire le nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité, qui regroupe 7% de la population en âge de travailler, ont échoué, le dispositif de préretraite pèse sur les finances publiques…), mais aussi des forces qui valent plus que jamais la peine d’être étudiées.

Les Danois ne semblent en tous les cas pas douter du bien-fondé de leur modèle de marché du travail. Selon Christian Lyhne Ibsen, Chercheur au Centre de recherche sur les relations de travail (FAOS) de l’Université de Copenhague, « les Danois ne manifestent, dans une très grande majorité, aucune inquiétude au sujet de l’emploi, ce sentiment de sécurité étant, somme toute, une preuve tangible du bien-fondé de la flexicurité » (6).

(1) www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/24/la-flexsecurite-a-la-peine_1402141_3232.html

(2) Données Danmarks Statistik (Statistikbanken)

(3) www.oecd.org/document/40/0,3343,fr_33873108_33873309_44290024_1_1_1_1,00.html

(4) Flexicurity and atypical employment in Denmark, CARMA 2009. www.epa.aau.dk/fileadmin/user…/2009-1-Kongshoej_m-fl.pdf

(5) Danmarks Statistik, Arbejdskraftundersøgelsen, 2 septembre 2010

(6) http://ldf-acc-front1.heb.fr.colt.net/revues/grande-europe/focus/15/danemark.-flexicurite-prise-revers-par-crise.shtml

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Comment va le Danemark?

20100612_162348_343C’est la question posée par la plus grande confédération syndicale danoise, LO. Inquiète des conséquences de la crise, cette dernière lance depuis le 15 août une campagne intitulée “Prends le Danemark sérieusement”, campagne qui vise à prendre le pouls de la société danoise et à faire des propositions concrètes (1). Il est vrai que la crise, illustrée par la forte chute du PIB en 2009 (-4,9%), a laissé des traces. Les destructions d’emploi ont été fortes, le taux de chômage a presque triplé (de 1,6 à 4,2%) entre l’automne 2008 et juin 2010, tandis que la soutenabilité des finances publiques reste à assurer à partir de 2015, comme indiqué dans le dernier rapport du Conseil des Sages (2). Le tout dans un contexte économique encore fragile, caractérisé de manière très laconique par le ministre des Finances comme une “reprise stable” (3).

imageCette campagne est pour LO une manière de reprendre du poil de la bête face au gouvernement. Il faut dire que depuis l’arrivée des libéraux et des conservateurs au pouvoir, en 2001, la confédération doit faire face à une certaine perte d’influence. Le nombre de membres est depuis peu passé sous la barre symbolique du million. De nombreuses réformes ont de plus affaibli le rôle qu’elle joue sur le marché du travail danois: introduction du principe de concurrence au sein des caisses d’assurance-chômage (2002), censée remettre en cause leur structuration par branche, durcissement des devoirs des demandeurs d’emploi (2003), réforme des collectivités territoriales (2007), qui n’accorde plus qu’un rôle consultatif aux organisations syndicales au sein des organes de supervision du marché du travail, communalisation intégrale des jobcenter (2009), adoptée sans son aval…La liste commence à être longue.

La récente réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, adoptée dans le cadre du plan de redressement des finances publiques, a également suscité la colère de LO. Il semble toutefois que la mesure était incontournable dans l’optique d’atteindre l’objectif numéro un de l’économie danoise au cours des prochaines années, à savoir la préservation du niveau d’Etat-providence à travers l’expansion du marché du travail. La commission sur l’emploi, qui avait rendu l’année dernière un rapport faisant une série de propositions sur ce thème, avait ainsi mis en évidence une augmentation notable du retour à l’emploi des bénéficiaires de l’allocation chômage dès lors que s’approchait la fin de la durée légale de sa perception (4).

Les relations entre le gouvernement actuel et LO sont donc pour le moins tendues, mais cela n’empêche pas cette dernière continuer, après le renouvellement réussi des conventions collectives encadrant le secteur privé, de faire preuve de responsabilité en lançant une campagne qui ne peut être que constructive et salutaire. Nous sommes donc bien loin d’un contexte dans lequel les organisations syndicales ne défendent que leurs intérêts propres et n’ont pour seule politique que la grève…

(1) www.tagdanmarkalvorligt.dk

(2) www.dors.dk/sw403.asp

(3) www.business.dk/oekonomi/hjort-danmark-i-stabilt-opsving

(4) www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

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Le Danemark, champion de la grève?

20100612_144122_255Le nombre important de contre-vérités avancées sur nos partenaires européens a de quoi faire peur. Le phénomène traduit un manque de rigueur d’autant plus gênant que la situation économique actuelle exige un renforcement de la coordination entre les Etats membres de l’UE et donc un approfondissement de la connaissance du contexte économique prévalant dans chacun d’entre eux. Après l’existence d’un soi-disant bouclier fiscal en Allemagne (supprimé en 2006), c’est au tour du Danemark de faire l’objet d’une nouvelle affirmation à l’emporte pièce. C’est que le pays serait, selon Philippe Askenazy, Directeur de Recherche au CNRS, le premier “gréviculteur” de l’Union Européenne au cours de la décennie 1998-2008 (1). Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les statistiques avancées par Eurostat: le nombre de jours perdus pour 1000 travailleurs n’a jamais été supérieur à 193 en France (en 2003), alors qu’il a atteint 1254 jours en 1998 et 682 jours en 2008 au Danemark.

Mais d’une analyse un peu plus approfondie des données avancées, il n’en est point. Sans doute parce que ces dernières contribuent, sans effort aucun, à remettre en cause l’image d’une France “pays de la grève”, image sans doute accentuée par la dernière coupe du monde de football. Cela s’appelle le benchmarking inversé, une spécialité bien française selon laquelle il vaut mieux éviter de se comparer à un autre pays lorsque la comparaison est susceptible de mettre en lumière nos carences et nos retards.

Dans cette logique, le Danemark n’est ces derniers temps cité dans la presse que sous un angle folklorique. Avant cet article faisant du pays le premier “gréviculteur” de l’UE, l’ensemble de la presse quotidienne française nous avait ainsi fait la grâce de nous informer, au printemps dernier, du débrayage, pendant 5 jours, des employés d’un dépôt de production de Carlsberg, qui protestaient contre la diminution de leur allocation quotidienne gratuite de bière…(2).

Il faut dire que les Danois ont un rapport si passionnel avec les mouvements sociaux que pendant la durée d’application des conventions collectives, qui couvrent 85% du marché du travail et qui sont renégociées en moyenne tous les trois ans, la grève est tout simplement interdite. Une caractéristique qui, combinée à l’intervention automatique d’un conciliateur en cas d’enlisement des négociations, laisse donc peu d’opportunités aux organisations syndicales d’aller jusqu’au conflit.

C’est ainsi que le dernier grand conflit dans le secteur privé remonte à 1998. Avant 1998, il y avait eu 1961, 1973 et 1985. Soit en moyenne un conflit tous les 12 ou 13 ans, ou encore un conflit pour trois à quatre convention collective renégociée…A ce rythme effréné, les Danois ont l’avantage, puisque la fréquence des grèves est strictement encadrée, d’en connaître à l’avance les risques d’éclatement. Autrement dit, les désagréments de mouvements de grève intempestifs du type de celui déclenché cette semaine en France par les aiguilleurs du ciel n’existent tout simplement pas…

Dans un pays où le taux de syndicalisation atteignait 69% en 2009, les organisations syndicales danoises sont de plus contraintes de faire preuve d’un minimum de responsabilité. Le conflit vécu en 2008 dans le secteur public (grève des infirmières et des éducateurs) a ainsi coûté près de 135 millions d’euros aux organisations concernées en raison du recours par les employeurs au “lockout”, qui les oblige alors à verser une allocation, y compris aux non-grévistes, d’un montant équivalent à celui des allocations chômage (100 euros par personne et par jour). Si les organisations syndicales françaises, qui ne représentent que 7% des salariés, avaient les mêmes devoirs, gageons que la France ferait bien mieux que d’être dans la moyenne UE…

Enfin, à considérer que le Danemark est effectivement le premier “gréviculteur” de l’Union Européenne, son système de négociation collective est également aux avant-postes en termes d’avantages accordés à la main d’oeuvre couverte par les conventions: niveau des salaires, congés payés, congés maternité, congés parentaux, retraites, formation continue…

Moralité, plutôt que de se contenter d’être dans la moyenne, mieux vaudrait accorder un peu plus d’attention, au cours de l’été, à une série d’informations passées  inapercues mais qui traduisent pourtant un certain malaise: dégradation de la note de la dette souveraine francaise de trois rangs par une agence de notation chinoise (3), disparition du pays du Top 10 dans le cadre du Global Sovereign Credit Risk Report réalisé par CMA au mois d’avril (4). Sans oublier le classement ci-dessous, réalisé chaque année par DI (confédération des entreprises danoises) et basé sur la prise en compte d’une batterie de critères mesurant l’insertion d’un certain nombre de pays dans la mondialisation:

image

(1) http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/12/les-champions-de-la-greve_1386879_3232.html

(2) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/04/09/97001-20100409FILWWW00594-allocation-de-biere-diminuee-a-carlsberg.php

(3) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/07/15/04016-20100715ARTFIG00357-la-note-de-la-france-degradee-par-une-agence-chinoise.php

(4) www.cmavision.com/…/CMA_Global_Sovereign_Credit_Risk_Report_Q1_2010.pdf

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Le Danemark et le chômage des jeunes

20100612_143509_242Au Danemark aussi, la crise aura laissé des traces sur le marché du travail. Le nombre de personnes employées dans le secteur privé est ainsi passé de 2,1 à 1,9 million entre 2008 et 2010. Une baisse qui n’aura été que très faiblement compensée par la hausse des effectifs dans le secteur public. Heureusement, la situation s’améliore peu à peu. Le taux de chômage était officiellement de 4,1% au mois de mai (6,8% selon Eurostat), les perspectives de manque de main-d’oeuvre qualifiée étant par ailleurs confirmées à moyen terme. Les séniors ayant été épargnés par la crise (le taux de chômage est le plus faible pour les 60-64 ans), l’attention se porte naturellement vers les jeunes, pour lesquels la rentrée 2010 s’annonce encore délicate (1).

Le taux de chômage des jeunes reste toutefois moins élevé au Danemark qu’ailleurs. Un récent rapport de l’OCDE soulignait en effet que le taux de chômage des 15-24 ans atteignait 11,4% au 3ème trimestre  2009, contre 17,6% en moyenne au sein de l’OCDE et plus de 24% en France (2). Comment peut-on donc, au moins partiellement, expliquer les différences constatées?

– Le modèle de flexicurité est avant tout caractérisé par l’accent mis sur le renforcement continu de l’employabilité. Or ce processus débute au Danemark dès le début de la vie étudiante, en dépit de la relative générosité des allocations étudiantes (3). En 2008, le taux d’emploi des 25-29 était ainsi de 80,9%, celui des 20-24 ans de 76,8%, celui des 18-19 ans de 69,8% et celui des 16-17 ans de 53,1% (4). Les étudiants ne restent donc pas inactifs et ne vivent pas, dans leur majorité, aux crochets de leurs parents. Selon une enquête du ministère de l’Education datant de 2008, un étudiant danois percevait en moyenne 11 700 euros par an (après impôts) en combinant emploi et allocations étudiantes.

– Le système de formation professionnelle repose sur une interaction constante entre les entreprises et les partenaires sociaux, l’Etat proposant par ailleurs aux premières d’importantes subventions pour recruter et former les apprentis. Un accord a par exemple été conclu en mai 2009 entre le gouvernement et LO (principale confédération syndicale du pays) qui prévoit notamment l’octroi de subventions pouvant désormais atteindre jusqu’à 16 000 couronnes (environ 2100 euros) par stagiaire (6000 couronnes pour les 3 mois de stage et 10 000 couronnes en cas d’embauche).

– Face à la crise, le gouvernement danois a proposé deux plans de lutte contre le chômage des jeunes incluant un ensemble de mesures telles que la création de 5000 places de stages d’apprentissage supplémentaires, l’octroi de davantage de moyens aux jobcenter afin de garantir une offre (stage, formation, aide à la recherche d’emploi) aux 18-19 ans dès la première semaine (contre trois mois auparavant), ou encore le conditionnement du versement des allocations familiales entourant les 15-17 ans sans formation au respect du plan d’éducation passé avec l’ensemble des acteurs concernés (parents, communes et jobcenter).

La rigueur budgétaire et le niveau d’endettement de notre pays ne permettent malheureusement pas d’évoluer vers le modèle scandinave dans lequel il s’agit pour le jeune de “se trouver” (en opposition à “se placer” dans le cas de la France), comme l’explique la Maître de conférence en sociologie à l’EHESS, Cécile Van de Velde dans son ouvrage consacré à la jeunesse en Europe (5). Non seulement l’accent est davantage mis, en France, sur les diplômes au détriment de l’expérience professionnelle, mais le jeune diplômé, du fait du mode de fonctionnement du marché du travail, est souvent contraint d’effectuer le parcours du combattant pour décrocher un emploi stable.

Le risque est donc que les jeunes français continuent de voir leurs aspirations à l’indépendance non satisfaites. Avec le dérapage des finances publiques, c’est sans doute le plus grand échec de nos gouvernants au cours de ces dernières années. Pour Cécile Van de Velde, les jeunes français seraient ainsi des “scandinaves contrariés”.

Baignant comme à leur habitude dans l’autosatisfaction, les autorités préfèrent néanmoins caractériser le plan de relance mis en oeuvre en 2009 comme “sans accroc” (6). Circulez, il n’y a rien à voir! Rien à apprendre non plus…

(1) www.dst.dk/nytudg/13007

(2)http://www.oecd.org/document/40/0,3343,fr_2649_33729_44290024_1_1_1_1,00.html

(3) http://su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx Le dispositif d’allocations étudiantes a coûté 1,65 milliard d’euros en 2009.

(4) http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(5) “Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe”, PUF 2008.

(6) http://www.acteurspublics.com/article/06-07-10/un-plan-sans-accroc

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Travailler au Danemark

P6031020Le rapport s’intitule « Vivre et travailler au Danemark » (1). Publié par la Chambre de Commerce Danoise (Dansk Erhverv) et co-financé par le ministère de l’Emploi, il vise à informer les étrangers qui désirent s’installer dans le pays des règles de fonctionnement de la société danoise avec un accent particulier mis sur le marché du travail. Le rapport vient indirectement rappeler que le manque de main-d’œuvre étrangère qualifiée tend à affaiblir le niveau d’Etat-providence: une enquête réalisée par DI (confédération danoise des entreprises) concluait récemment que 20% des entreprises avaient créé des emplois à l’étranger au cours de la période 2005-2008 faute de disposer de la main-d’œuvre adéquate à la maison…(2).

Les enseignements à tirer de ce rapport résident dans les témoignages apportés par les expatriés déjà installés dans le pays sur le mode de management des ressources humaines. Extraits:

Contrary to what I’m used to, it’s common practice in Denmark that both employee and employer participate in meetings and a superior will patiently listen to you and consider suggestions. The workplace is more informal because there’s no real hierarchy. Everybody mingles with each other and knows each other, and always by first name. In Denmark the boss sits next to the cleaning lady at lunch. It means something, because you feel that you matter, that you have an ability to make an impact. You’re not just another number in the system – you can actually make a difference, and your ideas are being heard and taken seriously. »

The way you work is very cooperative and there is always a reason to communicate. The Danish tradition of teamwork involves group evaluation and team response, whereas where I come from employees are considered as individuals and therefore only responsible for their own performance. I appreciate teamwork because it always results in insightful learning. The Danish work mentality is more focused on a shared goal and it is based on team effort instead of individual competitiveness.”

It’s up to the individual employee how to manage and arrange a typical workday. In Denmark employees have their hands free to make decisions and do their work in whatever way suits them best. The management gives you leeway and this winds up giving better results. Strict time schedules aren’t viewed as essential, so nobody checks if you’re doing your work fast enough. Instead, quality is brought into focus, and you are much more respected for your work. You’re independent. You are seen as a human being, not just an employee.”

image http://expatindenmark.com/NewsAndCulture/news/Pages/LivingandWorkinginDenmark.aspx

Les avantages d’un tel mode de gestion sont évidents. L’implication de l’ensemble des employés dans le processus décisionnel renforce le sentiment de naviguer vers une destination commune. Les compétences des uns et des autres sont exploitées à plein, chacun disposant d’une influence sur le cours des choses, ce qui permet de rentrer dans un cercle vertueux d’amélioration et d’innovation permanente. Les requêtes et demandes étant directement transmises à la personne la mieux placée pour y répondre, l’information circule également plus vite et sans risque de perte ou de déformation. En résumé, libérer les énergies dans notre pays dépend davantage de changements dans ce domaine que des effets d’une quelconque défiscalisation des heures supplémentaires…

Voilà en tous les cas une des raisons pour lesquelles les Danois se disent plus satisfaits au travail. Voilà également qui vient éclairer d’une autre lumière le fait de confier un rapport sur les conséquences sociales de la mondialisation à un ancien ministre pour 9500 euros par mois. Un fait qui traduit, par contraste, la perte totale de repères d’un gouvernement dans sa gestion des ressources humaines et des deniers publics. Un emploi fictif, non. Un emploi superflu, certainement.

En raison du plus grand accent mis sur le collectif, la rédaction d’un rapport de ce type, encore plus lorsqu’il est susceptible de « participer à la pacification mondiale », serait confiée, au Danemark, aux agences du/des ministères et des autres organismes compétents, qui comptent déjà en leur sein des employés bien placés pour apporter une contribution et une vision à un exercice aussi ardu. Dans ce contexte, il serait bien entendu hors de question d’embaucher une personnalité portant, pour la gloire, le nom du rapport final.

Il est grand temps de remettre en cause ce genre de pratiques aux forts relents monarchistes, qui accentuent les divisions entre la “caste” gouvernante et le reste de la société.  La république irréprochable commence par là.

(1) www.expatindenmark.com/Documents/Living%20and%20Working%20in%20Denmark.pdf

(2) http://www.startvaekst.dk/goglobal.dk/ggnyheder/198802

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Le crédit hypothécaire danois: le plus solide du monde?

P6031058En pleine tempête financière au cours du mois d’octobre 2008, George Soros appelait le gouvernement américain à copier le modèle danois de crédit hypothécaire afin d’assurer une plus grande transparence sur les marchés financiers. Presque deux ans après, le message n’a pas changé. Le célèbre investisseur entend même promouvoir ce modèle de manière plus concrète à travers la mise en place d’une joint-venture entre le fonds d’investissement qu’il dirige et VP Securities A/S (1).

Il faut dire que le marché hypothécaire danois est sans aucun doute le plus solide du monde. Il n’a jamais connu de défaut en plus de 200 ans d’existence. Cette solidité résulte des caractéristiques suivantes:

– Le support d’investissement est constitué par des obligations hypothécaires. Le marché n’est donc pas aux mains du secteur bancaire mais d’un nombre limité d’établissements de crédit hypothécaire.

– Crédit limité  à 80% de la valeur du bien pour un logement et à 60% pour un local commercial.

– Interdiction de revendre le prêt à des tiers.

– Un emprunteur peut rembourser son prêt par anticipation sans pénalité. Il peut également le racheter en acquérant les obligations correspondantes.

– Les quelques établissements de crédit hypothécaire ne sont pas exposés au risque de remboursement anticipé: l’ensemble des risques est supporté par les investisseurs (fonds de pension, banques commerciales, assureurs…).

– Les investisseurs bénéficient d’un cadre stable constitué par la politique de taux de change fixe entre la couronne et l’euro (possibilité de couvrir le risque de taux non désiré sur les marchés en euros).

– Règlementation stricte: existence du « principe d’équilibre », qui stipule que les établissements de crédit hypothécaire financent leurs prêts en émettant des obligations comportant des flux de trésorerie identiques à ceux des prêts sous-jacents.

– Absence de tout système de subprime.

Bien sûr, le Danemark n’a pas échappé à la vague de dérèglementation des années 90. Les prêts à taux variables ont été introduits en 1996, les prêts à amortissement in fine (sans obligation de rembourser le capital pendant une période donnée) en 2003, et les prêts dits “SDO” (encore plus flexibles) en 2007. En raison de la baisse des taux d’intérêt, les prêts à taux variable, notamment ceux renégociés tous les ans («flexlån») ont bénéficié ces derniers mois d’une popularité grandissante, ce qui est susceptible de poser des problèmes à certains ménages lorsque les taux d’intérêt repartiront à la hausse.

C’est dans ce contexte que doit être interprétée la politique suivie par le gouvernement en direction des ménages danois depuis le début de la crise (baisses d’impôt, autorisation donnée en 2009 de percevoir une partie de son épargne-retraite), leur endettement étant comparativement plus élevé que leurs voisins européens. Le marché de l’immobilier a toutefois largement résisté à la forte baisse des prix des appartements constatée dans la capitale (-35% entre 2006 et 2009!): si le nombre de ventes forcées a inévitablement augmenté, il reste à un niveau étonnamment faible dans une perspective historique.

Paradoxalement, le modèle danois pourrait être remis en cause par Bruxelles. Un bras de fer est engagé entre la Commission et le Danemark dans le cadre de la révision de la directive sur les fonds propres (2). L’association des établissements de crédit hypothécaire (Realkreditrådet) estime que selon ce projet de révision, « les établissements de crédit hypothécaire devraient être considérés et comptés comme des actifs non liquides et risqués » et seraient par exemple tenus de financer une seconde fois les prêts accordés sur la base de l’émission d’obligations d’une maturité d’un an par un emprunt d’une échéance supérieure (3). Le crédit hypothécaire deviendrait ainsi plus cher…

(1) « Soros vil markedsføre dansk realkredit-model » Berlingske Tidende, 8 juin 2010 et ”George Soros: kig mod Danmark” Berlingske Tidende, 13 octobre 2008. Pour plus d’informations sur VP Securities A/S: www.vp.dk

(2)www.europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/10/197&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr

(3) « Response of the Association of Danish Mortgage Banks to the EU proposal for new liquidity and capital adequacy rules » Realkreditrådet (Association des établissements de credit hypothécaire), 16 avril 2010 http://www.realkreditraadet.dk/Current_issues.aspx?M=News&PID=973&NewsID=403

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Le Danemark et la rigueur

P1010001Dans le cadre de l’effort de redressement des finances publiques mené actuellement dans de nombreux pays européens, le Danemark vient de franchir une première étape. La perspective d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 n’est en effet qu’un objectif secondaire. Si la dette publique a pu être divisée par deux entre 2001 et 2007, c’est parce que les Danois ne se sont jamais contentés de respecter les critères en vigueur au sein de l’UE. Le véritable objectif est ainsi de ramener le solde structurel à l’équilibre en 2015 et de sauvegarder le niveau actuel d’Etat-providence. Parmi les mesures aujourd’hui annoncées, qui viennent s’ajouter au principe de croissance réelle nulle de la consommation publique au cours de la période 2011-2013 (1):

– La réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage à compter du 1er juillet 2010.

– Le report au 1er janvier 2014 d’une partie des baisses d’impôt accordées aux plus hauts revenus dans le cadre de la réforme de la fiscalité (“paquet de printemps 2.0”) entrée en vigueur au 1er janvier 2010.

– Le plafonnement des allocations familiales à 4700 euros par an à compter du 1er janvier 2011 et la baisse de leur montant de 5% d’ici 2013.

– Le gel du montant consacré à l’aide au développement sur la période 2011-2013.

– Le plafonnement à 400 euros de la déductibilité du revenu imposable de la cotisation d’adhésion à une organisation syndicale.

En débat depuis déjà quelques mois, la réduction de la durée de perception des allocations chômage est permise par l’amélioration des perspectives entourant le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 4,1% en avril). Elle répond de plus à la priorité numéro un de l’économie danoise: l’expansion du marché du travail. La mesure est toutefois critiquée car adoptée sans concertation avec les partenaires sociaux. Elle pourrait de plus décourager certains de s’assurer contre le chômage, la cotisation versée à une caisse d’assurance-chômage (600 euros par an en moyenne) voyant en effet son montant inchangé pour une durée d’indemnisation qui devient donc deux fois moins longue.

Une bonne partie de la population danoise contribue à l’effort de redressement des finances publiques: demandeurs d’emploi, familles, revenus les plus élevés…A l’exception notable des retraités.

Ce plan ne semble pas être de nature à remettre en cause le redémarrage de l’économie (croissance du PIB de 0,6% au 1er trimestre). La plupart des indicateurs sont en effet revenus au vert: taux de chômage, exportations (+10% entre février et mars) consommation et confiance des ménages (à son niveau le plus élevé depuis la fin 2007)…Le gouvernement danois peut désormais se consacrer entièrement à la traduction concrète des réflexions menées dans le cadre du Forum de la Croissance, structure informelle de prospective ayant pour but de mettre un terme au glissement relatif du pays dans les classements internationaux, et d’adapter le modèle danois aux défis à venir.

Et la rigueur en France? Plutôt que de s’engager sur l’élaboration de plans de prospective permettant une certaine continuité dans l’engagement de réduire les déficits publics (plans non juridiquement non-contraignants mais repris par l’opposition en cas d’alternance), notre pays privilégie aujourd’hui la voie de l’inscription dans la constitution d’une règle budgétaire certes contraignante, mais qui n’empêcherait en rien un gouvernement de viser un déficit budgétaire en fin de législature (2). Le choix entre les deux formules est pourtant évident…

(1) http://fm.dk/Publikationer/2010/Aftale%20om%20genopretning%20af%20dansk%20oekonomi.aspx

(2) http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=4010

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La responsabilité sociétale des entreprises, un thème incontournable au Danemark

P5110455Organisée  à Copenhague entre les 14 et 21 mai, la 8ème réunion de l’ISO (International Organization for Standardization) sur la responsabilité sociétale a permis de mettre un terme à la rédaction, engagée il y a cinq ans, de lignes directrices ISO 26000 visant à définir plus précisément un concept de responsabilité sociétale désormais censé pouvoir s’appliquer à l’ensemble des institutions du public et du privé (entreprises, collectivités territoriales…).

La tenue de cette réunion est l’occasion de mettre en lumière un autre domaine dans lequel le Danemark a accompli un effort soutenu au cours des dernières années. Preuve de son engagement en la matière, le pays va plus loin que la simple définition de lignes directrices purement indicatives, annonçant l’entrée en vigueur, d’ici la fin 2010, d’un standard proprement danois, le DS 26001. Ce dernier précise un certain nombre d’exigences et de principes que les entreprises doivent scrupuleusement respecter afin de pouvoir prétendre agir de manière socialement responsable.

Cette réunion internationale fait suite à toute une série d’initiatives destinées à promouvoir la responsabilité sociétale dans le pays et qui font suite à la présentation, en mai 2008, d’un vaste plan d’action par les autorités danoises (1):

– Le Ministère de l’Economie a mis sur pied, en 2009, le Conseil de la Responsabilité Sociétale (www.csrgov.dk) chargé d’inciter les entreprises à intégrer le thème de la responsabilité sociétale dans la conduite de leurs affaires. Ce Conseil est composé de membres provenant de l’ensemble des secteurs d’activité (organisations syndicales et patronales, agriculture, artisanat, secteur bancaire, Conseil à la consommation…).

– Les 1100 plus grandes entreprises danoises sont d’autre part tenues, également depuis 2009, de faire un bilan de leurs activités en termes de responsabilité sociétale dans le cadre de la publication de leurs rapports annuels. Dans un premier temps perçue comme une charge, cette obligation, qui a fait l’objet d’une loi, a permis à certaines d’entre elles de mettre au point une stratégie spécifique dépassant le simple état des lieux de leurs activités en la matière.

– L’organisation patronale DI (Confédération des Entreprises Danoises), en coopération notamment avec le ministère de l’Economie et l’Institut Danois des Droits de l’Homme, propose un instrument, la “boussole CSR”, destiné aux entreprises danoises opérant sur les marchés émergents et dans les pays en développement (2). Le recours à cet instrument vise à aider les entreprises danoises concernées à inciter leurs fournisseurs à agir de manière responsable en s’engageant publiquement, au moyen par exemple d’un code de conduite, à respecter toute une série de principes en termes de responsabilité sociétale. DI propose de plus une série d’autres instruments permettant aux entreprises qui le souhaitent de débuter leurs activités dans ce domaine (3).

– Toutes ces initiatives ont été complétées ces derniers mois par la mise en place, dans le cadre des Nations-Unies, d’un réseau nordique, le Global Compact Nordic Countries, dont le but est de promouvoir la responsabilité sociétale et d’échanger les bonnes pratiques dans la région (4).

Afin de comparer les résultats obtenus en termes de responsabilité sociétale au sein des pays développés, un indice (Responsible Competitiveness Index) a été lancé par AccountAbility (organisation à but non lucratif) en 2003. Le premier classement a été opéré en 2007, donc bien avant les initiatives décrites précédemment. Cela n’empêchait pas la Suède d’occuper la première place devant le Danemark. La France apparaîssait alors à la 17ème place, distancée par l’Allemagne (11ème) et le Royaume-Uni (5ème) (5). Peut-être évitera t-on cette fois-ci d’avancer l’argument de la taille du pays pour justifier un énième retard dans un domaine pourtant devenu incontournable?

(1) http://www.samfundsansvar.dk/sw49284.asp

(2) http://www.csrkompasset.dk/

(3) http://di.dk/Marked/CSR/komgodtigang/Pages/Komgodtigang_.aspx

(4) http://www.gcnordic.net/index.php?r=page/show&id=3

(5) http://www.accountability21.net/responsibleCompetitiveness.aspx?id=3488

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Les destins croisés de la France et du Danemark

P5050352 (2) - KopiAprès avoir un temps payé le prix de sa non-appartenance à la zone euro au cours de l’automne 2008, sous la forme de taux d’intérêts plus élevés que ceux pratiqués par la BCE, le Danemark voit désormais sa méfiance instinctive vis-à-vis de la monnaie unique justifiée, en dépit de l’arrimage de la couronne à l’euro. Une méfiance en partie basée sur le constat que certains pays de la zone ont une fâcheuse tendance à manquer de discipline budgétaire. Il est vrai que dans ce domaine, les résultats obtenus par le Danemark au cours des dernières années se passent de commentaires:

Evolution de la dette publique danoise entre 1993 et 2007 (% du PIB)

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Bien que largement endettée, la France est aujourd’hui second contributeur au prêt accordé à la Grèce (le Danemark en ayant été exempté du fait de sa non-appartenance à la zone euro). Un pays avec lequel elle partage, quoi qu’on en dise, certaines caractéristiques. Rappelons par exemple que les intérêts de la dette, deuxième poste budgétaire, aspirent désormais la quasi-totalité des recettes de l’impôt sur le revenu. Fait tout aussi inquiétant, la dette est détenue en majorité par des étrangers, ce qui n’est par exemple pas le cas du Japon. Espérons dans ce contexte que les premiers “investissements” programmés en juin dans le cadre du grand emprunt ne sont plus qu’une mauvaise blague…(1).

Refusant d’employer le terme de rigueur, les élites de notre pays ne semblent toujours pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation. “Comparez les indicateurs économiques de la France avec ceux de ses partenaires!” s’écriait vendredi Henri Guaino, le conseiller spécial du Président (2). Chiche! La dette publique: qui vient après la Grèce, la Belgique et l’Italie? Le système de retraite: qui se place à la 22ème place sur 25, juste devant…la Grèce? Le taux d’emploi en général et celui des séniors en particulier? Avons-nous par ailleurs des raisons d’être fiers des résultats du commerce extérieur? Sommes-nous à la pointe pour tous les autres indicateurs (chômage, niveau des salaires…)?

Mais il n’y a pas que sur le thème de l’endettement, aujourd’hui central, que nos deux pays continuent de diverger. Vestas vient ainsi de conclure deux contrats (dont un est le plus important jamais signé dans l’histoire de la compagnie, d’un montant de près de 2,2 milliards d’euros!) dans un contexte marqué par le maintien des exportations d’éoliennes au cours de l’année écoulée (5,5 milliards d’euros). Leur part dans le total des exportations danoises est même passé de 7,2 à 8,5% (3). Pendant ce temps-là, le retard français en la matière a trouvé, sur la base du rapport Ollier, des justifications que nous connaissons parfois déjà très bien. Par exemple, la pollution visuelle (4).

Un argument déjà utilisé pour justifier le refus de diffuser des films et séries en VO à la télévision (les sous-titres constitueraient en effet, au même titre que les éoliennes, une pollution visuelle). Savez-vous que le directoire d’Euronews propose d’organiser la première journée du multilinguisme le 23 mai? (5) Encore un débat crucial dont nous feront l’économie…Mais rassurez-vous, comme le déclarait il y a peu le locataire actuel de l’Elysée, “Après, fin 2011, on ne fera que de la politique” (6).

La France ne sait pas où elle va. Mais elle y va tout droit.

(1) “Grand emprunt: les premiers investissements auront lieu en juin” Le Monde, 3 mai 2010 http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/03/grand-emprunt-les-premiers-investissements-auront-lieu-en-juin_1346091_3234.html

(2) “Guaino: il faut garder son sang-froid” Le Figaro, 7 mai 2010 http://www.lefigaro.fr/politique/2010/05/07/01002-20100507ARTFIG00611-guaino-il-faut-garder-son-sang-froid.php

(3) “Vindkraft udgør 72 pct. af den samlede danske energieksporthttp://www.windpower.org/da/presse/nyheder.html

(4) “Coup d’arrêt aux projets d’éoliennes en France” Le Figaro, 28 avril 2010 http://www.lefigaro.fr/sciences-technologies/2010/04/28/01030-20100428ARTFIG00720-coup-d-arret-aux-projets-d-eoliennes-en-france-.php

(5) “La journée du multilinguisme, par Philippe Cayla” Le Monde, 4 mai 2010 http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/05/04/la-journee-du-multilinguisme-par-philippe-cayla_1346228_3232.html

(6) “Sarkozy: “Fin 2011, on ne fera que de la politique” Le Point, 5 mai 2010 http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2010-05-05/rencontre-avec-les-deputes-sarkozy-fin-2011-on-ne-fera-que-de-la-politique/917/0/451422

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La France, le Danemark et le système de retraite: la vérité des chiffres

SPM_A0664Rien n’illustre de manière aussi éclatante le lent mais progressif délitement du “modèle” social français que le système de retraite, qui représente à lui seul un joli concentré de maux depuis longtemps dénoncés mais jamais corrigés.

Première caractéristique de notre système de retraite, la complexité des règles qui l’entourent (1). Cette complexité a des conséquences dont on aurait tort de sous-estimer l’importance. Elle donne en effet lieu à des projections (COR) qui, bien que réalisées de manière indépendante, sont contestées de toute part. Comment dans ce contexte s’assurer de la cohérence du processus de négociation? Par comparaison, le dernier accord en date intervenu au Danemark sur le thème des retraites (2006) justifiait l’éloignement de l’entrée en vigueur des dispositions adoptées (2019 pour la préretraite, 2024 pour la retraite) par le fait que les variables démographiques sont parmi les seules à pouvoir être modélisées relativement précisément.

Deuxième caractéristique, l’existence d’organisations syndicales des plus rétrogrades dont la notion d’intérêt général est loin d’être la principale préoccupation. Mais doit-on s’en étonner lorsqu’elles ne représentent que 7% des salariés de notre pays (contre 68% au Danemark)? “Il est possible, selon nous, dans un pays comme la France qui produit des richesses, de financer un droit au départ à la retraite à 60 ans, ce qui est une des dernières libertés pour les salariés” affirmait récemment Bernard Thibault, le leader de la CGT (2). Difficile dans ces conditions de donner toute sa place à la négociation collective…

Troisième caractéristique, la passivité des gouvernements successifs sur ce sujet. En 2007, lors de la campagne des présidentielles, le locataire actuel de l’Elysée expliquait ainsi qu’il n’était pas nécessaire de relever l’âge légal de départ en retraite (60 ans). Un an plus tôt, le Danemark décidait de faire passer ce même âge de 65 à 67 ans. Rappelons également que 60 ans, c’est aujourd’hui au Danemark l’âge minimum de départ non pas en retraite mais en préretraite…

Si l’âge de départ moyen effectif à la retraite est sensiblement le même en France et au Danemark (61 ans), le second pays ne souffre pas de problème de financement, et ce pour deux raisons. Tout d’abord la solidité du système lui-même, organisé en quatre piliers (retraite d’Etat généreuse et universelle, retraite complémentaire (ATP), retraites complémentaires professionnelles et retraites privées). Ensuite la proportion d’actifs: le taux d’emploi était de 78% au Danemark à la fin 2008, contre seulement 65% en France. Notre fâcheuse tendance à tout vouloir catégoriser nous fait en effet perdre de vue l’intérêt d’établir un lien, pourtant évident, entre retraites et emploi.

Le taux de remplacement moyen du dernier salaire atteint ainsi 75% au Danemark (jusqu’à 120% pour les plus bas salaires!) alors que la moyenne UE est inférieure à 60%, la France se situant, ô surprise, en dessous (3). Un taux de remplacement de 75% pour le Danemark alors que les retraites complémentaires professionnelles, introduites au début des années 90, n’ont pas encore donné leur pleine mesure.

Entre les mensonges des uns (droite) pour se faire élire et les gesticulations tactiques des autres (gauche), destinées à masquer leur incapacité à formuler des propositions à la hauteur des enjeux, certains ont compris que la maison brûle. A l’heure où la Grèce sombre, il serait grand temps d’agir.

(1) “Retraites, mode d’emploi” Le Monde, 14 avril 2010 http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/04/14/retraites-mode-d-emploi_1333049_3224.html

(2) “Pour Thibault et Mailly, la retraite à 60 ans n’est pas négociable” Le Nouvel Observateur, 13 avril 2010 http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/social/20100413.OBS2351/pour-thibault-et-mailly-la-retraite-a-60-ans-n-est-pas-negociable.html

(3) 2007 European Pension Barometer www.imsersomayores.csic.es/…/pensions-barometer-report.pdf

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Des allocations familiales au Danemark

IMG_0203Mettre davantage l’accent sur le bon vieux principe du donnant-donnant. Voilà ce qui attend probablement le Danemark dans l’optique de maîtriser l’évolution de la consommation publique (même si cette seule option restera insuffisante pour ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3% d’ici 2013), mais aussi et surtout dans l’optique de mettre davantage de monde de sur le marché du travail.

Aujourd’hui au sein de l’opposition, les sociaux-démocrates proposaient il y a quelques jours de mettre un terme à la “passivité”, en principe toute relative selon les règles déjà en vigueur,  d’un certain nombre de bénéficiaires de l’aide sociale versée par les communes, destinée aux demandeurs d’emploi non-assurés contre le chômage, en les obligeant à travailler pour des entreprises dites “sociales” (entreprises ou institutions du public comme du privé dont les fonctions relèvent de l’intérêt général) (1).

Cette proposition fait suite à l’adoption, bien réelle celle-là, d’un durcissement des règles entourant le versement  des allocations familiales dans le cadre d’un plan de lutte contre le chômage des jeunes présenté en octobre 2009 et ciblé sur les 15-17 ans. Le plan prévoit notamment de mettre l’accent sur les jeunes de 15 à 17 ans sans emploi et ne suivant pas de formation après la fin du collège en élargissant le contenu du plan de suivi individuel mis au point entre les élèves concernés, leurs parents et les autorités communales, à travers la multiplication du nombre de stages (dont la pratique est peu développée au Danemark) et du nombre de volontariats.

Depuis l’adoption de ce plan, les autorités communales se réservent le droit de suspendre le versement des allocations familiales (rebaptisées d’ailleurs “allocations jeunesse” pour les 15-17 ans) dans le cas où le plan de suivi individuel n’est pas respecté. Une menace qui n’est pas sans conséquences pour le portefeuille des familles vu que le niveau de ces allocations est encore plus élevé qu’en France: versées chaque trimestre, elles atteignent, par enfant, 4247 couronnes (570 euros) entre 0 et 2 ans, 3362 couronnes (450 euros) de 3 à 6 ans et 2645 couronnes (350 euros) de 7 à 17 ans (2). Leur montant n’est de plus pas imposable et est indépendant du revenu des parents (3).

La nécessaire attention portée à la dépense dans nos pays respectifs relancera à n’en pas douter le débat sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de revenus de transfert au cours des prochains mois. Affaire à suivre donc…

(1) “Slut med passiv forsørgelse” Berlingske Tidende, 6 avril 2010 http://www.berlingske.dk/danmark/s-slut-med-passiv-forsoergelse

(2) https://www.borger.dk/Emner/familie-og-boern/boern/boernepenge/Sider/boernefamilieydelse-boernecheck.aspx

(3) Afin de comparer leur montant avec celui en vigueur en France, consulter le site de la CNAF: http://www.caf.fr/wps/portal/particuliers/catalogue/metropole/af

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Vu du Danemark: le bouclier fiscal ou le bal des hypocrites

IMG_0217Relancé à l’issue d’élections régionales insipides, le débat sur le bouclier fiscal auquel nous assistons ces jours-ci, d’un niveau pas plus élevé que celui des pâquerettes, a au moins un avantage: il ne fait que confirmer l’abrutissement quasi-généralisé de la classe politique française (1).

Depuis le 1er janvier 2010, le Danemark, sur la base de travaux réalisés par une commission dirigée par un ancien ministre des Impôts d’appartenance social-démocrate, a abaissé de 59 à 51,5% le bouclier fiscal (en ajoutant la contribution au marché du travail, ce même taux est en fait de 55,4%) dans le cadre d’une réforme fiscale entièrement financée à moyen terme. Il devenait en effet de plus en plus difficile de justifier qu’un individu, aussi riche soit-il, puisse verser plus des deux tiers de ses revenus aux Impôts. Il faut également préciser que l’ISF a été supprimé en 1997, par l’ancien gouvernement social-démocrate, au motif qu’il était inefficace. Une nouvelle preuve de la capacité des Danois a aborder une question sans à priori idéologique …

Revenons à la France. Pensant mettre davantage le gouvernement en difficultés, la gauche, à de rares individualités près, ne propose, sur la base d’un raisonnement exclusivement axé sur une dialectique riches/pauvres, que la simple remise en cause du bouclier fiscal. Affaiblie, la droite s’y refuse mais n’ose désormais plus proposer quoi que ce soit d’autre. En aucun cas n’est mentionnée la voie, pourtant incontournable, d’une remise à plat de notre système fiscal, basée notamment sur les points suivants:

1) Prélèvement de l’impôt à la source.

2) Réforme de l’impôt sur le revenu étant entendu que la véritable injustice fiscale réside dans le fait que seulement un foyer fiscal sur deux s’en acquitte aujourd’hui. Tous les contribuables devraient participer en fonction de leurs moyens (c’est le cas pour 90% des Danois…). Une réforme susceptible de déboucher sur la suppression de l’ISF moyennant la création d’une nouvelle tranche d’imposition pour les plus riches.

3) Suppression d’une bonne partie des quelque 500 niches fiscales.

4) Introduction de la TVA sociale: le faible niveau des charges sociales payées par les entreprises au DK (15 à 20% du coût du travail) est un des secrets de la compétitivité structurelle satisfaisante du pays.

Ajoutons qu’au vu niveau de la dette publique (77,6% du PIB en 2009, et qui atteindra sans doute les 90% d’ici 2012), le débat sur la fiscalité ne doit pas éluder celui sur la nécessaire réduction de la dépense. A ce titre, les 116 400 euros payés par le contribuable pour le voyage d’un ministre aux Antilles ne représentent ni plus ni moins qu’une insulte envers tous nos concitoyens, qui auraient tort de continuer à tolérer de telles pratiques.

Au Mouvement Démocrate de se démarquer clairement en termes de fiscalité et de préciser, en faisant preuve de pédagogie, les modalités entourant les points cités précédemment.

(1) Sur les transformations du monde politique en France, consulter l’article suivant, intitulé “Le cheval de Caligulahttp://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/04/02/le-cheval-de-caligula-par-remy-prud-homme_1328144_3232.html

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Poursuivre l’aventure au sein du Mouvement Démocrate

imageDes élections régionales qui viennent de s’achever, Courrier Danemark souhaite tout d’abord rappeler quelques enseignements succincts. En premier lieu qu’il est justement difficile de tirer des conclusions tranchées au vu du niveau d’abstention. Que dans ce contexte, la « victoire » du PS ne signifie pas grand-chose, même si l’issue du scrutin vient faire taire les voix des prophètes déclarant, suite aux élections européennes, que la réélection du locataire actuel de l’Elysée était quasiment assurée. Qu’on ne peut ensuite que s’offusquer du retour du Front National, bien aidé en cela par le débat sur l’identité nationale lancé par le gouvernement. Enfin, que l’échéance de 2012 donne lieu à un jeu extraordinairement ouvert, une caractéristique que les incertitudes économiques et sociales ne font que renforcer.

Il est indéniable que le score réalisé par le Mouvement Démocrate est une nouvelle fois en-dessous des attentes. Basée sur le principe d’une totale indépendance, la stratégie suivie depuis 2007 doit néanmoins être poursuivie.  Il est inconcevable de renoncer à l’objectif de briser l’alternance droite/gauche et faire voler en éclat cette “démocratie bipolaire” que certains voudraient voir gravée dans le marbre.

Ce n’est qu’à partir du moment où l’on gagne la mère des batailles, à savoir la présidentielle, que l’on est en mesure de changer des règles électorales faisant peu de cas du principe de proportionnalité et que l’on peut surfer sur une dynamique donnant des résultats électoraux plus significatifs au niveau local.

Interrogé pendant l’entre deux-tours des régionales, Jean Lassalle résumait parfaitement les choses: “Il s’agissait de notre dernière élection en souffrance, j’en fais le pari. Le tout, c’est de rester en vie” (1).

S’inscrire raisonnablement dans la durée, en considérant que les vrais bilans devraient être tirés après 2012, afin de donner un minimum de temps à notre mouvement pour se faire connaître et proposer une véritable alternative, semble donc tout à fait naturel. C’est en tous les cas conforme à la ténacité et l’authenticité que requiert tout engagement politique.

Un des impératifs auquel le Mouvement Démocrate doit désormais faire face est d’apporter de manière systématique, lorsqu’une critique à l’encontre du gouvernement actuel est formulée, une contre-proposition. C’est en effet la seule voie pour gagner en lisibilité et renforcer un projet qui reste largement à approfondir.

Les difficultés vécues aujourd’hui par la Grèce (et peut-être par d’autres demain) illustrent le manque regrettable d’attention portée à la convergence des économies européennes. Or, cette convergence ne peut se faire par le bas. Nous sommes donc contraints de regarder du côté de ceux qui s’en sortent le mieux, en premier lieu l’Allemagne et les pays nordiques. Ayons la lucidité de reconnaître que ce n’est certainement pas d’une pause dans les réformes que notre pays a besoin mais bien d’un sauvetage en bonne et due forme.

Courrier Danemark entend continuer à participer au débat d’idées, notamment par l’intermédiaire de ce blog, mais en en changeant quelque peu le format en raison du lancement de projets adjacents. Les prochains articles seront ainsi plus concis afin de gagner en accessibilité. Toutes vos suggestions d’amélioration sont les bienvenues. Merci à tous ceux qui, par leurs mots encourageants, m’ont donné les forces de débuter et surtout de poursuivre l’aventure depuis juin 2008.

(1) http://www.lejdd.fr/Politique/Elections-regionales-2010/Actualite/Lassalle-Le-tout-c-est-de-rester-en-vie-180293/

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Le Danemark, la sortie de crise et la préretraite

SPM_A1360En France comme au Danemark, aucune mesure d’austérité ne sera prise cette année afin de ne pas affaiblir une reprise encore bien fragile. C’est donc à partir de 2011 que l’envolée des déficits budgétaires et des dettes publiques de nos deux pays devra, d’une manière ou d’une autre, être corrigée. Seule certitude pour le moment, les prélèvements obligatoires ne seront pas augmentés, en tous les cas pas avant les prochaines élections. C’est plutôt du côté de la dépense qu’il faudra donc, au moins dans un premier temps, faire des efforts. A ce propos, l’objectif d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 passerait par une progression des dépenses des administrations publiques limitée à celle de l’inflation entre 2011 et 2013.

Mais aucun Etat membre de l’UE ne fera l’économie de réformes structurelles visant à assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen/long terme. 3 des économistes danois les plus distingués viennent ainsi de lancer un appel visant à se concentrer sur cette problématique, plutôt que d’être obnubilé par le seul objectif d’un retour sous la barre des 3% en 2013.

imageDepuis que l’ampleur des défis nés de la crise en termes de préservation du niveau d’Etat-providence est à peu près connue, un des thèmes qui revient souvent dans les débats au Danemark est celui de la préretraite, dont il est aujourd’hui possible de bénéficier à partir de l’âge de 60 ans. Pour certains, la suppression pure et simple du dispositif est le prix que le Danemark devrait payer pour la crise (le PIB a reculé de 5,1% en 2009, soit autant qu’avec son premier partenaire commercial, l’Allemagne, mais davantage que la moyenne UE). La préretraite serait ainsi un luxe que le pays ne pourrait plus se permettre dans l’optique de sauver son modèle social.

Les résultats obtenus en termes de taux d’emploi des séniors sont satisfaisants, mais restent moins bons que dans les autres pays nordiques en raison de l’existence, depuis 1979, de ce dispositif de préretraite, qui rassemblait, en janvier 2010, près de 138 000 personnes. Les deux tiers des bénéficiaires seraient en mesure de travailler (1).

Or, continuer à proposer (pour un montant équivalent à 90% de l’allocation chômage pour ceux désirant bénéficier du dispositif entre 60 et 62 ans, à 100%, soit 2200 euros par mois, à partir de 62 ans, pour un coût total annuel proche de 2,5 milliards d’euros), à des individus souvent en bonne santé, de quitter la vie active a d’autant moins de sens, à un niveau purement économique, que chacun s’accorde sur le fait que la sauvegarde de l’Etat-providence passe par l’expansion du marché du travail (2).

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Les autorités danoises ont récemment estimé le besoin de consolidation des finances publiques à 3,3 milliards d’euros afin de revenir à un déficit budgétaire inférieur à 3% d’ici 2013 (3). La suppression du dispositif de préretraite permettrait donc d’accomplir une bonne partie du chemin. Comment alors expliquer le refus d’une majorité, tant au sein du gouvernement qu’au sein de l’opposition, de franchir le pas?

– L’accord sur l’Etat-providence de 2006 est notamment basé sur le relèvement, entre 2019 et 2022, de l’âge minimum de départ en préretraite de 60 à 62 ans (à raison de 6 mois par an). Or, l’accord intervenu fut le résultat de ce qui passe dans notre pays comme une anomalie: un large consensus. Les partis signataires de cet accord (ceux formant la coalition parlementaire au pouvoir et les sociaux-démocrates) estiment avoir pris auprès des Danois un engagement que la crise actuelle ne saurait remettre en cause.

– La population danoise considère quant à elle la préretraite comme un acquis social que les durcissements législatifs intervenus depuis 1979 ne sont pas parvenus à remettre en cause. Surtout, le principe du libre choix de l’âge de départ à la retraite est aujourd’hui largement partagé. C’est dans ce cadre que doivent être appréhendés l’adoption de la retraite volontaire à 70 ans et la possibilité donnée de repousser l’âge à partir duquel il est possible de percevoir la retraite d’Etat (Folkepension) et la retraite complémentaire (ATP) jusqu’à 75 ans, moyennant des montants plus avantageux.

– La situation actuelle des finances publiques (la dette publique est proche de 40%) laisse encore des marges de manoeuvre au gouvernement actuel et ne justifie pas de prendre un trop grand risque à un an et demi des prochaines élections. Le bilan d’Anders Fogh Rasmussen est controversé, mais beaucoup se félicitent aujourd’hui du fait que la dette publique ait été divisée par deux entre 2004 et 2007, avec l’aide des recettes tirées de l’exploitation du pétrole en Mer du Nord, mais pas seulement. La période 2004-2007 est d’ailleurs à bien des égards particulièrement riche d’enseignements.

Dans ce contexte, c’est plutôt la pension d’invalidité, qui rassemble encore plus bénéficiaires (environ 245 000), qui fera bientôt l’objet de toutes les attentions. Il s’agirait de ne plus l’accorder que sur une base temporaire. Mais quelle que soit la décision prise, d’autres thèmes ne manqueront pas d’être abordés (allocation chômage, allocation étudiante…). La sauvegarde du modèle danois passe plus que jamais par la poursuite du principe de réforme permanente. Raison de plus de suivre le Danemark de près au cours des prochains mois…

(1) Données ministère de l’Emploi http://bm.dk/Tal%20og%20tendenser/Noegletal.aspx

(2) Il faut rappeler que pour pouvoir bénéficier de la préretraite au Danemark, il faut avoir été membre d’une caisse d’assurance-chômage et avoir versé, pendant trente ans, une cotisation spécifique d’un montant annuel proche de 670 euros en 2010 http://www.ca.dk/efterloen/3100.html

(3) Programme de convergence 2009 du Danemark http://fm.dk/Publikationer/2010/Danmarks%20konvergensprogram%202009.aspx

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La flexicurité danoise nouvelle version: le concept de « mobication »

SPM_A1606Qu’après les deux cas particuliers constitués par l’Espagne (taux de chômage proche de 20%) et l’Irlande (durement touchée par la crise financière), le Danemark apparaisse en troisième position parmi les pays développés lorsqu’il s’agit de mesurer l’ampleur de la hausse du chômage (en points de pourcentage) intervenue depuis l’automne 2008 n’a rien de surprenant (1). C’est en effet le propre du modèle de flexicurité, caractérisé par une forte flexibilité, d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, qu’elles soient positives ou négatives. Pourtant, loin de se contenter de l’existence d’un modèle de marché du travail largement à la base d’une adaptation souvent jugée réussie à la mondialisation, le Danemark entend aujourd’hui lui faire prendre une nouvelle dimension.

– Si l’ère Anders Fogh Rasmussen (2001-2009) a été marquée par une décrue historique du chômage, cette dernière n’a pas été accompagnée par une réduction du nombre de personnes autrement exclues du marché du travail (personnes bénéficiant notamment d’une préretraite ou d’une pension d’invalidité). Or, afin de garantir la soutenabilité des finances publiques à moyen-long terme, le pays compte sur l’expansion du marché du travail. C’est dans cette optique que doit être comprise la réforme, qui entrera en vigueur au mois d’avril, du mode de placement des demandeurs d’emploi (2). Il s’agit en effet de pouvoir identifier de manière plus précise qu’actuellement les personnes étant en mesure de retourner, même de manière limitée, sur le marché du travail.

– Le pays se refusant à avancer dans le temps les dispositions contenues dans l’accord sur l’Etat-providence de 2006 en termes de préretraite ou à supprimer carrément le dispositif, une réforme des conditions d’octroi de la pension d’invalidité (environ 240 000 personnes concernées aujourd’hui, soit 7% de la population en âge de travailler) est prévisible. Cette dernière ne serait ainsi plus qu’accordée sur une base temporaire.

– Surtout, le Danemark entend renforcer sa compétitivité, aujourd’hui affaiblie en raison du niveau des salaires, en faisant passer la flexicurité à un autre stade, celui de la “mobication”.

Le terme, conjointement attribué à Ove Kaj Pedersen, professeur à l’Ecole de Commerce de Copenhague (CBS) et à Søren Kaj Andersen, Directeur du FAOS (Employment Relations Research Center, Université de Copenhague), résulte de la contraction des mots “mobilité” et “éducation”.

Le modèle qu’il désigne serait ainsi basé sur le recours systématique au développement des compétences dans le but de renforcer la mobilité sur le marché du travail, l’objectif étant de faire face aux défis structurels en cours et à venir (division du travail au niveau international, impact des nouvelles technologies sur le marché du travail, changements démographiques, incontournabilité des questions climatiques…).

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La flexibilité du modèle serait ainsi renforcée par l’orientation de la main-d’oeuvre vers les branches dynamiques en termes d’emploi (ou celles manquant de main-d’oeuvre), tandis que le volet sécurité se verrait quant à lui développé par la systématisation d’une formation continue dont les Danois ont déjà largement saisi l’intérêt puisqu’elle concourt à renforcer leur employabilité (4).

Géré de manière tripartite (Etat, patronat et syndicats), le système danois de formation continue occupe en effet une place incontournable dans le modèle actuel de marché de l’emploi. 51% des 25-64 ans ont par exemple suivi une forme ou une autre de formation entre 2007 et 2008 (5).

Sans surprise, l’accueil réservé par le monde syndical au concept de “mobication” est largement positif (6). Il l’est d’autant plus qu’en tirer pleinement parti suppose des efforts particuliers en faveur du système éducatif. Or l’éducation est vue par les organisations syndicales comme la voie de sortie de crise par excellence. Il s’agirait donc pour le Danemark de rendre son système éducatif plus flexible (en développant notamment les équivalences et les passerelles entre les différentes formations proposées) et davantage basé sur le mérite, à travers le renforcement des formations dites élitistes au sein des universités (“eliteuddannelser”) qui ont vu le jour suite à la stratégie mondialisation de 2007.

Le timing entourant la présentation du concept de mobication ne doit rien au hasard et s’accorde avec les défis nés de la crise. Commentant cette nouvelle version du modèle de flexicurité, Søren Kaj Andersen avait récemment les mots suivants: “Nous sommes contraints d’analyser les dynamiques permettant d’assurer l’existence d’un marché du travail le plus large possible à l’avenir. Dans le cadre de l’ancien modèle de flexicurité, il s’agissait en grande partie de voir ce qui se passait lorsqu’une personne était touchée par le chômage (indemnisation et activation). Dans la nouvelle variante, l’accent est mis sur ce qui se passe pour chaque personne en activité dans le but de s’assurer qu’elle dispose du plus grand nombre de possibilités d’emploi dans le contexte d’un marché du travail changeant et exigeant” (7). Une version donc plus active du modèle actuel…

(1) Selon les statistiques officielles danoises, le taux de chômage serait passé, depuis l’été 2008, de 1,6 à 4,3%, soit une augmentation de 2,7 pts. Eurostat avance pour sa part, de manière plus réaliste, une évolution de 2,3 à 7,4%, soit une hausse de 5,1 pts.

(2) Direction du Marché du Travail: http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

(3) “De nordiske landes konkurrencedygtighed – fra flexicurity til mobication” FAOS, 26 janvier 2010 http://faos.ku.dk/nyheder/de_nordiske_landes_konkurrencedygtighed/

(4) “62% des salariés danois jugent la formation continue efficace contre la crise; seuls 18% des Français partagent cet avis” Le quotidien de la formation, 12 octobre 2009 http://www.formation-continue.fr/article.php3?id_article=699

(5) Danmarks Statistik, septembre 2009 http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2009/NR403.pdf

(6) “Den nye danske model” Ugebrevet A4, numéro 6, 15 février 2010 http://www.ugebreveta4.dk/2010/201006/Baggrundoganalyse/Den_nye_danske_model.aspx

(7) “Fremtiden er mere uddannelsehttp://www.uddannelsesforbundet.dk/

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Idéologie versus pragmatisme: le débat sur les délocalisations en France et au Danemark

SPM_A1325Revenant sur la récente prestation du locataire actuel de l’Elysée sur TF1, Arlette Chabot, la très controversée Directrice de l’Information de France Télévision, profitait de l’occasion pour répondre à ses détracteurs (en gros, ceux qui ne seraient pas journalistes de profession), soulignant le risque de déformation de l’information sur internet (1). Une intention louable mais qui vient bien maladroitement éclipser le cas, assurément plus dérangeant, de transmission de fausses information à la télévision, devant pas moins de 9 millions de Français, par la personne élue pour nous aider à faire face aux défis actuels et nous préparer à ceux du futur, à savoir le Président de la République. Le tout dans un format d’émission avec des Français “moyens” posant des questions “type” dont le thème était connu à l’avance, puisque dans notre pays les serviteurs de l’Etat ne tolèrent la spontanéité qu’à de très petites doses.

La France serait ainsi le premier pays de l’OCDE en termes de taux de prélèvements obligatoires. Pas de chance, c’est le Danemark. La France serait également le pays où la durée d’indemnisation du chômage est la plus longue (quand bien même le nouveau président de l’UNEDIC estime à 600 000 le nombre de chômeurs arrivant en fin de droits en 2010) (2). Encore raté. Après la Belgique vient…le Danemark, ou le demandeur d’emploi peut toucher près de 2200 euros par mois pendant 4 ans. Deux affirmations balancées donc gratuitement et surtout sans jamais faire le lien entre elles. Si le Danemark indemnise ses demandeurs d’emploi à un tel niveau, peut-être le doit-il à un taux de prélèvements obligatoires certes en baisse, mais qui représente tout de même 46,7% du PIB en 2010? (3).

Quelques jours avant cette mascarade télévisuelle, la direction de Renault était convoquée par le ministère de l’Industrie afin de fournir des explications sur la décision prise de délocaliser une partie de la production d’un modèle de la firme en Turquie. Car dans notre pays, on fait toujours semblant de croire que la mondialisation est toute entière résumée dans un terme, les délocalisations, qu’il est bon ton de dénoncer, par pur présupposé idéologique (ou populisme?) afin de continuer à vivre confortablement dans notre bulle. Un peu comme dans le journal télévísé de Jean-Pierre Pernault.

Déjà pas bien élevée, la popularité du locataire actuel de l’Elysée au Danemark en a pris un nouveau coup. Dans un article intitulé “C’est le Président de la République au téléphone, monsieur le Directeur”, le magazine danois Berlingske Nyhedsmagasin souligne qu’au Danemark, il serait “inconcevable que le gouvernement se mêle du choix effectué par une entreprise en termes de site de production” (4).

Il serait pourtant faux d’avancer que les délocalisations ne suscitent aucun débat au Danemark, surtout dans le contexte actuel, marqué notamment par la dégradation de la compétitivité des salaires, qui tend à accentuer leur ampleur alors que les finances publiques sont désormais largement dans le rouge. Les plus grands chefs d’entreprise danois de l’industrie manufacturière publiaient ainsi, en fin d’année dernière, le premier jet d’un manifeste soulignant les défis rencontrés par le secteur (notamment le besoin de poursuivre les efforts en termes de R&D et d’éducation) appelant le monde politique à ne pas miser exclusivement sur l’économie de la connaissance (5). Un consensus émergeait clairement de ces discussions: la nécessité de faire un choix entre les secteurs industriels qu’ils faut préserver (technologies vertes, industrie pharmaceutique…) et les autres.

D’une manière inverse à ce qui se passe en France, le fait de tout faire pour conserver une partie de la production au Danemark est loin de faire l’unanimité. Le manifeste cité précédemment n’a finalement jamais été publié en raison des fortes dissensions existantes sur ce sujet. Même dans les secteurs industriels dans lesquels le pays est à la pointe, les délocalisations n’ont jamais pris une aussi grande ampleur qu’aujourd’hui. Un emploi sur huit a ainsi été délocalisé dans le secteur des éoliennes au cours de l’année 2009 (6). Aux fonctions de production s’ajoutent désormais les fonctions de R&D pour les plus grandes entreprises danoises (Novo Nordisk, Danfoss, GN Store Nord…). Le chef de la communication de Danisco déclairait récemment à ce propos dans la presse “quil faut être incroyablement naïf pour ne pas envisager la possibilité d’inclure la R&D chinoise dans la stratégie de l’entreprise. Il y a énormément d’avantages à aller chercher en développant et en adaptant ses produits d’une manière qui soit proche du consommateur chinois” (7).

Le fait qu’une partie de la R&D soit désormais délocalisée n’empêche pas la création de nouvelles unités au Danemark. La reconversion en cours du dernier site de chantier naval du pays, Lindø (Odense), dont A.P Møller-Mærsk a annoncé la fermeture définitive l’année dernière, en offre un exemple éclatant. Le site est en effet tranformé en ce moment même en centre de recherche dans les énergies éoliennes, le tout sans conflit social, alors même que la majorité des quelque 5000 personnes affectées par la fermeture est priée de changer de branche, voire de secteur d’activité (ce qui est beaucoup plus courant au Danemark qu’en France)…

Rappelons que dans le cas français qui nous intéresse, Renault, il ne s’agit que de production, pas de R&D…La différence avec la France est que les délocalisations ont jusqu’à présent été comprises comme partie d’un tout et que leur acceptation est vue comme une des conditions indispensables au maintien du niveau de vie du pays à plus long terme.

Il y a quelque jours, Novo Nordisk publiait ses résultats sur l’année 2009. Les ventes en direction de la Chine ont augmenté de 30%, faisant bientôt de l’Empire du Milieu le troisième client, après l’Allemagne, de l’entreprise pharmaceutique. Comment ne pas faire le lien entre le pragmatisme dont font preuve les Danois sur la question des délocalisations et les résultats prometteurs ici obtenus? Moralité, au lieu d’un débat sur l’identité nationale, c’est bien d’un immense effort de pédagogie sur les délocalisations et, d’une manière générale, sur le thème de la mondialisation, dont notre pays a aujourd’hui besoin…

(1) http://www.lefigaro.fr/politique/2010/01/29/01002-20100129ARTFIG00677-chabot-on-est-dans-un-pays-o-on-deteste-les-journalistes-.php

(2) “600 000 chômeurs “n’auront rien” en 2010 selon l’UNEDIC” Le Figaro, 4 février 2010 http://www.lefigaro.fr/emploi/2010/02/04/01010-20100204ARTFIG00717-600000-chomeurs-n-auront-rien-en-2010-selon-l-unedic-.php

(3) Ministère des Impôts http://www.skm.dk/tal_statistik/skatter_og_afgifter/510.html

(4) “Præsidenten er i telefonen, hr. direktør” Berlingske Nyhedsmagasin, 22-28 janvier 2010.

(5) Le premier jet du manifeste était intitulé “Fremtiden er IGEN fremstilling”

(6) “Danmark taber tusindvis af vindmøllejob til udlandet” Berlingske Tidende, 8 décembre 2009 http://www.business.dk/transport/danmark-taber-tusindvis-af-vindmoellejob-til-udlandet

(7) “Danske virksomheder satser på kinesisk forskning” Berlingske Tidende, 15 janvier 2010.

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L’activation des demandeurs d’emploi au Danemark: un droit et un devoir

SPM_A0663Du modèle danois de flexicurité, on retient souvent les deux premiers piliers. A savoir principalement la flexibilité entourant les préavis de licenciement (par exemple de 3 jours à 3 mois après un an d’ancienneté et de 5 jours à 6 mois après dix ans d’ancienneté dans le secteur privé) et la relative sécurité découlant du niveau des allocations chômage (16 293 couronnes par mois, soit 2185 euros, montant imposable débouchant sur un taux de couverture moyen du précédant salaire de l’ordre de 60%) (1). Le troisième et dernier pilier (la flexicurité est en effet souvent présentée, de manière réductrice, comme un modèle reposant sur trois piliers, au risque de passer à côté de certaines autres caractéristiques pourtant incontournables telles que la place accordée à la formation continue ou encore le rôle joué par les partenaires sociaux), le système d’activation des demandeurs d’emploi, est quant à lui beaucoup moins connu.

Introduit dans les années 90, il a néanmoins contribué à parfaire un modèle internationalement reconnu. Le principe de ce “troisième pilier” est de s’assurer, à travers le suivi individuel conjointement réalisé par la caisse d’assurance-chômage et par le jobcenter, que le demandeur d’emploi, dans le cas où la situation économique est particulièrement dégradée, ne se contente pas, une fois passé un certain temps au chômage, de satisfaire à la norme de l’envoi de deux candidatures par semaine. L’idée est de renforcer ses chances, à travers un processus dit d’activation (“aktivering”), de profiter d’un retournement de conjoncture sur le marché de l’emploi.

Concrètement, un demandeur d’emploi a le droit/le devoir de suivre un processus d’activation après au plus tard 9 mois passés au chômage (6 mois pour les moins de 30 ans et les plus de 60 ans, 13 semaines pour les nouveaux diplômés). L’activation peut prendre trois formes différentes: un stage en entreprise, un emploi aidé ou une formation.

– Les stages peuvent être effectués dans le public comme dans le privé pour une durée variant de 4 à 13 semaines.

– Les emplois aidés (“job med løntilskud”) ont une durée plus longue (de 26 à 52 semaines) et sont dans un premier temps proposés dans le secteur public pour les jeunes diplômés. Le demandeur d’emploi bénéficiant de ce dispositif continue de percevoir son allocation chômage (ou l’aide sociale de remplacement versée par la commune) dans le public ou un salaire correspondant à celui défini dans le cadre des conventions collectives dans le privé.  Il est d’autre part tenu de poursuivre sa recherche d’emploi, même si la durée hebdomadaire de l’emploi aidé peut aller jusqu’à 30 heures par semaine. Les entreprises ou institutions proposant des emplois aidés percoivent une indemnité horaire versée par l’Etat variant du simple au double selon qu’ils se déroulent dans le privé ou dans le public.

– Les formations ne peuvent en aucun cas excéder 6 semaines. Il s’agit de répondre au manque de compétences du demandeur d’emploi dans des domaines clés (rédaction de CV et de lettres de motivation, développement des compétences informatiques…).

Le dispositif d’activation des demandeurs d’emploi est, depuis son introduction, controversé. Au-delà de son coût élevé (540 millions d’euros en 2008 avec un nombre de personnes activées de l’ordre de 40 000 au cours de la même année, 50 000 en 2009), une part significative de ceux en ayant bénéficié doute de son utilité, surtout dans le cadre du suivi de certains cursus ou formations (2). La crainte est aujourd’hui que la récente réforme  du financement des allocations chômage n’accentue les doutes exprimés puisque les communes se verront davantage refinancées par l’Etat lorsqu’elles auront proposé une activation aux demandeurs d’emploi dont elles ont la charge.

Mis en place dans un contexte économique particulièrement difficile (pic de chômage de 12,5% en 1993), le troisième pilier du modèle de flexicurité a accompagné la marche du Danemark vers le plein emploi (taux de chômage de 1,6% au moment de l’apparition de la crise actuelle). Les quelques études disponibles sur le sujet se gardent bien de quantifier son impact. Mais il est souvent souligné que la “peur” d’être activé incite le demandeur d’emploi à faire tout son possible pour sortir du chômage avant l’échéance.

Les difficultés liées à la mesure de l’efficacité du modèle de flexicurité danois ne sont d’ailleurs pas nouvelles. Il est de la même manière particulièrement épineux d’établir un lien de causalité entre la flexibilité qui caractérise le modèle et les résultats obtenus en termes d’emploi.

Mais l’essentiel n’est pas là. Le principe d’activation à la base de la politique active de l’emploi à la danoise vise avant tout à ne pas laisser le demandeur d’emploi en plan en veillant à ce que la période passée au chômage ne porte pas atteinte à son employabilité. Couplé au niveau des allocations chômage, il contribue à rendre la moins traumatisante possible la période passée sans emploi. Dans le contexte actuel, ce n’est déjà pas si mal…

(1) www.lo.dk/Englishversion/News/PeriodsofNoticeontheDanishLabourMarket.aspx

(2) “Ledige dumper aktivering” LO Ugebrevet A4, numéro 39, 16 novembre 2009 http://www.ugebreveta4.dk/2009/200939/Baggrundoganalyse/Ledige_dumper_aktivering.aspx

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Les femmes sur le marché du travail danois

SPM_A1294Bien que la croissance soit repartie dans nos deux pays (+0,3% en France et +0,6% au Danemark au 3ème trimestre 2009), la crise continuera de peser de tout son poids au cours de l’année 2010, obligeant nos gouvernements respectifs à prendre des mesures visant à lutter contre la hausse du chômage et celle des déficits (1). Au vu de l’ampleur de la tâche qui nous attend dans ces deux domaines, le principal défi, en France comme au Danemark, sera donc de parvenir à rester concentré sur les autres problématiques susceptibles de déterminer, à plus long terme, la prospérité de nos deux nations. Parmi ces problématiques figurent en bonne place la reconversion de la majeure partie des activités de nos industries dans les technologies vertes et le développement de la coopération économique avec l’Asie, et notamment avec la Chine.

Concernant le secteur des technologies vertes, le Danemark a déjà fait ses preuves, puisque les exportations de ces dernières représentaient déjà 3,5% du PIB en 2008, un chiffre plaçant le pays loin devant tous les autres (2). La situation est plus contrastée en termes de coopération avec l’Asie, mais il semble que le retard relatif du Danemark dans ce domaine soit dans une large mesure en passe d’être rattrapé, notamment depuis la présentation de la stratégie Chine en février 2008 (3).

Mais un autre domaine déterminant dans le cadre de l’exacerbation de la compétition au niveau mondial est la place accordée aux femmes sur le marché du travail. D’une manière générale, le Danemark est dans ce domaine souvent distancé par les autres pays nordiques mais dispose d’une longueur d’avance appréciable par rapport à la France. Un simple coup d’oeil au taux d’emploi prévalant dans nos deux pays suffit à s’en convaincre: 75% au Danemark contre 60% en France, avec un écart un peu plus marqué entre hommes et femmes dans notre pays (4). Au Danemark, le taux d’emploi des femmes d’origine étrangère est certes moins élevé (53,5% en 2008) mais reste supérieur à celui de l’ensemble des femmes en Italie…(5).

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La présence massive des femmes sur le marché du travail danois est avant tout à relier au modèle de flexicurité. La pérennité de son financement requiert en effet un taux d’emploi élevé au niveau national. La Banque Centrale Danoise avançait ainsi que les dépenses liées à la flexicurité représentaient 4,26% du PIB danois en 2006 (6). Les avantages négociés dans le cadre des conventions collectives sont également un facteur permettant d’expliquer cette forte présence. Les congés maternités sont par exemple de 29 semaines dans le privé et de 38 semaines dans le public, soit beaucoup plus que le minimum garanti depuis peu au niveau de l’UE (18 semaines). Un minimum que la France ne parvient à dépasser de manière significative qu’à partir du troisième enfant (26 semaines)…La diffusion du télétravail tend également à renforcer cette présence, même si les hommes semblent en bénéficier davantage que les femmes.

Il est vrai que d’énormes progrès peuvent encore être réalisés au Danemark lorsque l’on dépasse le seul thème du taux d’emploi des femmes. Le mouvement de grève ayant émaillé la renégociation des conventions collectives encadrant le secteur public au printemps 2008 a débouché sur l’instauration d’une commission sur les salaires chargée, au cours de l’année 2010, d’examiner les écarts de salaire entre les deux sexes. Selon SFI (Danish Social Research Centre), ces écarts sont restées stables tout au long de la période 1997-2006 et ne peuvent être expliqués qu’à hauteur de 70-80% (différences dans les postes occupés et différences de temps de travail). Les hommes gagneraient ainsi entre 17 et 21% de plus que les femmes (7). D’où le lancement par le Ministère de l’Emploi d’une page internet, www.ligelon.dk, destinée à identifier les meilleures pratiques en la matière au sein des entreprises danoises et à informer sur la situation des hommes et des femmes sur le marché du travail (8).

Qui dit inégalités salariales sur le marché du travail dit inégalités en termes de retraite. De manière surprenante, les différences dans le montant des versements effectués au titre de la retraite se sont mêmes creusées entre 2001 et 2006 si l’on en croit ATP, le plus grand fonds de pension du pays, chargé notamment de gérer la retraite complémentaire des Danois (9).

Enfin, s’il est un thème à propos duquel le Danemark se voit distancé par l’ensemble de ses voisins nordiques, c’est bien celui de la présence des femmes aux postes de direction des grandes entreprises et au sein des conseils d’administration. Les dernières données disponibles indiquent toutefois une amélioration marquante de la situation: 28% des postes clés sont désormais occupés par des femmes (10). On se rapproche donc petit à petit de l’influence dont dispose aujourd’hui les femmes au sein du monde politique (38% des sièges au Folketing). Une évolution qui a été renforcée par la signature, en mars 2008, d’une charte appelant à la hausse du nombre de femmes occupant des postes de direction. Cette charte, résultat de la coopération entre le ministère des Affaires Sociales et de l’Egalité des Droits, cinq entreprises du privé et cinq organisations du public, a constitué le début d’une campagne visant à rassembler au moins une centaine d’entreprises en 2010. Un site internet lui est consacré: www.kvinderiledelse.dk

Concernant la présence des femmes au sein des conseils d’administration, l’exemple est donné par la Norvège, qui a imposé un quota de 40%. Un exemple sans doute à suivre, quoiqu’avec un peu plus de souplesse, l’expérience ayant montré que ce niveau s’est révélé quelque peu excessif…

Nul doute que la forte proportion d’étudiantes au sein de l’enseignement supérieur (plus de 60%) contribuera à renforcer le mouvement. Persister à exclure les femmes des postes stratégiques revient à ne voir le monde que d’un seul oeil. Et pourtant le thème de la parité est une autre révolution que la France est loin de mener…

(1) Le taux de chômage atteignait au Danemark 4,4% au mois de novembre 2009 (7,2% selon Eurostat), contre 10% en France (également selon Eurostat). Le déficit budgétaire attendu pour 2010 est de 5% au Danemark contre 8% en France.

(2) WWF, 11 décembre 2009 http://www.wwf.dk/dk/Menu/Nyheder/Danmark+i+front+med+gr%C3%B8n+teknologi

(3) http://vtu.dk/site/forside/publikationer/2008/strategi-for-vidensamarbejde-mellem-danmark-og-kina

(4) Les graphiques sont tirés d’un article de The Economist, “Female power”, 30 décembre 2009 http://www.economist.com/displaystory.cfm?story_id=15174418

(5) Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(6) “Flexicurity – Den danske arbejdsmarkeds – model” Danmarks Nationalbank kvartaloversigt, quatrième trimestre 2007 http://www.nationalbanken.dk/C1256BE2005737D3/side/Kvartalsoversigt_2007_4_kvartal/$file/kap04.htm

(7) “Lønforskelle mellem mænd og kvinder 1997-2006” SFI http://www.sfi.dk/Default.aspx?ID=4820

(8) “Kvinder og mænd på arbjedsmarked i 2008http://www.ligelon.dk/sw2188.asp

(9) “Stigende forskel mellem kønnenes pensionsindbetalinger: mænds pensionsforspring vokser” ATP Faktum, numéro 60, septembre 2008 http://www.atp.dk/X5/wps/wcm/connect/ATP/atp.dk/om/omatp/press/Nyhedsbrev/Nyhedsbrev-faktum

(10) “Flere kvinder vælger et job som topleder” Berlingske Tidende, 23 juin 2009 http://www.ruc.dk/ruc/presseklip/alle/95a4f43c-1a6d-4d10-ba80-7b0be9715f29/

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La diffusion du télétravail au Danemark

SPM_A1486La flexibilité et la mobilité étant deux caractéristiques essentielles du modèle de flexicurité, il n’est dès lors pas étonnant que le Danemark ait une longueur d’avance en termes de télétravail. Une étude de l’Office Danois des Statistiques (Danmarks Statistik) indiquait ainsi que 25% des salariés danois travaillaient à partir de leur domicile fin 2007, 10% le faisant de manière régulière (1). Un pourcentage qui plaçait le pays à la première place au sein de l’UE. L’évolution semble se renforcer depuis cette date puisqu’on estime aujourd’hui qu’un tiers de la main-d’oeuvre danoise a la possibilité de recourir au télétravail, avec souvent la conviction qu’une telle pratique permet de mieux concilier son travail et sa vie de famille, quand bien même la durée passée “sur le pont” tend à s’allonger quelque peu (2).

Le télétravail n’a certes pas que des avantages et comporte quelques pièges à éviter pour l’employé, mais sa diffusion rapide doit assurément au jugement positif qu’en ont tous les acteurs concernés et en premier lieu les employeurs danois. Une situation qui est donc l’inverse de celle vécue en France, puisque seuls 7% des salariés de notre pays sont autorisés à y recourir (3). La faute à des traits culturels diamètralement opposés au légendaire pragmatisme danois, illustré par exemple par le fait qu’il est dans la plupart des cas inconcevable de rester à son travail après 17 heures par pure pression sociale. Parmi ces blocages culturels:

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– D’une manière générale prédomine encore trop souvent dans notre pays la vision selon laquelle la réalisation de soi (et la reconnaissance qui va avec) passe avant tout  par sa vie professionnelle et que son atteinte n’est possible qu’en faisant constamment acte de présence sur son lieu de travail.

– Le télétravail tend à affaiblir la très pesante hiérarchie prévalant dans nos entreprises et institutions. En cela il est souvent perçu par l’employeur comme une remise en cause de son autorité à travers la liberté supplémentaire accordée à l’employé.

– Cette liberté supplémentaire accordée à l’employé ne s’accorde pas non plus avec la relation trop souvent infantilisante constatée entre la direction et le reste du personnel. Les employeurs français n’ont ainsi pas suffisamment confiance en leurs employés pour les autoriser à recourir au télétravail.

– Plutôt que de voir les avantages du télétravail, les partenaires sociaux sont davantage obnubilés par les abus qui pourraient en découler. La méfiance et la retenue dont ils font preuve ne font que traduire leur archaïsme et leur incapacité à s’adapter aux évolutions en cours.

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Des évolutions en cours en termes d’organisation du travail dont on aurait pourtant tort de sous-estimer l’importance:

– Le marché du travail est aujourd’hui l’objet de profondes transformations liées au développement de l’économie de la connaissance, domaine dans lequel sont créés de nos jours la majorité des emplois. Dans ce contexte, il s’agit d’éviter une nouvelle fois à notre pays de prendre davantage de retard qu’il n’en a déjà. Non seulement le télétravail va devenir de plus en plus incontournable mais de nombreux autres facteurs vont très rapidement changer de nature (changements plus fréquents d’employeur, réduction des avantages en nature, suppression de tout âge légal de départ en retraite…). Il est ainsi estimé que d’ici une dizaine d’années, la main-d’oeuvre américaine sera composée à 40% de freelancer ou de travailleurs indépendants, contre 26% aujourd’hui (4). Autrement dit, la flexibilité du marché du travail va devenir un facteur de compétitivité encore plus décisif qu’il ne l’est actuellement.

– Un tiers des émissions de CO2 provient du transport des personnes. Travailler de la maison permet ainsi de réduire ces émissions et renforce les chances d’atteindre les objectifs de réduction qu’une autre conférence que celle de Copenhague permettra, on l’espère, de fixer de manière contraignante dans un avenir proche. Le rapport du Centre d’Analyse Stratégique intitulé “Le développement du télétravail dans la société numérique de demain” indique ainsi que “le potentiel de diminution des émissions de gaz à effet de serre serait de 1 million de tonnes (Mt) par an pour la France”.

– Un faisceau d’études concordantes montre que le télétravail a un effet positif sur la productivité. Un thème d’actualité au Danemark et qui va faire l’objet d’une attention toute particulière tout au long de l’année 2010 dans le cadre des travaux du Forum de la Croissance.

Partant du constat que le télétravail est “quasiment inexistant dans le secteur public” et “s’est régulièrement, quoique faiblement développé en France au cours des trente dernières années”, le rapport du Centre d’Analyse Stratégique est censé donner une impulsion décisive dans ce domaine au cours de la présidence actuelle. En observant ce sur quoi ont débouché les rapports précédemment publiés par cette même présidence (“La flexicurité en Europe”, où en comparant les expériences vécues en Allemagne, au Danemark et au Royaume-Uni, on choisit finalement de suivre l’exemple de ce dernier pays en fusionnant ANPE et UNEDIC (!), le rapport Attali, qui bien que largement incomplet, a finalement été bien vite écarté des débats, ou encore la mascarade entourant France 2025), le citoyen a toutefois de bonnes raisons de douter…

(1) “Hver fjerde dansker arbejder hjem” Danmarks Statistik, 20 décembre 2007 www.dst.dk/nytudg/12777

(2) LO Ugebrev A4, numéro 42, 8 décembre 2008 http://www.ugebreveta4.dk/2008/200842/Baggrundoganalyse/Danskerne_elsker_deres_hjemmearbejdsplads.aspx

(3) “Le développement du télétravail dans la société numérique de demain”, Centre d’Analyse Stratégique, novembre 2009 http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1083

(4) “Arbejde – Et nyt koncept” Jyllands-Posten, 4 juin 2009 (Jan Lund)

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Samsø, ou « l’île du nirvana vert »

SPM_A1387La COP15 constitue une opportunité unique pour le Danemark d’exposer son savoir-faire en termes de technologies vertes. Cela n’a évidemment pas échappé au gouvernement danois, qui a pris ces dernières semaines un certain nombre d’initiatives destinées à s’assurer que le pays tire pleinement profit de l’attention qui lui est aujourd’hui portée. Parmi elles, la mise en place d’un partenariat public-privé dénommé “Alliance Verte”, censé promouvoir le développement des technologies de l’environnement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première des cinq réunions programmées en 2010 dans le cadre du Forum de la Croissance, la nouvelle structure informelle de prospective, aura pour thème la croissance verte (1). Un thème sur lequel le Danemark dispose souvent d’une longueur d’avance: les exportations de technologies ont représenté pas moins de 3,5% du PIB en 2008, un résultat qui place le pays à la première place mondiale. Pour le Brésil, second du classement, cette part atteint…1%, les autres pays industrialisés étant encore plus distancés (2). Le résultat d’investissements judicieux qui ont débuté il y a une vingtaine d’années…

La loupe posée aujourd’hui sur le Danemark n’aura à n’en pas douter des effets grossissants. Certains des résultats obtenus ne manqueront pas d’être exagérés avec la complicité bienveillante (et compréhensible) des autorités danoises. Il est toutefois un nom que le pays peut mettre en avant sans plus rien avoir à prouver, tant il est désormais connu internationalement: Samsø. Surnommée “l’île du futur” (New York Times) ou encore “l’île du nirvana vert” (World News Australia), Samsø a fait l’objet ces derniers mois d’un nombre incalculable de visites de journalistes et d’environnementalistes du monde entier (3). Notre pays n’a pas échappé à l’engouement: France 3 y est par exemple allée de sa petite contribution (4).

La raison de l’intérêt porté à Samsø tient au pari, fait en 1997, de rendre l’île indépendante énergétiquement dans les dix ans. Un pari atteint dès 2003, l’île, d’une surface de 114 kilomètres carrés et peuplée par quelque 4000 habitants,  “exportant” même de l’électricité depuis lors, ce qui permet d’investir dans de nouveaux projets à forte connotation énergétique et de financer les activités de Samsø Energiakademi (5). Inaugurée en mai 2007, cette “académie” a pour objectif de rassembler les connaissances en termes d’économies d’énergie et d’énergie renouvelable et d’accueillir des chercheurs du monde entier dont les travaux sont axés sur ces thèmes. Elle organise régulièrement des conférences et se propose également d’accueillir élèves et touristes.

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Pour atteindre l’objectif d’indépendance énergétique, Samsø a dû investir pas moins de 368 millions de couronnes (environ 50 millions d’euros) dans une série de projets. L’installation d’éoliennes a évidemment joué un rôle primoridial dans la politique qui a été mise en place. 11 éoliennes ont ainsi été installées en 2000 pour 66 millions de couronnes (environ 9 millions d’euros), permettant de couvrir plus que la totalité des besoins de l’île en électricité (les agriculteurs de l’île sont propriétaires de 9 d’entre elles). 10 autres éoliennes de plus grande taille ont ensuite été installées au large de l’île en 2003, la commune devenant alors propriétaire de cinq d’entre elles. Ces éoliennes produisent plus d’énergie que l’île n’en a besoin pour son secteur des transports (y compris les 3 ferries).

Le pari fait sur l’éolien a de plus été complété par un série d’investissements, notamment dans des stations de chauffage alimentées par la biomasse, cette dernière étant la source unique de chauffage de 75% des habitations de l’île. Le recours aux panneaux solaires a également été encouragé.

Indépendante énergétiquement, Samsø vise désormais la neutralité en CO2 grâce notamment aux revenus tirés de sa production d´électricité excédentaire (les émissions de lîle ont été réduites de 140% au cours des dix dernières années) (6). Les autorités de l’île entendent en effet concentrer leurs efforts dans deux directions: un projet intitulé “Passivhus +10” et l’introduction de la voiture électrique. Le projet “passivhus + 10” est basé sur le principe que les coûts liés à la construction d’une maison passive ne peuvent excéder de 10% de ceux liés à la construction des habitations répondant aux exigences légales de construction.

L’aventure vécue par Samsø a donc débuté par l’éolien. Un domaine dans lequel la France a heureusement accompli des progrès depuis quelques années. Les résistances à ce type d’énergie restent toutefois nombreuses et contrastent grandement avec l’appropriation dont elle a fait l’objet par la population locale de l’île et par les Danois en général (7). En pleine COP15, il serait grand temps que ses opposants prennent conscience que la “pollution” visuelle, dans le domaine de l’énergie comme dans celui du petit écran (à quand l’introduction des sous-titres à la télévision?) est un moindre mal…

(1) Site du Premier Ministre http://stm.dk/_a_2940.html

(2) “Danmark giver baghjul i grønt salg” Berlingske Tidende, 10 décembre 2009 http://www.business.dk/brancher/danmark-giver-verden-baghjul-i-groent-salg

(3) “Samsø er berømt verden over” Berlingske Tidende, 26 novembre 2009 http://www.berlingske.dk/klima/samsoe-er-beroemt-verden-over

(4) http://info.france3.fr/avenue-europe/?date=2008/03/29&id_article=130 Pour avoir un aperçu de la couverture journalistique de l’île, consulter le site de Samsø Energiakademi, http://www.energiakademiet.dk/front.asp?id=100

(5) http://www.energiakademiet.dk/

(6) http://www.teknikogviden.dk/artikelarkiv/2008/12/passiv-huse-og-elbiler-foerer-samsoe-ind-i-fremtiden-.aspx

(7) Le Danemark compte pas moins de 4800 éoliennes. Sur ces 4800, seuls 114 offrent une puissance supérieure à 2 mégawatt. Depuis 2004, l’installation d’éoliennes a fortement ralenti. De nouveaux projets sont toutefois programmés.

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Le Danemark en 2020

IMG_0207Face aux défis posés par la crise actuelle, on peut choisir de lancer un emprunt national afin de financer les soi-disantes “dépenses de l’avenir” (1). Par exemple le “nucléaire de demain”. On peut aussi, comme vient de le faire le gouvernement danois, faire un état des lieux et relancer les exercices dits de “planning stratégique” ou de prospective. Mis en place en septembre 2009, le Forum de la Croissance, structure informelle rassemblant des représentants du monde académique, les partenaires sociaux et une majorité de membres du secteur privé, dispose depuis quelques jours du cadre dans lequel inscrire ses travaux: dix objectifs ont en effet été édictés par Lars Løkke Rasmussen à l’horizon 2020 (2).

Ces dix objectifs succèdent officieusement à ceux contenus dans le  “plan économie 2015”, que la crise actuelle est venue renverser. Ils font également suite à un “plan économie 2010” abandonné en cours de route car à l’inverse victime de son succès: la période 2004-2008 a été si faste pour l’économie danoise que les objectifs qu’il contenait avaient été atteints dans leur quasi-totalité avec deux ans d’avance. On pourra toujours objecter qu’échafauder aujourd’hui des objectifs pour 2020 part d’un évident calcul, de la part du gouvernement danois, de porter l’attention sur un avenir supposé brillant en comparaison avec la morosité actuelle. On pourra également relever que ces objectifs étant si éloignés, il n’engagent à rien et que dans le cas où ils ne seraient pas atteints, il ne viendrait à personne d’en tenir pour responsable un gouvernement au pouvoir sans discontinuer depuis 2001 et qui le perdra sans doute d’ici 2020.

Heureuse ou malheureuse, l’issue de ces exercices de prospective donne néanmoins lieu au lancement de réflexions, à l’organisation de débats et à l’adoption d’une logique d’introspection qui manque parfois tant ailleurs. D’autre part, comment ne pas interpréter l’absence de tout exercice sérieux de prospective à moyen terme et donc le refus de se fixer des objectifs précis comme un signe qu’un pays a peur de son avenir?

Les dix objectifs du Danemark à l’horizon 2020 (3)

– Le Danemark doit être parmi les dix premiers pays les plus riches du monde tel que mesuré en termes de PIB par habitant. Un objectif qui appelle deux remarques. Tout d’abord, il est à espérer que le PIB aura été remplacé d’ici là par un indicateur plus complet. D’autre part, le Danemark occupait, avant la crise, la 12ème place du classement. Les déroutes irlandaises et islandaises l’ont sans doute d’ores et déjà replacé dans le top 10.

– Le Danemark doit être parmi les trois premiers pays du monde en termes de nombre d’entrepreneurs (en 2006, le pays occupait la 6ème place au sein de l’OCDE).

– Le Danemark doit avoir une offre totale de main-d’oeuvre parmi les dix plus élevés du monde. Lors du déclenchement de la crise, le pays occupait la 14ème place, avec un taux d’emploi très élevé (78%), mais un nombre d’heures travaillées en-dessous de la moyenne OCDE. Les femmes étant d’ores et déjà nombreuses sur le marché du travail, une réforme du dispositif de préretraite semble inévitable pour accroître davantage le taux d’emploi. Quant au nombre d’heures travaillées, il faudrait, en plus des effets positifs attendus par la réforme fiscale du mois de janvier, une remise en cause de la norme des 37 heures communément admise dans le cadre des conventions collectives…

– Les collégiens et lycéens danois doivent rejoindre top 5 mondial en lecture, mathématiques et dans les matières dites naturelles (géographie, sciences physiques, biologie…). Un des objectifs les plus ambitieux si l’on considère que les dernières enquêtes PISA placent le pays dans la moyenne OCDE.

– Le Danemark doit avoir au moins une université dans le top 10 européen. L’université de Copenhague occupe la 15ème place du classement du Times Higher Education (mais la 51ème place au niveau mondial).

– L’espérance de vie au Danemark doit être une des dix plus élevées au monde. L’objectif le plus ambitieux, puisque le pays occupait en 2007 la 20ème place sur 26 pays appartenant à l’OCDE.

– Le Danemark doit avoir une efficacité énergétique le plaçant dans le top 3 mondial (numéro 4 en 2006) et doit également être un des trois pays ayant le plus fait augmenter la part représentée par l’énergie renouvelable.

– Le Danemark doit être un des pays européens les plus performants en termes d’intégration des étrangers non-occidentaux sur le marché du travail. Pour mémoire, le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux est passé de 34,7% en 1997 à 56% en 2008.

– La probabilité d’être la victime d’un crime ou d’un délit doit être une des plus faibles au sein de l’UE (en 2005, le Danemark occupait la 5ème place sur 18).

– L’économie danoise doit continuer à être une des cinq économies mondiales les plus performantes sur la base de la compilation d’une série d’indicateurs (chômage, finances publiques, inflation, balance des paiements). Le pays occupe aujourd’hui la 4ème place du classement 2009 de la compétitivité réalisé par l’OCDE.

Le Forum de la Croissance tiendra plusieurs réunions au cours de l’année 2010 afin de dresser un état des lieux et de proposer des pistes à suivre pour atteindre ces objectifs, en sachant que la remise en cause du glissement relatif du pays, au cours des dernières années, en termes de PIB par habitant, doit à une croissance de la productivité significativement moins élevée qu’ailleurs.

D’où l’intérêt de ces exercices de prospective, qui permettent en toute franchise d’aborder certaines problématiques autrement passées sous silence. Une de ces problématiques concerne l’attractivité du pays pour la main-d’oeuvre étrangère qualifiée (rappelons que la soutenabilité des finances publiques danoises passe par des initiatives visant l’expansion du marché du travail), qui fait l’objet ces derniers mois d’une attention croissante.

De nombreuses analyses montrent en effet que non seulement les étrangers qualifiés qui viennent s’installer au Danemark sont trop peu nombreux, mais qu’ils repartent du pays trop vite…La faute aux Danois, qui se présentent eux-mêmes comme très ouverts mais avec lesquels il est difficile d’entretenir des relations sociales, au niveau d’imposition décourageant et au manque d’écoles internationales.

Vous souvenez-vous du diagnostic stratégique France 2025 et du site internet www.france2025.fr mis en place à grands renforts de publicité, le 1er octobre 2008, afin d’inclure brièvement (le site n’est plus accessible…) les contributions de nos concitoyens? Avez-vous entendu notre gouvernement parler des changements que la crise actuelle ne manquera pas d’apporter à cet “exercice” de prospective? Si la réponse est non, alors vous avez compris le court-termisme qui n’a eu de cesse de guider notre classe politique ces dernières années et les “résultats” qui en découlent, éclipsés encore aujourd’hui par une nouvelle dose d’autosatisfaction…(4).

(1) “Grand emprunt, grosse bavure”, Le Monde, 25 novembre 2009 http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/11/25/grand-emprunt-grosse-bavure_1271838_823448.html

(2) http://www.venstre.dk/fileadmin/venstre.dk/main/files/taler/llr_lmloerdag09.pdf

(3) “Comeback i velstand kræver 50 000 ekstra job”, Børsen, 23 novembre 2009

(4) “Quand Sarkozy le modeste vante son plan de relance”, Libération, 1er décembre 2009 http://www.liberation.fr/economie/0101606065-quand-sarkozy-le-modeste-vante-son-plan-de-relance

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Le système de retraite danois à la rescousse des finances publiques?

SPM_A1550Flexicurité. Négociation collective. Economie numérique. Etat-providence. Organisation administrative. Egalité. Compétitivité. Niveau des salaires. Rigueur budgétaire. Technologies vertes. Prospective. Solidarité. Bonheur. Telles sont les notions, valeurs  ou caractéristiques régulièrement associées au Danemark dans la presse internationale. Le système de retraite est beaucoup moins cité. Pourtant, en combinant plusieurs critères, la Commission Européenne classait le pays à la toute première place au sein de l’UE en 2007 (1). En comparaison, la France arrivait à la 21ème place sur 25. 73% des Danois éprouvent par ailleurs un sentiment de sécurité quant au niveau futur de leur retraite, contre 39% en moyenne au sein de l’UE et 27% en France (2).

Il faut dire que depuis l’introduction, au début des années 90, des retraites complémentaires professionnelles (dans le cadre de conventions collectives couvrant aujourd’hui plus de 80% des salaríés), le système a pris une nouvelle dimension, reposant depuis lors sur pas moins de quatre “étages”.

– La retraite d’Etat universelle. Pour la percevoir dans sa totalité, il suffit d’avoir vécu dans le pays pendant 40 ans entre 15 et 65 ans. Elle est constituée par un montant de base de 8450 euros par an et d’un montant complémentaire dépendant de la situation de chacun, plafonné à 8450 euros pour les personnes vivant seules. La retraite d’Etat constitue encore aujourd’hui la source principale de revenu d’un nombre non négligeable de retraités. Les retraités ayant une fortune personnelle inférieure à 9930 euros (plafond valable à partir de 2010) peuvent percevoir une allocation vieillesse plafonnée à 1390 euros par an.

– La retraite complémentaire, que perçoivent aujoiurd’hui 90% des Danois. Elle est financée aux 2/3 par des cotisations employeurs (290 euros par an par employé à temps plein) et au 1/3 par des cotisations employés. La prestation annuelle peut atteindre 3000 euros.

– Les retraites complémentaires professionnelles. Versées sur la base de contributions employeurs (2/3) et employés (1/3), elles représentent entre 12 et 18% du salaire selon que l’on travaille dans le secteur privé ou le secteur public. Les contributions versées par l’employeur ne sont pas considérées comme des charges sociales, mais plutôt comme un élément de salaire différé.

– Les retraites privées souscrites auprès de l’ensemble des établissements financiers.

L’intérêt du système de retraites danois ne s’arrête toutefois pas là. Il a en effet été sollicité une première fois cette année afin de faire face à la crise économique, le gouvernement ayant en effet exceptionnellement autorisé les Danois à percevoir le 1% de leur salaire brut déposé de manière obligatoire sur un compte d’épargne-retraite mis en place en 1998 et suspendu en 2003. Résultat: les Danois en activité au cours de cette période ont touché 3,35 milliards d’euros (en moyenne 2000 euros par bénéficiaire), qui auront servi, à défaut de relancer la consommation, à les aider à faire face aux échéances particulièrement importantes résultant de leur niveau d’endettement. Le deuxième acte est constitué par la Loi de Finances 2010 dans le cadre de laquelle le gouvernement vient d’autoriser le recours à un second compte de taille toutefois plus modeste (600 millions d’euros).

Mais le plus beau reste peut-être à venir: en supprimant la déductibilité fiscale des contributions versées au titre des retraites privées en échange de la levée de l’imposition du versement final, avec un effet rétroactif (en appliquant le taux aujourd’hui en vigueur lors du versement final aux contributions versées), les 2500 milliards de couronnes aujourd’hui épargnées par les Danois pourraient rapporter pas moins de 1000 milliards de couronnes (135 milliards d’euros) aux caisses de l’Etat (3). Un chiffre à rapporter au déficit budgétaire attendu d’un peu plus de 12 milliards d’euros en 2010. Même si les autorités danoises semblent aujourd’hui refuser cette option, arguant du fait que bien que l’opération ne change rien pour le citoyen danois, elle pourrait réduire fortement son inclinaison à épargner, il n’empêche qu’un nouveau modèle intermédiaire pourrait voir le jour.

Dans le domaine des retraites plus qu’ailleurs, les exercices de prospective sont incontournables. L’accord sur l’Etat-providence de 2006, qui prévoit notamment le relèvement progressif de l’âge minimum de la préretraite de 60 à 62 ans (entre 2019 et 2022) et de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans (de 2024 à 2027), en offre un éclatant exemple. On pourra toujours objecter, au vu des défis aujourd’hui posés par les questions de soutenabilité des finances publiques, que les dates choisies sont quelque peu éloignées, il n’empêche que cet accord, approuvé  les principales formations politiques et les partenaires sociaux, traduit la prise de responsabilité de chacun des acteurs impliqués face aux grandes problématiques sociétales. En comparaison, le locataire actuel de l’Elysée s’est fait élir en affirmant, lors de la campagne des présidentielles de 2007, que “le financement des retraites est assuré jusqu’en 2020” (). Avant de finalement promettre un grand débat sur le sujet pour 2010…

Quoi qu’il en soit, la solidité du système de retraites danois n’est plus à démontrer et pourrait donc s’avérer utile dans l’optique de répondre aux défis de la consolidation budgétaire. Une consolidation budgétaire qui débute en France par l’adoption d’un amendement soumettant à l’impôt les indemnités relatives aux accidents du travail. Intrinsèquement, pas de quoi choquer un Danois, puisque l’ensemble des revenus de transferts de l’Etat sont soumis à l’imposition. Mais une mesure assurément abjecte lorsque que l’on considère que plus de 400 niches fiscales perdurent par ailleurs…Et si la consolidation budgétaire débutait par le haut, en remettant par exemple à plat les avantages dont bénéficient nos députés, qui continuent de percevoir une partie de leurs indemnités jusqu’à 5 ans après avoir perdu leur siège?

(1) “Europas bedste pensionssystem”, Forsikring & Pension, 12 mars 2007 http://www.forsikringogpension.dk/Presse/nyheder/2007/Sider/Europas_bedste_pensionssystem.aspx

(2) Eurobarometer 71, printemps 2009, page 47 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb71/eb71_dk_dk_nat.pdf Pour la France consulter la même enquête à l’adresse suivante (page 5): http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb71/eb71_fr_en_exec.pdf

(3) “Danmark har adgang til “ukendte milliarder”, Berlingske Tidende, 2 novembre 2009 http://www.business.dk/article/20091102/borsnyt/91101006/

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Chroniques franco-danoises de la « sortie » de crise

SPM_A0623Aux divergences constatées entre la France et le Danemark dans la gestion des volets financiers et surtout économiques de la crise on pourra toujours objecter que les caractéristiques intrinsèques de nos deux économies n’étaient et ne sont toujours pas les mêmes. Par exemple, si la France a mieux résisté à la crise en termes de recul du PIB, elle le doit non pas aux mesures de relance qui ont été prises, d’une ampleur comparativement moins importantes qu’au Danemark, mais à sa moindre ouverture sur l’extérieur. De même, l’accent mis par les autorités danoises sur le soutien direct aux ménages a été dicté par leur endettement par comparaison plus important, d’où la nécessité d’attendre l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2010, de la réforme de la fiscalité pour assister à un début de redémarrage de la consommation, et par là-même de la croissance, qui pourrait atteindre 1,5% l’année prochaine (1).

La réponse à apporter à la désormais incontournable problématique de l’endettement, dont l’importance s’accentue du fait de la contraction de l’activité et des mesures de relance prises par nos gouvernements respectifs, peut également être différentielle (réformes structurelles, baisse des dépenses, augmentation des prélèvements obligatoires…), mais dans une moindre mesure. Les critères du Pacte de Stabilité et de Croissance exigent en effet de faire rapidement de la soutenabilité des finances publiques la priorité numéro un. Or, sur ce thème précis, les divergences entre la France et le Danemark semblent bien avoir pris une nouvelle dimension après la “mise en bouche” constituée par l’adoption dans notre pays de la TVA réduite pour le secteur de la restauration, catégoriquement refusée par le Danemark.

La problématique de l’endettement au Danemark (déficit budgétaire de 5% et dette publique de 42% du PIB en 2010)

Avant la crise, la commission sur l’emploi estimait le manque de financement de l’Etat-providence à environ 2 milliards d’euros par an. La dégradation de la situation économique tend évidemment à accroître ce montant, qui selon une étude publiée récemment pourrait en réalité atteindre jusqu’à 5,4 milliards d’euros en raison de la hausse anticipée des dépenses de santé (2). Afin d’assurer la soutenabilité des finances publiques, il est probable que le pays ait recours à moyen terme à un savant dosage entre les options “classiques” à sa disposition:

– Réduction des dépenses de l’Etat, en impliquant davantage le citoyen dans le secteur de la santé, comme recommandé récemment par le Conseil des Sages (3).

Augmentation des prélèvements obligatoires. Une option soutenue par les partis d’opposition et qui trouve un certain écho auprès des Danois, qui semblent donc avoir pleinement conscience des sacrifices nécessaires au mantien de leur bien-être (4).

– Adoption de réformes structurelles (à l’exception probable de tout modification de l’accord de 2006 sur le dispositif de préretraite), mais sans doute pas avant les prochaines élections, programmées à l’automne 2011.

Le dosage reste donc à déterminer entre ces trois options mais une chose est d’ores et déjà certaine, au-delà du refus en bloc de considérer toute idée d’emprunt national: le Danemark ne réduira pas les effectifs du secteur public, qui n’ont pas cessé d’augmenter depuis le début de la crise (de 818 000 à 836 000), absorbant ainsi 20% des licenciements intervenus dans le secteur privé depuis la même date (5). Une évolution qui ne doit pas être une source d’inspiration pour la France, incapable de réduire, avant une époque récente, les effectifs au service de  l’Etat, malgré un processus de décentralisation vieux de près de 30 ans.

Mais une évolution  qui n’a pas que des inconvénients, surtout donc en période de crise, un fait notamment souligné la presse anglo-saxonne (6). Le secteur public danois accueille désormais 30% du total de la main-d’oeuvre, ce qui ne l’empêche pas d’être compétitif. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les technologies de l’Etat-providence, dont le développement repose aujourd’hui essentiellement sur des partenariats public-privés, ont été inclues dans le “paquet entreprises” présenté en août dernier, dont l’objectif est d’aider les entreprises exportatrices à faire face à la contraction du crédit résultant de la crise (7).

La problématique de l’endettement en France (déficit budgétaire de 8,5% et dette publique de 84% du PIB en 2010)

Aucun débat dans notre pays sur la manière de revenir à l’équilibre budgétaire et d’assurer le financement de notre “modèle” social. Les chiffres sont pourtant édifiants: les intérêts de la dette dépassent déjà les 40 milliards d’euros (2% du PIB), soit 20% du budget de l’Etat. Le déficit budgétaire attendu pour 2009 est tel qu’il représente plus de la moitié des recettes de l’Etat (8). Autant dire, en ayant à l’esprit qu’aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis plus de trente ans, que l’endettement est devenue une composante de cette identité nationale mouvante que le gouvernement actuel entend pourtant “fixer” pour de basses visées électoralistes

Mais rassurons-nous: face à la réduction constante des marges de manoeuvre de nos gouvernements, une solution a été trouvée: le grand emprunt. Ce dernier permettra de financer des dépenses d’investissement susceptibles de stimuler la croissance de demain et donc de rendre plus rapide la réduction des déficits et de la dette publique…En réalité une fuite en avant lorsque certaines des fonctions régaliennes les plus essentielles ne sont d’ores et déjà plus assurées. Les projecteurs mis cet été sur l’état de nos prisons en offre un premier exemple. Un deuxième exemple a été fourni la semaine dernière par le journal danois Berlingske Tidende, qui reprenait les éléments d’un article publié auparavant dans Le Parisien: le système de bourses étant ce qu’il est, un nombre croissant d’étudiantes ont recours à la prostitution pour financer leurs études (9). Un système de bourses qui explique également au moins en partie la baisse du nombre d’étudiants bénéficiant du programme d’échange Erasmus (10).

Les seuls intérêts de la dette devant atteindre 42,4 milliards d’euros en 2010, puis croître de 4 milliards d’euros par an (dixit Eric Woerth, le ministre du budget) par la suite (en ne tenant pas compte de l’emprunt national!), la réduction du nombre de fonctionnaires, présentée avec insistance comme une preuve de la vertu budgétaire du gouvernement, est certes bienvenue mais ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de nos déficits. Or, pour avoir une chance de réussir, le grand emprunt doit être accompagné par une réduction d’un montant au moins équivalent des dépenses. Un objectif que la réforme à venir des collectivités territoriales ne contribuera par exemple sans doute jamais à atteindre, puisqu’aucun échelon administratif ne sera supprimé.

La situation actuelle exige de prendre dès maintenant des décisions drastiques. Si le Danemark peut se payer le luxe d’un secteur public rassemblant 30% du total de la main-d’oeuvre, il le doit, en plus de la compétitivité qui résulte de sa spécialisation sur les technologies de l’Etat-providence, aux efforts de rationalisation qui découlent de la réforme des collectivités territoriales de 2007 (réduction du nombre de communes de 271 à 98 et remplacement des 14 comtés par 5 régions). Les élections municipales du mois de novembre donnent même lieu à un débat sur l’éventualité de supprimer les régions, une option qui semble être soutenue par la population (11).

La publication récente des prévisions de la Commission Européenne vient contredire de la plus évidente des manières les propos rassurants quant au niveau comparativement acceptable de l’endettement de notre pays: le déficit budgétaire attendu pour 2010 place la France à la 21ème place sur 27 (12). Dans ce contexte, et à la lumière des points développés précédemment, s’engager comme vient de le faire notre Premier Ministre, à ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2014 et à l’équilibre en 2016 ne tient pas un instant la route. La politique du déséquilibre a de beaux jours devant elle, l’emprunt national permettant à l’UMP de jouer dans le camp d’un PS dépassé, les promesses d’une réélection en 2012 attirant par ailleurs certains de ceux qui faisaient, encore en 2007, de l’équilibre des finances publiques la priorité…

La suite est connue d’avance. Les jeunes générations n’en sont pas dupes, comme le révèlent les résultats d’un sondage indiquant que seuls 20% des jeunes français ont confiance en l’avenir, contre 60% au Danemark (13). Quoi de plus normal lorsque les seules perspectives résultant de cet endettement sont la contraction des opportunités de croissance, la poursuite du chômage de masse et, au final, la fuite des cerveaux…

(1) Ministère des Finances, konjunkturstatus, octobre 2009 http://www.fm.dk/Nyheder/Pressemeddelelser/2009/10/

(2) http://www.catinet.dk/Nyheder/tabid/158/smid/1242/ArticleID/2070/language/en-GB/Default.aspx (prévisions DREAM).

(3) Rapport du Conseil des Sages, 22 octobre 2009 http://www.dors.dk/sw7007.asp

(4) “Mange vil betale mere i skat” Jyllands-Posten, 15 octobre 2009 http://jp.dk/indland/article1852937.ece

(5) “Offentlig jobhamstring presser privat erhvervsliv” CEPOS, 2 novembre 2009 http://www.cepos.dk/publikationer/analyser-notater/analysesingle/artikel/store-finanspolitiske-udfordringer-efter-krisen-copy-1/

(6) “Why Scandinavia can teach us a thing or two about surviving a recession”, The Guardian, 5 août 2009 http://www.guardian.co.uk/society/joepublic/2009/aug/05/scandinavia-recession-welfare-state

(7) Danmarks Vækstråd (The Danish Growth Council) http://www.danmarksvaekstraad.dk/tema/141059

(8) “Un budget abracadabrantesque”, Jacques Marseille, Le Point, 20 octobre 2009 http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/2009-10-20/un-budget-abracadabrantesque-par-jacques-marseille/989/0/387241

(9) “Franske studerende tyr til nødhjælp og prostitution”, Berlingske Tidende, 27 octobre 2009 http://www.berlingske.dk/verden/franske-studerende-tyr-til-noedhjaelp-og-prostitution

(10) “Universités: les programme Erasmus s’essouffle”, Le Figaro, 4 novembre 2009 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/11/04/01016-20091104ARTFIG00741-universites-le-programme-erasmus-s-essouffle-.php

(11) “Flertal vil afskaffe regionerne”, Berlingske Tidende, 4 novembre 2009 http://www.berlingske.dk/danmark/flertal-vil-afskaffe-regionerne

(12) http://ec.europa.eu/news/economy/091103_fr.htm

(13) “60% des jeunes danois ont confiance dans l’avenir” La Croix, 27 octobre 2009 http://www.la-croix.com/60-pour-cent-jeunes-Danois-ont-confiance-dans-l-avenir/article/2399126/55351

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Le référendum danois sur l’euro repoussé, mais pas aux calendes grecques

SPM_A0527

Le lancement, le 22 janvier 2009, de consultations entourant une éventuelle adoption de l’euro semblait prometteuse. Les difficultés posées par le parti socialiste danois (SF), bien que sérieuses, étaient jugées surmontables, et les sondages indiquaient, à défaut d’un raz-de-marée en faveur du “oui”, une issue favorable, en raison notamment du coût représenté par le spread de taux d’intérêt entre la BCE et la Banque Centrale Danoise, qui résultait des attaques spéculatives contre la couronne danoise durant l’automne 2008 (1). Depuis lors, la crise s’est révélée être d’une ampleur telle qu’elle mobilise aujourd’hui toutes les énergies. D’où la mise au point faite le 6 octobre dernier par le Premier Ministre, Lars Løkke Rasmussen, lors du discours qui marquait l’ouverture de la session parlementaire.

Au-delà du besoin de davantage de clarté sur le Traité de Lisbonne, un référendum sur une question aussi importante que celle des exemptions danoises exige une large et solide majorité au Folketing. Cela n’a jusqu’ici pas été le cas. La crise économique a souligné qu’il serait avantageux pour le Danemark de prendre part à la zone euro. Nous avons pu constater la capacité de réaction de l’UE, qui est restée unie pour combattre la crise. Nous avons vu confirmé le fait qu’une participation à la zone euro est tout à fait conciliable avec une politique promouvant la croissance et l’emploi.

Mais, de manière paradoxale, la crise signifie aussi que le Danemark se dirige vers une situation où il n’est plus du tout certain qu’il puisse être admis dans la zone euro. L’année prochaine, le Danemark aura, tout comme une série d’autres pays, un fort déficit public en raison de la crise économique. Il est prévisible que le Danemark ne puisse, pendant une certaine période, remplir les critères d’adhésion à la zone euro. Ni les conditions politiques ni les conditions économiques ne sont donc remplies pour un référendum sur l’euro à l’heure actuelle. Nous nous trouvons dans une situation nouvelle où nous sommes contraints de réévaluer la manière avec laquelle nous abordons la question des exemptions danoises. Le gouvernement va par conséquent appeler les partis, au début de cette année parlementaire, à des discussions approfondies afin de déterminer de manière claire la position de chacun” (2).

Le discours du Premier Ministre danois appelle les remarques suivantes:

– Très ouvert sur l’extérieur (les échanges extérieurs représentaient les 2/3 du PIB en 2008), le Danemark devrait subir une récession de l’ordre de 4% en 2009. Même si les perspectives sont bien meilleures pour 2010, avec une croissance attendue comprise entre 1 et 1,5%, la crise ne sera réellement considérée comme surmontée qu’à partir du moment où le chômage repartira à la baisse, ce qui n’interviendra sans doute pas avant la fin 2010, date à laquelle le nombre de demandeurs d’emploi devrait approcher le chiffre de 170 000 (contre près de 105 000 aujourd’hui).

Les prochaines élections parlementaires étant prévues à l’automne 2011, il est prévisible que le gouvernement,  qui a grandement besoin du parti nationaliste pour gérer la période de turbulence actuelle, repousse le plus possible la date de leur tenue afin de profiter au maximum de la reprise espérée. Dans ce contexte, l’hypothèse d’un référendum sur l’euro semble donc exclue avant la fin 2011.

– L’argument du déficit public est nouveau dans le débat. Il devrait effectivement atteindre au moins 5% en 2010 et donc dépasser la limite autorisée dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Croissance. Cet argument est également critiquable (quel pays membre de l’UE respecte encore ce critère aujourd’hui?) et traduit davantage le peu d’entrain du gouvernement à prendre des risques inconsidérés dans un contexte marqué par un retour en force des “nonistes”, comme l’indiquait un sondage réalisé au mois de mai pronostiquant pour la première fois depuis longtemps la victoire, même courte, du camp du “non” (3).

Pour autant, l’argument de doit pas être pris à la légère. Le Danemark a affiché une série d’excédents budgétaires depuis 2003, parvenant à faire passer la dette publique sous la barre des 30% au moment du déclenchement de la crise. Le pays pourrait certes demander son admission dans la zone euro sans nécessairement respecter, au moment de sa demande, le critère de déficit public, mais les Danois pourraient également faire du respect du seul critère qui leur échappera à partir de 2010 (rappelons que la France ne respecte pas non plus celui de la dette publique, qui ne repassera pas de sitôt sous la barre des 60%…) une question de fierté nationale au vu de leur réputation en la matière.

Or, poussé jusqu’au bout de sa logique, l’argument du non respect du déficit public indique qu’il est possible qu’un référendum sur l’euro ne puisse être organisé avant 2013. La Banque Centrale Danoise anticipe en effet un déficit public de l’ordre de 4,6% fin 2011, ce qui signifie que le Danemark pourrait manquer l’opportunité constituée par la présidence de l’Union Européenne, qu’il occupera au cours du premier semestre 2012, pour organiser un référendum (4).

Un raisonnement qui ne vaut toutefois que si la majorité actuelle est reconduite en 2011. Dans le cas contraire, l’argument du déficit public serait susceptible d’être levé, ouvrant la voie à un référendum au cours du premier semestre 2012. En revanche, la donne politique reste la même: au sein de l’opposition ou au pouvoir avec les socio-démocrates, le parti socialiste danois détient les clés de cette “majorité large et solide au Folketing” dont le pays ne semble pouvoir se passer…

(1) le spread de taux d’intérêt a atteint 175 point de base à l’automne 2008. Il a été réduit à 25 points depuis.

(2) http://stm.dk/_p_12951.html

(3) “Flertal siger nej til euroen” Berlingske Tidende, 14 mai 2009 http://www.berlingske.dk/politik/flertal-siger-nej-til-euroen

(4) http://www.bm.dk/da-DK/Tal%20og%20tendenser/~/media/BEM/Files/Dokumenter/Tal%20og%20tendenser/Konjunktur%20og%20arbejdsmarked/2009/Konjunktur_og_arbejdsmarked_uge_39.ashx

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L’heure de la COP15 a (presque) sonné

SPM_A0544La COP15 approche à grands pas. Son issue en est aujourd’hui bien incertaine, le président américain n’ayant par exemple pas encore confirmé sa présence à Copenhague en décembre prochain. Son absence serait pourtant mal comprise: comment justifier sa toute récente venue au Danemark, destinée à défendre, d’une manière qui s’est avérée malheureuse, la candidature de Chicago dans le cadre de la tenue des Jeux Olympiques de 2016, et refuser de participer à une conférence censée sauver la planète? Il serait pour autant illusoire de croire que l’atteinte du consensus tant espéré permettrait de résoudre d’un seul coup de baguette magique l’ensemble des problèmes. Les engagements des précédentes conférences (Rio et Kyoto) n’ont en effet pas été tenus et les défis auxquels nous sommes aujourd’hui tous confrontés réclament un effort de longue haleine surpassant de loin l’héphémère fulgurance des flashs qui ne manqueront pas de crépiter d’ici deux mois.

Au Danemark, cet effort de longue haleine s’est traduit ces dernières semaines par une série d’annonces contribuant modestement au verdissement de l’économie:

– L’installation de quelque 2500 panneaux de cellules solaires (plus grand projet nordique) dans le cadre du projet Copenhagen Towers à Ørestad. (http://www.copenhagentowers.dk/#/forside). Les premiers KWh devant en principe être produits avant le début de la COP15. C’est l’entreprise Gaia Solar qui est responsable du projet.

– Le groupe Dong Energy vient d’inaugurer le plus grand parc éolien marin du monde en Mer du Nord. Composé de 91 éoliennes, il pourrait couvrir les besoins annuels en électricité de quelque 200 000 foyers. Un autre projet de cette envergure devrait être inauguré en 2012. Ces deux initiatives traduisent la volonté des autorités danoises de redonner une nouvelle impulsion à l’installation d’éoliennes dans le pays après quelques années de quasi-stagnation.

– Le groupe financier ATP, qui gère notamment la retraite complémentaire des Danois, vient d’annoncer son intention de porter de 3 à 10% la part de son portefeuille consacrée à l’environnement et au climat d’ici 4 à 5 ans (soit 5,4 milliards d’euros contre 1,5 milliard aujourd’hui). Une annonce qui fait suite à de récents investissements dans les forêts, notamment aux Etats-Unis.

– Le gouvernement danois vient de présenter une stratégie climat en relation avec le monde de l’entreprise dont le financement n’est essentiellement basé que sur la réallocation d’enveloppes déjà existantes, mais qui débouche sur le renforcement bienvenu des partenariats publics-privés dans le domaine des technologies vertes, à travers la mise en place d’une structure appelée “Alliance verte” (1).

Pour le Danemark, il s’agit en effet de ne pas se reposer sur le seul secteur des éoliennes, qui représente actuellement la plus grande part des exportations de technologies vertes du pays. En 2005, la part de marché du groupe danois Vestas atteignait 34%. Cette même part de marché n’est aujourd’hui plus que de 19,8%, la première place détenue par le groupe ne tenant désormais plus qu’à un fil…(2).

En attendant de parvenir à cette diversification souhaitée, le fort positionnement du Danemark sur l’éolien le “contraint”, en raison de l’instabilité naturelle de ce type d’énergie, à miser plus qu’ailleurs sur le développement d’un réseau intelligent (“smart grid”) de gestion numérique de l’énergie. Plusieurs entreprises de renommée internationale participent ainsi aujourd’hui à des programmes de recherche sur le sujet dans le pays (IBM et Siemens, qui participent au projet Edison en coopération avec Dong Energy et Risø DTU), le but étant que  chacun consomme de l’électricité lorsque le vent souffle, que ce soit dans la journée ou pendant la nuit, grâce au recours à des mesureurs déclenchant de manière automatique les appareils électriques lorsque le prix de l’électricité est bas.

C’est dans ce cadre national spécifique que la COP15 se tiendra d’ici deux mois. Mais indépendamment des avancées réalisées par chaque Etat, il faudra prendre en compte les moins avancés d’entre eux, qui auront à subir la plupart des dégâts causés par les effets du rechauffement climatique. Un fait qui ne semble pas échapper aux Danois si l’on en croit le succès de l’ouvrage explicatif mis gratuitement à leur disposition par le Ministère des Affaires Etrangères, qui va faire l’objet d’une réimpression (3).

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La COP15 se déroulera donc du 7 au 18 décembre dans la capitale danoise. Au-delà du site officiel de la conférence (http://en.cop15.dk/), d’autres sources d’information incluant l’ensemble des acteurs directement impliqués (gouvernement, entreprises, ONG, société civile, groupes de réflexion…) méritent d’être consultées.

– Un site nordique, Nordisk Klimadag (http://klimanorden.org), en référence à la journée nordique du climat qui aura lieu le 11 novembre prochain, vise à diffuser les informations relatives au climat en direction des jeunes. L’autre but recherché est de créer un portail nordique compilant les différents matériels d’enseignement utilisés dans les pays nordiques.

– Parmi les initiatives à mettre en relation avec les autorités danoises, il faut relever Elsparefonden (http://www.elsparefonden.dk), institution indépendante placée sous le Ministère du Climat et de l’Energie (http://www.kemin.dk/da-dk/sider/forside.aspx), dont la tâche est d’orienter la population sur la manière de parvenir à faire des économies d’énergie et d’élargir l’offre de produits efficaces sur le plan énergétique. Les autorités danoises entendent la remplacer par un centre directement administré par la Direction de l’Energie (http://www.ens.dk/da-dk/Sider/forside.aspx) en 2010. Un guide sur les questions de climat et d’énergie est également proposé par cette dernière (http://www.klimaogenergiguiden.dk). Le guide offre, en danois et en anglais, un index de sites très utiles classés par thèmes.

– EnergyMap (http://www.energymap.dk) est le portail national destiné aux solutions de climat et d’énergie. Il est rattaché au Climate Consortium Denmark, un partenariat public-privé lancé en juin 2008 dont le but est de présenter tous les produits et technologies que l’industrie et les entreprises danoises proposent dans ce domaine.

– Parallèlement à la COP15 se tiendra les 12 et 13 décembre Bright Green (http://brightgreen.dk), évènement incontournable pour les entreprises désireuses d’exposer leur savoir-faire dans les domaines des technologies vertes. Plus de 160 exposants seront présents et parmi eux, quelques-unes des 300 entreprises danoises spécialisées dans ce secteur.

– Parmi les groupes de réflexion aujourd’hui influents, il faut citer Concito (http://www.concito.info), premier think-tank vert danois, qui entend contribuer, à travers ses différentes études, à la baisse des émissions de CO2 et à la réduction des effets liés au réchauffement climatique. Un autre acteur incontournable est le Copenhagen Consensus Center (http://www.copenhagenconsensus.com/CCC%20Home%20Page.aspx), dont Bjørn Lomborg est le directeur controversé. Le même Bjørn Lomborg intervient également dans les débats à travers son blog, malheureusement  uniquement rédigé en danois et hébergé par le journal Politiken (http://blog.politiken.dk/lomborg).

– Quelques 40 ONG  sont rassemblées depuis novembre 2008 dans le cadre de People’s Climate Action (http://www.peoplesclimateaction.dk/dk). Elles sont impliquées dans différents projets dont le but est d’attirer l’attention du public sur les problématiques environnementales.

– Au-delà des ONG. la société civile est représentée par Klimabevægelsen (http://www.klimabevaegelsen.dk/forside/171-voreshjem), mouvement indépendant dont les activités ont débuté à l’automne 2007. Un des évènements organisé en liaison avec Klimabevægelsen, intitulé Klimaforum09 (http://www.klimaforum09.org) et présenté comme une conférence alternative à la COP15, sera organisé au cours du mois de décembre sous forme d’ateliers et de différentes manifestations ouvertes à tous.

Dernière initiative notable, le projet New Life Copenhagen (http://www.newlifecopenhagen.com/index_lofi.php?lang=da). Réalisé en coopération avec les organisateurs de la COP15 et Klimaforum09, il fait appel à l’hospitalité des Danois pour que ces derniers hébergent gratuitement les visiteurs du pays lors de la COP15. Près de 3000 personnes bénéficieraient déjà de ce projet.

(1) http://oem.dk/sw26624.asp

(2) “Fra storspiller til miniput” Berlingske Nyhedsmagasin, numéro 29, 2-8 octobre 2009 http://www.business.dk/article/20091002/nyhedsmagasin/91001056/

(3) http://www.um.dk/da/menu/Udviklingspolitik/TemaerIBistanden/Verdensvejr/TurenGaarTilDeVarmeLande/

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Le Danemark et la réforme des jobcenter: acte II

A007711_54_27Tirer parti de la reprise, aussi limitée soit-elle. C’est l’objectif affiché par l’ensemble des gouvernements de la planète. A ce jeu-là, le Danemark est conscient qu’il souffre de certains handicaps de taille: évolutions démographiques défavorables, niveau excessivement élevé des salaires, productivité du travail en berne, poursuite de la baisse des prix sur le marché de l’immobilier…Mais le pays dispose aussi d’atouts singuliers. Il sera en premier lieu épargné par la nécessité de faire face à un endettement dont le niveau constitue désormais un véritable boulet pour la quasi-totalité des économies développées (1). La tenue de la COP15 à Copenhague représente ensuite une formidable opportunité pour les entreprises danoises de renforcer leurs positions en termes d’exportations de technologies vertes. Le nouvel exercice de prospective est bel et bien lancé avec la tenue, la semaine dernière, de la première réunion de la structure informelle de prospective chargée de libérer la croissance (2). La simplification du fonctionnement des jobcenter danois prendra enfin prochainement une nouvelle dimension, contribuant ainsi à renforcer l’efficacité du modèle de flexicurité.

La première étape du renforcement de l’efficacité du service à l’emploi a été constituée par la récente (et discrète) entrée en vigueur de la communalisation des jobcenter, qui confie leur gestion aux seules communes et qui introduit un système de refinancement des allocations chômage supposé les inciter au résultat (3). La deuxième étape interviendra à la fin du 1er trimestre 2010, à travers l’introduction d’un système simplifié de placement des demandeurs d’emploi (4).

Les 91 jobcenter vont en effet remplacer le modèle de placement actuel, basé sur le classement des demandeurs d’emploi en pas moins de 5 catégories, par un modèle n’en comprenant plus que 3. Précisions importantes, les droits et devoirs des demandeurs d’emploi resteront inchangés, de même que les attributions des caisses d’assurance-chômage en ce qui concerne leur accompagnement (entretien initial de préparation au CV, conseils à la recherche d’emploi et entretiens bilan tous les 3 mois).

Le placement des demandeurs d’emploi en trois catégories s’appliquera de plus à l’ensemble des bénéficiaires d’une allocation (y compris l’allocation maladie), alors que le modèle en cinq catégories qui prévalait jusqu’à présent n’était valable que pour les bénéficiaires de l’allocation chômage standard (“dagpenge”), de l’aide sociale de remplacement versée par les communes (“kontanthjælp”) et d’une autre allocation spécifique de montant très réduit (“starthjælp”).

image

Les critères à la base du placement actuel des demandeurs d’emploi en cinq catégories étant interprétés de manière différente d’un jobcenter à l’autre, la réforme prévoit de rendre beaucoup plus objectifs ceux justifiant ce même placement en seulement trois catégories. Appartiendront ainsi à la catégorie 1 les demandeurs d’emploi jugés prêts à accepter une offre d’emploi  susceptible de les faire réintégrer le marché du travail dans un délai maximum de trois mois. Appartiendront à la catégorie 2 ceux qui ne répondent pas au critère pour entrer dans la catégorie 1 mais qui sont en mesure de suivre un processus d’activation. Appartiendront à la catégorie 3 tous les autres demandeurs d’emploi, à savoir ceux encore trop éloignés du marché du travail.

Le nouveau mode de placement des demandeurs d’emploi a donc l’avantage de rendre plus transparent le nombre de personnes en mesure de revenir sur le marché du travail, y compris celles en arrêt maladie. Il permet également de renforcer sensiblement les chances de parvenir à une égalité de traitement des demandeurs d’emploi au sein des 91 jobcenter.

Le véritable but de la réforme est d’adapter l’effort accompli en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi au défi du manque de main-d’oeuvre à moyen terme, en sachant que le Danemark est contraint de tendre vers une expansion du marché du travail pour pérenniser le financement de son Etat-providence.

image Prochaine étape de la réorganisation du modèle de flexicurité, le lancement, qui semble aujourd’hui difficilement évitable, d’une réflexion sur la manière d’inverser la désaffection des Danois pour les caisses d’assurance-chômage. Une désaffection qui se traduit aujourd’hui par le fait que près de 70 000 personnes, faute d’assurance chômage, se retrouvent sans aucune couverture (car elles ne sont pas éligibles à l’aide de remplacement versée par les communes). Une réflexion qui pourrait par exemple déboucher sur une baisse du montant de la cotisation annuelle à une caisse d’assurance-chômage (650 euros en moyenne).

La remise à plat du fonctionnement des jobcenter est critiquable (et critiquée), mais elle a le mérite d’être applicable et de concourir à une incontestable rationalisation de l’effort en termes d’emploi, ce qui est déjà beaucoup en comparaison avec la désormais  bien (trop) célèbre fusion ANPE-Unedic…

(1) Les dernières prévisions gouvernementales indiquent que la dette publique atteindrait 38,3% du PIB en 2009 et 42,3% en 2010 http://fm.dk/Publikationer/2009/1839-OER%20Aug%2009.aspx

(2) http://oem.dk/graphics/oem/nyheder/AndreNyheder/Danmark%20styrket%20ud%20af%20krisen.pdf

(3) L’Etat va ainsi continuer à financer à 100% le système d’allocation-chômage tout au long de l’année 2009, mais ce financement intégral ne sera assuré qu’au cours des 18 premières semaines à partir de 2010 et seulement 4 semaines à partir de 2013. Une fois passées ces 4 semaines, l’Etat refinancera les allocations chômage versées par les communes à hauteur de 75% lorsque ces dernières proposeront un programme d’activation aux demandeurs d’emploi, à hauteur de 50% si ce n’est pas le cas.

(4)http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

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Les objectifs du Danemark en termes d’éducation à l’horizon 2015

SPM_A1247Conséquence de la crise économique actuelle, le gouvernement danois n’a pas d’autre choix que de renoncer aux objectifs contenus dans le “plan économie 2015” en termes de finances publiques. En revanche, face au glissement du pays en termes de PIB par habitant (entre 1997 et 2007 le Danemark est passé de la 6ème à la 12ème place au sein de l’OCDE), qui résulte pour une bonne part d’une évolution comparativement défavorable de la productivité du travail, les objectifs en termes d’éducation contenus dans la stratégie mondialisation de 2006 (95% d’une génération est censée atteindre le niveau baccalauréat et 50% obtenir un diplôme d’études supérieures à l’horizon 2015) restent plus que jamais d’actualité (1).

Première étape conditionnant l’atteinte d’une partie de ces ambitieux objectifs, la récente présentation par le gouvernement danois d’un plan de lutte contre le chômage des jeunes (15-24 ans), qui atteignait 11,2% en juillet 2009 selon Eurostat (contre 24,2% en France) (2). Le plan est avant tout basé sur la création, au cours de l’année 2010, de 5000 places de stage d’apprentissage pour les élèves des filières professionnelles, dans un contexte marqué par l’envolée des demandes et la baisse simultanée du nombre de conventions signées en dépit du renforcement des mesures de soutien aux entreprises déjà prises par les autorités danoises (800 euros par convention de trois mois signée, prime de 1300 euros en cas d’embauche) (3). Le plan est également complété par la prise en charge, dès la première semaine d’inscription dans un jobcenter (contre trois mois auparavant), des jeunes de 18-19 ans sans formation (suivi obligatoire d’une formation universitaire, d’un stage ou d’un cursus de recherche d’emploi).

imageSource: Employment Outlook 2009, OCDE

Le plan est salué par les organisations syndicales, qui soulignaient depuis quelques mois déjà le besoin d’enrayer la chute de popularité des filières professionnelles, qui n’a jamais été aussi basse depuis le début de la décennie. Une évolution sans aucun doute accentuée par la multiplication de cas dans lesquels les étudiants, n’obtenant pas de stage, étaient contraints de mettre un terme à leur formation…

Parmi les pistes suivies pour atteindre l’objectif de 95% d’une classe d’âge au niveau baccalauréat (voie générale ou professionnelle):

– Implication croissante des communes (nouvelle législation précisant davantage leurs responsabilités dans le domaine de l’éducation, introduction d’un dispositif récompensant les communes parvenant à augmenter le nombre de jeunes poursuivant des études secondaires ou ayant atteint le niveau baccalauréat et sanctionnant celles qui n’y parviennent pas, publication des résultats obtenus par chaque commune afin de suciter un esprit d’émulation, suivi obligatoire des jeunes ayant abandonné ou n’ayant pas commencé d’études secondaires…).

– Augmentation du nombre de stages proposés dans le secteur public et renforcement du montant des primes versées aux entreprises.

– Réforme du fonctionnement de la 10ème classe (qui serait l’équivalent d’une année entre la 3ème et la seconde en France), qui devra être centrée sur l’aide en direction des élèves les plus faibles afin qu’ils puissent débuter une formation professionnelle.

– Lutte contre l’abandon des études en cours de route: accent mis sur les dispositifs d’orientation, développement du nombre de tuteurs, individualisation plus poussée des formations proposées…

Parmi les pistes suivies pour atteindre l’objectif de 50% d’une classe d’âge obtenant un diplôme d’études supérieures:

– Renforcement du rôle du lycée dans la préparation au suivi  d’une formation supérieure (diminution du nombre de matières obligatoires, introduction de davantage de NTIC dans l’enseignement, mise en place de plusieurs centres destinés à renforcer l’enseignement des sciences de la nature, développement de la formation continue des proviseurs…).

– Renforcement de l’attractivité des formations supérieures (renouvellement constant des formations et des matières proposées, développement des dispositifs d’orientation, obligation faite aux institutions concernées de mener un dialogue avec les étudiants en difficulté…)

– Développement du nombre de formations proposées dans les domaines des sciences de la nature, de la santé et des technologies.

– Réduction du montant de l’allocation étudiante dans le cas où un étudiant attend plus de deux ans après son baccalauréat pour débuter une formation supérieure. De même, durcissement des règles de perception de l’allocation étudiante dans le cas où les étudiants prennent trop de temps pour terminer leur formation. Mise en place d’une date limite de remise de mémoire de fin d’études…

Les dernières données avancées par les autorités danoises indiquent qu’un bout de chemin reste à faire avant de remplir les objectifs fixés en termes d’éducation à l’horizon 2015: 80% d’une classe d’âge est ainsi arrivée au niveau baccalauréat en 2007, tandis qu’un peu plus de 40% obtenait un diplôme d’études supérieures (4). Des niveaux que le Danemark peine à dépasser depuis 2000, comme l’illustrent les données contenues dans une étude de Ærådet, think-tank rattaché à LO, la principale confédération syndicale danoise (5).

Part d’une classe d’âge n’ayant pas suivi d’études secondaires complètes

image Source: Ærådet

Dans ce contexte, les partenaires sociaux réclament davantage d’initiatives, notamment l’adoption par le gouvernement d’une garantie d’éducation pour l’ensemble des jeunes constituée par le droit/devoir de suivre un parcours scolaire minimum de 12 ans. Après tout, rien de mieux que de miser sur la R&D et sur l’éducation pour préparer l’après-crise, en France comme au Danemark…

(1) http://www.globalisering.dk/multimedia/55686_strat.pdf

(2) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-01092009-AP/EN/3-01092009-AP-EN.PDF

(3) http://www.uvm.dk/Uddannelse/Erhvervsuddannelser/Om%20erhvervsuddannelserne/Nyheder/Erhvervsuddannelser/Udd/Erhvervs/2009/Maj/090507%20Ny%20politisk%20aftale%20om%20praktikpladspakke.aspx

(4) http://www.uvm.dk/Uddannelse/Tvaergaaende%20omraader/Temaer/95%20procent%20maalsaetning.aspx

(5) http://ae.dk/publikation/uddannelse-er-noglen-til-fremtidens-velfaerd

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Le rapport final de la commission emploi et le « forum de la croissance » ou les deux boussoles de l’économie danoise

SPM_A0562La stabilisation de la situation économique aidant, l’heure est à la relance des exercices de prospective. La plupart des économistes étant visiblement incapables de prévoir le déclenchement de crises comme celle que nous traversons, il serait facile de remettre en cause la pertinence de la mise au point d’un “plan économie 2015” et encore plus d’une “France 2025” d’autant plus énigmatique que l’échéance est éloignée (1). La vérité est pourtant que de tels exercices, à condition de rester basés sur des projections de moyen terme (une décennie au plus), sont indispensables. En supprimant en 1992 les plans quinquennaux (dans le cadre du Commissariat au Plan), la France s’est privée d’un instrument précieux. Avec les conséquences fâcheuses que nous connaissons tous: une gestion des affaires au jour le jour, qui nous empêche notamment de saisir que la série de déficits budgétaires constatée depuis trente ans ne peut se poursuivre indéfiniment.

En rendant ses conclusions le 20 août dernier, la commission emploi ne rentre pas à proprement parler dans la catégorie des exercices de planning stratégique. Elle offre néanmoins au Danemark les clés de l’expansion de son marché du travail, seule voie possible pour assurer la soutenabilité des finances publiques et donc du niveau d’Etat-providence à moyen terme, dès lors que la piste de l’augmentation des prélèvements obligatoires est écartée (2). Autrement dit, la mise en oeuvre des recommandations de la commission emploi constituent la condition sans laquelle tout exercice de prospective un tant soit peu ambitieux est voué à l’échec. Parmi ces recommandations:

La suppression progressive du dispositif de préretraite. Créé en 1979 pour faire face à la montée du chômage, ce dispositif, ouvert aux personnes ayant entre 60 et 65 ans, est un luxe que le Danemark ne peut plus se payer. En dépit des nombreux durcissement dont il a fait l’objet, un individu en bonne santée (deux tiers des bénéficiaires seraient ainsi capables de poursuivre une activité professionnelle) peut ainsi percevoir 832 000 couronnes danoises (environ 110 000 euros) entre 60 et 65 ans de la part de l’Etat danois sans aucune autre obligation que d’en reverser une partie au titre de l’impôt sur le revenu.

Le raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage. Aujourd’hui fixée à 4 ans, elle est une des plus élevées au sein de l’OCDE. La commission emploi préconise ainsi un système flexible ou la durée de perception oscillerait entre 2 et 3 ans en fonction de la conjoncture sur le marché de l’emploi. Afin d’inciter davantage de gens à s’assurer contre le chômage, le montant de la cotisation à une caisse d’assurance-chômage serait de plus divisé par deux.

L’octroi d’un “bonus” de 10 000 couronnes (1350 euros) aux étudiants obtenant leur licence trois ans après le baccalauréat. Une manière d’abaisser l’âge moyen de fin d’études, qui atteint 28 ans au Danemark. Un bonus qui vient donc s’ajouter à l’allocation étudiante (SU), versée en principe pendant jusqu’à 70 mois et  fixée à 2574 couronnes (345 euros) dans le cas où l’étudiant vit chez ses parents, à 5177 couronnes (695 euros) lorsqu’il dispose de son propre logement (revenu imposable) (3).

La mise en place d’une alternative à l’octroi d’une pension d’invalidité permanente. Il est en effet contre-productif de constater qu’une partie des quelques 240 000 bénéficiaires de la pension d’invalidité voient leurs capacités s’améliorer sensiblement, au point parfois de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

Le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, à travers l’assouplissement des règles entourant la délivrance de permis de travail, est également citée par la commission emploi. Son impact serait toutefois marginal en termes de contribution au financement de l’Etat-providence.

Mises en oeuvre dans leur totalité, les 44 propositions de la commission emploi permettrait d’apporter 27 milliards de couronnes (3,6 milliards d’euros) supplémentaires par an à l’Etat danois. Un montant presque deux fois plus élevé que le manque de financement actuel, estimé à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Seul problème, la situation tendue sur le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 3,7% en juillet, 5,9% selon Eurostat), qui ne se prête donc pas à l’adoption de telles réformes. Le gouvernement entend donc se donner du répit jusqu’à 2011, année des prochaines élections parlementaires.

Un répit mis à profit pour donner naissance à une nouvelle forme d’exercice de prospective: le “Forum de la croissance”, dont les membres viennent d’être nommés (4). Ce dernier remplace ainsi le Conseil de la mondialisation, à l’origine de la fameuse “stratégie mondialisation” de 2006 (5). L’objectif est de préparer l’économie danoise à une série de défis: renforcement de la compétitivité du pays, soutenabilité des finances publiques, expansion du marché du travail, adaptation du système éducatif à la mondialisation, croissance verte…

L’idée d’un “Forum de la croissance” est intéressante à plus d’un titre. Elle se distingue à de nombreux égards de la mise en place dans notre pays d’une énième commission chargée de définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt national (6).

Dans sa composition tout d’abord, puisque tous les secteurs qui comptent sont représentés (par contraste, il est difficile de ne pas remarquer en France l’absence de tout représentant du monde syndical ou de tout entrepreneur…) avec un clair penchant vers le monde de l’entreprise dans un cas (Danemark) contre une claire surreprésentation de fonctionnaires d’Etat dans l’autre (France). L’occasion de souligner qu’aussi brillants que soient nos énarques, ils n’ont pas toujours le sens des réalités. Sans compter que les deux personnalités chargées de présider la commission sur l’emprunt sont deux “vieux grognards” qui ne sont certainement pas les mieux placés pour offrir une vision d’avenir…

Dans son fonctionnement ensuite: le “Forum de la croissance” ne rendra pas de rapport. Composé de personnalités aux orientations politiques très variées, son but est de tester les idées et propositions de chacun des intervenants.

La France est donc plus que jamais prisonnière de ses vieux shémas de pensée. L’élection, en 2007, du locataire actuel de l’Elysée, est d’autant plus regrettable qu’elle n’a fait qu’accentuer les traits culturels et les habitudes néfastes à la base des difficultés rencontrées par notre pays. Le plus longtemps nous éviterons de nous regarder dans le miroir, plus dure sera la chute…

(1) https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/10/05/france-2025-versus-danemark-2015/

(2) http://www.amkom.dk/media/22520/2k_pixi_velfaerd_kraever_arbejde.pdf

(3) http://www.su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx

(4) http://stm.dk/_p_12918.html

(5) http://www.globalisering.dk/page.dsp?page=259

(6) http://www.liberation.fr/politiques/0101587131-la-composition-de-la-commission-sur-l-emprunt

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Une rentrée sociale délicate en France et au Danemark

SPM_A0502Après la crise financière et la crise économique, que beaucoup estiment désormais (mais doit-on y croire?) surmontées, reste à faire face à la crise sociale, symbolisée par l’inévitable poursuite, dès la rentrée, de la hausse du chômage dans nos deux pays. Une perspective à laquelle la France et le Danemark ne sont pas préparés de la même manière, alors que l’écart constaté en termes de taux de chômage est à la base non négligeable (selon les statistiques fournies par Eurostat, le taux de chômage était au mois de juin de 9,4% en France contre 6,2% au Danemark) (1).

Au-delà des difficultés actuellement rencontrées sur le front de l’emploi, l’entrée en vigueur, depuis le 1er août, de la communalisation des jobcenter, dont les communes danoises héritent désormais entièrement de la gestion (cette dernière était jusqu’ici avant tout assurée par des employés d’Etat, chargés de s’occuper de l’accompagnement des demandeurs d’emplois assurés contre le chômage, des employés des communes s’occupant seulement de ceux non-assurés), peut être jugée risquée. Adoptée, d’une manière surprenante, sans aucune concertation, cette réforme est en effet critiquée pour plusieurs raisons:

– Les 14 jobcenter “pilotes” mis en place en 2007 et uniquement composés d’employés des communes, auraient, selon certaines études, des résultats inférieurs à ceux administrés par des employés des communes et du secteur étatique.

– Il est craint que les communes se recentrent de manière trop marquée sur “leurs” demandeurs d’emplois et “leurs” entreprises, contribuant ainsi à affaiblir significativement la coopération inter-géographique actuelle et à créer 91 marchés de l’emploi de taille trop réduite.

– Les communes pourraient éviter d’accueillir sur leur sol des entreprises jugées sensibles aux variations conjoncturelles.

– Le terme de communalisation des jobcenter va de pair avec un contrôle accru de la part de l’Etat de l’ensemble du système. En confiant progressivement le financement des allocations chômage aux communes, leur rôle s’accroît au détriment des caisses-d’assurance chômage dont une bonne partie est contrôlée par les organisations syndicales.

– Les communes étant désormais tenues de financer les allocations chômage, elles seraient incitées, en cas de crise, à “couper” sur certains autres budgets ayant trait à l’Etat-providence.

En maintenant les effectifs, le nombre de demandeurs d’emploi par agent reste toutefois encore sous la barre des 40, contre 90 dans le cadre de Pôle Emploi (2). La stricte séparation entre aide à la recherche d’emploi et indemnisation du chômage est maintenue, de même que les prérogatives des caisses d’assurance-chômage en termes d’accompagnement des chômeurs. L’entrée en vigueur de la réforme s’est effectué en douceur, aucun incident notable n’ayant été relevé. Le timing de cette réforme est enfin critiquable, mais elle a le mérite de s’inscrire dans la logique de la réforme des collectivités territoriales de janvier 2007, qui vise à rationaliser l’organisation administrative du pays en faisant des communes l’acteur incontournable pour le citoyen danois.

Difficile de trouver de quelconques motifs de satisfaction en ce qui concerne Pôle Emploi. L’organisme issu de la fusion ANPE-Unedic est aujourd’hui plus que jamais le symbole de la présidence Sarkozy: beaucoup d’activisme pour rien ou si peu. Il faut dire que vouloir fusionner deux organismes, l’un du public, l’autre du privé, aux cultures de travail différentes, représentait déjà un véritable défi. Le problème est que cette réforme, à l’inverse de ce qui se passe au Danemark, est totalement déconnectée de celle à venir des collectivités territoriales (marquée par la création d’un nouvel échelon administratif!) et que la conjoncture actuelle sur le marché du travail la transforme en véritable cauchemar. Privatisation rampante, comme l’illustre la décision prise cet été de confier à des opérateurs du privé la gestion du dossier de 320 000 demandeurs d’emploi, carences dans la formation des agents en termes d’indemnisation des chômeurs (à quand une simplification du système?), disparités salariales entre agents, suppression du suivi mensuel des chômeurs…La liste des manquements est longue.

Au-delà de la situation prévalant sur le marché du travail, que le gouvernement danois anticipe dégradée jusqu’au moins la fin de l’année 2010 (pas d’admission de la sorte dans notre pays…), il est intéressant de constater l’ampleur des différences dans les mesures prises par nos pays respectifs afin de faire face aux conséquences sociales de la crise, notamment en termes de soutien au pouvoir d’achat.

Les Danois bénéficient pourtant de conditions initiales plus favorables. Même si la part de la main-d’oeuvre qui s’assure contre le chômage tend à baisser ces dernières années, elle atteint tout de même 70%. Autrement dit, 70% des Danois sont en mesure de percevoir, en cas de chômage, une allocation d’un peu plus de 2000 euros par mois équivalente, à peu de choses près (après impôts), au salaire médian dans notre pays

Surtout, le gouvernement danois a adopté des mesures allant dans le sens d’un renforcement sensible du pouvoir d’achat, à travers l’autorisation donnée aux Danois de recourir à une partie de leur épargne-retraite (cadeau de 2000 euros  par individu en moyenne) et la réforme de la fiscalité, qui entrera en vigueur au 1er janvier. Résultat: une croissance attendue du revenu disponible de ménages de l’ordre de 4,4% en 2010. Sans compter les évolutions salariales, qui ne connaissent pas la crise au sein du secteur public, suite à la conclusion, l’année dernière, de nouvelles conventions collectives pour la période 2008-2011.

Evolution des salaires au sein du secteur privé (vert), du secteur étatique (bleu) et des communes et des régions (rouge)

image Source: Danmarks Statistik

Par contraste, le soutien à la consommation n’est clairement pas une priorité du locataire actuel de l’Elysée. En comptant les allègements d’impôt sur le revenu accordés aux classes moyennes et aux classes les plus défavorisées ainsi que les quelques primes consenties, on arrive à près de 14 milliards d’euros entre 2009 et 2010 dans notre pays (3). En ajoutant les sommes mises à disposition des ménages danois au titre du dispositif d’épargne-retraite et le sous-financement initial de la réforme de la fiscalité, on arrive à environ 8 milliards d’euros au Danemark. Rappelons que le pays est douze fois plus petit…

Résultat, les représentants de l’Etat français, bien aidés en cela par des relais utiles au sein du monde de l’entreprise, n’ont pas d’autre choix que de recourir à de grossières manipulations afin de convaincre que la rentrée scolaire ne coûte décidément pas cher au panier de la ménagère (4). Et quand ce n’est pas le monde de l’entreprise, c’est au tour de certains médias de devenir des organes de propagande gouvernementale. Le Figaro relevait ainsi récemment que le revenu médian s’est accru, en France, de 2,1% entre 2006 et 2007, mais conjointement à une hausse plus marquée du nombre d’individus vivant sous le seuil de pauvreté. Ce qui ne l’empêchait pas  d’intituler l’article en question “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré”…(5).

Le Danemark est aujourd’hui confronté à de sérieux défis ayant trait au financement  à moyen terme de son Etat-providence. Ces défis sont toutefois bien identifiés et la population en est bien informée, notamment sur la base des conclusions, rendues cette semaine, par la commission emploi (6). Par contraste (encore une fois!), une enquête Eurobaromètre soulignait, quelque temps avant le déclenchement de la crise actuelle, la méconnaissance dont fait l’objet la notion d’Etat-providence par une bonne partie des Français (7). La question est donc la suivante: comment parvenir à sauvegarder les vestiges d’un monde visiblement oublié?

A plus court terme, les prévisions de déficit budgétaire pour 2010 (-4,9%) suscitent un véritable émoi au Danemark. Il est impensable de le creuser davantage, même si la dette publique reste pour le moment sous la barre des 40% du PIB. Les différences s’accentuent donc avec la France, qui fait aujourd’hui, en dépit d’une situation plus dégradée, le pari d’un emprunt national lorsque les premiers signes de faillite (l’état lamentable et honteux de nos prisons pour ne citer qu’un exemple) apparaissent. Un avenir pas si lointain nous dira lequel de nos deux pays a fait les bons choix…

(1) Les autorités danoises avancent le chiffre de 3,8%, la différence constatée avec Eurostat s’expliquant par le fait que les personnes non-assurées contre le chômage (dont le nombre a quelque peu augmenté ces dernières années) et qui n’ont pas droit à l’allocation, conditionnelle, de remplacement versée par les communes, ne sont, en cas de perte d’emploi, pas comptabilisées dans les statistiques officielles.

(2) “L’incroyable gâchis Pôle Emploi” Capital, août 2009 http://www.capital.fr/le-magazine/magazine-n-215

(3) “Le pouvoir d’achat progresse malgré la crise” Le Monde, 18 août 2009 http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/08/18/le-pouvoir-d-achat-des-francais-resiste-a-la-crise_1229490_0.html

(4) “Intermarché fait étalage de sa mise en scène UMP” Libération, 20 août 2009 http://www.liberation.fr/politiques/0101586155-intermarche-fait-etalage-de-sa-mise-en-scene-ump

(5) “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré” Le Figaro, 6 août 2009 http://www.lefigaro.fr/economie/2009/08/06/04001-20090806ARTFIG00267-le-niveau-de-vie-des-francais-s-est-sensiblement-ameliore-.php

(6) http://www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

(7) Eurobaromètre 67, printemps 2007, page 12 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb67/eb67_fr_nat.pdf

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Le Danemark à la conquête de la Chine

SPM_A0551La récession est terminée au Danemark. C’est en tous les cas ce que vient d’affirmer Danske Bank, le premier établissement bancaire du pays (1). Les débats se concentrent donc désormais sur la meilleure manière de gérer l’après-crise. Dans ce contexte, priorité est donnée à la relance des exportations (en recul de 19,5% sur un an) au vu de l’ouverture particulièrement marquée de l’économie danoise sur l’extérieur (les exportations représentaient près de 35% du PIB au moment de l’apparition de  la crise). Dans ce contexte, la Chine  occupe, du fait du taux de croissance insolent attendu pour 2009 (8%), une place de choix. Ce qui frappe d’entrée, en comparaison avec la France, c’est que l’Empire du Milieu n’est ici presque exclusivement perçu que par le biais des opportunités qu’il représente. Une divergence finalement conforme à la vision diamétralement opposée qu’ont nos deux peuples sur la mondialisation (2). Résultat, les Danois sont en passe de rattraper leur retard initial…

La France a par exemple exporté pour un total de 11,5 milliards d’euros vers la Chine (en incluant Hong-Kong) en 2008 (3). Les exportations danoises atteignaient au même moment 2,2 milliards d’euros. Des chiffres qui, une fois rapportés à la population, indiquent que le Danemark exporte donc vers la Chine environ deux fois plus par habitant que la France. Il est vrai que les exportations vers la Chine représentent toujours moins de 3% du total des exportations danoises et que le déficit commercial avec le géant chinois tend, comme pour la France, à se creuser. Mais preuve que le Danemark est entré dans une dynamique positive, le rythme de croissance des exportations vers la Chine est impressionnant depuis 2005 (+57%). Il devrait même, malgré la crise, rester positif en 2009. En incluant Hong-Kong, la Chine était ainsi le 9ème client du Danemark et son 4ème fournisseur en 2008.

Montant des échanges entre le Danemark et la Chine (2000-2008)

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Evolution

Exportations (milliards DKK)

7,3 7,4 8,6 9,0 10,5 10,5 13,6 13,9 16,5 +126%

Importations (milliards DKK)

12,7 12,8 12,8 15,2 18,2 24,6 29,4 32,1 34,7 +173%

Source: Danmarks Statistik

Taux de croissance des exportations. En noir: vers la Chine. En rouge: total. En gris: vers l’Inde (4)

image Source: DI

Les investissements chinois au Danemark (190 millions d’euros) restent très modestes. Ils étaient en 2007 sept fois inférieurs à ceux du Danemark en Chine (1,3 milliard d’euros). Le déséquilibre semble s’être creusé puisque les premiers chiffres fournis par les autorités chinoises sur l’année 2008, indiquent une progression des investissements danois vers la Chine de l’ordre de 135%, le montant constaté étant supérieur à celui de la Suède et de la Finlande réunies et faisant du Danemark le 6ème investisseur de l’UE dans le pays…(5).

L’évolution des échanges avec la Chine contraste donc avec celle entourant d’autres économies émergentes, notamment l’Inde, comme l’illustre le précédent graphique. Cette situation s’explique en grande partie par l’accent mis par les autorités danoises sur l’Empire du Milieu au cours des deux ou trois dernières années. Une stratégie Chine a par exemple été dévoilée en février 2008 (6) en tant que déclinaison de la stratégie mondialisation et de la stratégie Asie, respectivement présentées en avril 2006 et en juin 2007 (7).

image

Elaborée par le Ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation en collaboration avec l’Ambassade du Danemark à Pékin et d’un centre d’innovation danois installé à Shanghaï, la stratégie Chine vise à renforcer la collaboration entre les deux pays dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la R&D, favoriser la compréhension culturelle et mieux coordonner l’action des entités danoises déjà présentes en Chine (350 entreprises). Elle succède à la signature, en septembre 2007, de deux accords bilatéraux de coopération dans le domaine de la R&D (biotechnologies, recherche médicale, énergie durable, nanotechnologies, NTIC…) et de l’éducation (reconnaissance des diplômes). Parmi les initiatives proposées:

– Le développement des échanges de chercheurs, à travers notamment l’augmentation du nombre de bourses à destination de chercheurs danois désirant aller en Chine et l’augmentation des subventions destinées aux universités danoises accueillant des chercheurs chinois.

– Le renforcement de la coopération dans le secteur de la recherche (établissement de centres de recherche et de fonds de recherche communs, accroissement du nombre de colloques et de conférences…).

– Le développement de la coopération dans le domaine de l’innovation, à travers le renforcement du rôle joué par le centre d’innovation ouvert en septembre 2007 à Shanghai (http://www.shanghai.um.dk/en). Celui-ci offre déjà une gamme élargie de services (aides aux entreprises en termes de partenariat, d’implantation, identification des meilleures pratiques dans le domaine de la R&D, renforcement de la visibilité de la communauté danoise, mise en valeur des domaines clés de compétence…) (8).

– Le renforcement de la visibilité des formations supérieures proposées au Danemark à travers le développement de deux sites internet: www.ciriusonline.dk et www.studyindenmark.dk.

– Le développement de la mobilité des étudiants entre le Danemark et la Chine, à travers l’action du DTU Student Sponsorship Program (www.dtu.dk) et l’implication du monde de l’entreprise afin de financer le séjour d’étudiants chinois au Danemark.

– L’ouverture d’une université danoise en Chine, complétée par le développement d’alliances entre universités danoises et chinoises.

La Chine n’est pas étrangère au record atteint par les exportations de technologies du secteur de l’énergie constaté en 2008 (8,5 milliards d’euros, soit le deuxième secteur à l’export, devant les produits pharmaceutiques et juste derrière les produits alimentaires) (9). Le Danemark est ainsi placé en première ligne dans le développement du secteur de l’énergie renouvelable en Chine, avec notamment la présence d’entreprises comme Vestas et Grundfos.

Les autres grandes compagnies présentes couvrent toutefois bien d’autres secteurs stratégiques tels la sécurité alimentaire (Chr. Hansen Holding et Danfoss), les médicaments (Novo Nordisk et Lundbeck) ou l’agroalimentaire (Carlsberg). Clé de la réussite de ces groupes en Chine, la nécessaire adaptation des produits au contexte local. Vestas exporte ainsi des éoliennes spécifiquement mises au point pour le marché chinois, une exigence qui ne lui avait jamais été demandé de remplir auparavant…

L’intérêt porté par le Danemark à la Chine est réciproque. Souhaitant mettre en pratique le concept de “société harmonieuse”, les dirigeants chinois se tournent naturellement vers le Danemark lorsqu’il s’agit, grâce à une croissance soutenue, de mettre en place les tous premiers éléments d’un Etat-providence (prestations sociales, aides à l’éducation, système de retraite, politique active de l’emploi, indemnisation du chômage, couverture maladie universelle, exclusion sociale…) (10).

Plus que jamais conscient que la crise actuelle est en train d’accélérer le basculement du pouvoir économique de l’Occident vers l’Asie, le Danemark entend donc donner un second souffle aux initiatives nées de la stratégie mondialisation de 2006. D’où l’appel lancé récemment par Dansk Erhverv (Danish Chamber of Commerce) en faveur de la mise en place d’une entité, “Visionsråd”, censée remplacer l’action menée jusqu’ici par le Conseil de la mondialisation (“Globaliseringsrådet”). Il va sans dire que la Chine constitue une priorité.

Au-delà du développement des échanges et des investissements avec l’Empire du Milieu, le Danemark entend profiter des initiatives décrites précédemment pour poursuivre le transfert de ses activités de R&D dans le pays, renforçant ainsi sa première place au niveau nordique en termes de délocalisations. Un rapport du Ministère de l’Economie concluait l’année dernière que 19% des entreprises danoises de plus de 50 salariés avaient recouru à des délocalisations au cours de la période 2001-2006, devant la Finlande (16%), la Norvège et les Pays-Bas (14%) et la Suède (4%) (11). On est donc à des années lumière de l’aveuglement constitué dans notre pays par “l’affaire” Alcatel-Lucent, dont la gestion par le Ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, devrait prétendument être irréprochable pour avoir souhaité et obtenu par le directeur du groupe “l’engagement formel que l’entreprise ne procèderait à aucune délocalisation à l’étranger dans le cadre de la restructuration prévue” (12). Pauvre France, qui entretient encore l’illusion que le plus important est de tout faire pour empêcher les délocalisations…

Autre enseignement à tirer des tribulations danoises en Chine, le fait que les exportations danoises sont avant tout tirées par quelques grands groupes. Un constat également valable pour l’ensemble des autres destinations et qui tend à remettre en cause l’image traditionnelle du Danemark comme un pays dont les exportations reposeraient sur un tissu de PME dynamiques à l’export. Bien que les PME représentent plus de 90% du total des entreprises, 90% du total des exportations est en effet réalisé par seulement 10% des entreprises…De manière étonnante, le nombre d’entreprises exportatrices aurait même baissé au cours des dernières années (13).

L’établissement d’une dizaine de centres d’innovation à travers le monde, dont un en Chine, repose enfin sur une coopération entre deux ministères, celui de la Science, de la Technologie et de l’Innovation et celui des Affaires Etrangères (le secteur des exportations relevant de ce dernier). Importer le principe d’établissement de centres d’innovation dans notre pays reviendrait donc à impliquer 3 ministères différents puisque le commerce extérieur relève chez nous du ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi. Au vu de la culture de coopération qui prévaut dans notre pays,  le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas certain que nous y parvenions…Cet obstacle organisationnel devrait-il pour autant nous empêcher d’élaborer une véritable stratégie Chine?

(1) « Recessionen er slut » Berlingske Tidende, 8 juillet 2009 http://www.business.dk/article/20090708/okonomi/90708033

(2) Eurobaromètre 67, printemps 2007 et Eurobaromètre 70, décembre 2008 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb67/eb67_fr_nat.pdf http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb70/eb70_first_fr.pdf

(3) http://www.missioneco.org/documents/106/152692.pdf

(4) “Kina viser vejen for dansk eksport i krisetider”, DI, 11 mai 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Downloadboks%20-%20lokale%20filer/2009/OPINION/DI%20Indsigt/DI%20Indsigt%20-%20Kina%20viser%20vejen%20for%20dansk%20eksport%20i%20krisetider.pdf

(5) “Danske virksomheders investeringer i Kina steg 135 pct sidste år”, 18 février 2009 http://www.npinvestor.dk/nyheder/danske-virksomheders-investeringer-i-kina-steg-135-pct-sidste-aar-182731.aspx

(6) http://vtu.dk/site/forside/publikationer/2008/strategi-for-vidensamarbejde-mellem-danmark-og-kina

(7) Stratégie mondialisation: http://www.globalisering.dk/page.dsp?area=52 Stratégie Asie: http://www.asien.um.dk/NR/rdonlyres/D4B49789-D7F6-43D7-AAC1-8BF3A2A0ABAF/0/AsienUkWeb.pdf

(8) Une dizaine de centres de ce type doivent être mis en place à travers le monde au cours des prochains mois. Deux autres centres ont déjà ouvert leurs portes, l’un dans la Silicon Valley, l’autre à Munich.

(9) “Grøn eksport slår alle rekorder”, Berlingske Tidende, 29 juin 2009 http://www.business.dk/article/20090629/transport/90629126/

(10) “Danmark som foregangsland – for Kina” Berlingske Tidende, 3 juillet 2009 http://www.berlingske.dk/article/20090702/kronikker/707020071/

(11) “Danmark i front med outsourcing til udlandet” Danmarks Statistik, 10 juin 2008 http://www.dst.dk/Vejviser/Find_rundt/Emneord/search.aspx?keyword=l%C3%B8nforhold&searchid=142

(12) “Christian Estrosi: il n’y aura pas de délocalisation” Le Point, 24 juillet 2009 http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2009-07-24/alcatel-lucent-estrosi-va-demander-des-explications-aux-dirigeants/916/0/364143

(13) “Danmark har for få eksportvirksomheder” Berlingske Tidende, 15 juin 2009http://www.business.dk/article/20090615/transport/706150053/

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Les progrès de l’intégration des étrangers au Danemark

SPM_A0101Confronté plus tardivement que la plupart de ses partenaires européens au phénomène de l’immigration, le Danemark n’a logiquement jamais bénéficié d’une très bonne réputation en termes d’intégration. La présence du parti nationaliste au sein de la coalition parlementaire au pouvoir depuis 2001 a évidemment eu tendance à crisper parfois inutilement les débats, la meilleure illustration étant sans doute donnée par la mise en oeuvre, en 2002, de la fameuse “règle des 24 ans” (1).

Pourtant, les progrès réalisés depuis une quinzaine d’années sont indéniables. Ils sont logiquement passés par l’ouverture sans cesse plus marquée du marché du travail aux étrangers. Un rapport de DA (Confédération des Employeurs Danois), publié en 2008, indiquait ainsi qu’au moins 250 000 étrangers étaient présents sur le marché du travail au cours de l’année précédente, soit 9% de la population active (2). Une évolution positive confirmée par les données disponibles en termes de taux d’emploi (77,4% au niveau national en 2008) (3).

Evolution du taux d’emploi des étrangers sur la période 1997-2008

% 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Etrangers occidentaux 59,4 60,3 61,7 62,1 63,0 63,2 62,0 60,6 61,4 62,5 64,0 64,9
Etrangers non-occidentaux 34,7 37,6 41,2 42,8 44,2 45,5 45,2 45,1 46,3 49,1 53,4 56,0

Différence entre l’évolution du taux d’emploi des étrangers et l’évolution du taux d’emploi des Danois sur la période 1996-2006 (4)

image Source: International Migration Outlook, OCDE Sopemi 2008 et DI

Selon DI (Conféderation des Entreprises Danoises), l’évolution positive constatée en termes de taux d’emploi résulte de la conjonction de plusieurs facteurs:

– Le marché du travail a été marqué à partir du milieu des années 90 par le durcissement de certaines règles (mise en place du troisième pilier du modèle de flexicurité, à savoir l’accent mis sur l’activation des chômeurs, raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage…).

– L’accent mis sur le thème de l’intégration par l’ensemble des entreprises danoises, notamment dans le secteur privé (5).

– L’atteinte progressive du plein emploi, illustrée par un taux de chômage de seulement 1,6% au cours de l’été 2008.

Les préoccupations en termes de taux d’emploi se retrouvent également au niveau local. La politique ciblée en faveur des quartiers défavorisés menée par la commune de Copenhague est ainsi basée sur un « Baromètre de l’intégration » (http://www3.kk.dk/integrationsbarometer.aspx) permettant d’effectuer tous les six mois un bilan de la situation au sein de chaque quartier défavorisé de la capitale en ce qui concerne une batterie d’indicateurs, dont le taux d’emploi.

Bien que la crise économique en réduise l’urgence immédiate (le taux de chômage atteignait 3,5% au mois de mai selon les données officielles danoises, 5,7% selon Eurostat), le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée reste incontournable à moyen-long terme afin de parvenir à maintenir le niveau actuel d’Etat-Providence. Certaines projections indiquent  en effet que la main-d’oeuvre totale sera réduite de 340 000 personnes à l’horizon 2040, le nombre de retraités augmentant lui de 480 000 personnes…(6)

Part des étrangers et descendants (16-64 ans) dans la population (7)

imageSource: Danmarks Statistik et projections DREAM

D’où la décision prise par le Maire de Copenhague, Ritt Bjerregaard, de mettre sur pied, en janvier 2008, un groupe de réflexion, “Tænketanken om Fremtidens Arbejdskraft” (groupe de réflexion sur la main-d’oeuvre du futur), chargé de formuler des propositions destinées à attirer davantage de main-d’oeuvre étrangère qualifiée dans la capitale danoise (8). Les travaux de ce groupe de réflexion ont pour le moment débouché sur plusieurs pistes. Parmi elles:

– L’ouverture, effective depuis le mois de mai 2009, du CPH International Service (http://www.kk.dk/sitecore/content/Subsites/ThinkInCph/SubsiteFrontpage.aspx), département spécialisé dans l’aide, proposée en anglais, aux travailleurs, chercheurs et étudiants désirant s’installer dans la capitale.

– Un organisme nommé Copenhagen Partner sera chargé d’attirer de la main-d’oeuvre étrangère qualifiée et d’aider les personnes concernées à s’établir dans le pays. L’organisme fonctionnera comme un réseau au sein duquel les étrangers pourront échanger leurs expériences entre eux et rencontrer des Danois.  Copenhagen Partner collaborera avec les portails déjà existants au niveau national, à savoir Work in Denmark (http://www.workindenmark.dk), Life in Denmark (http://www.lifein.dk), Expat in Denmark (www.expatindenmark.com), ainsi qu’avec les organismes Wonderful Copenhagen (http://www.visitcopenhagen.dk) et Copenhagen Capacity (http://www.copcap.com).

– Le développement des possibilités d’accès à des sources d’information locale en anglais. Un nouveau service d’information viendra ainsi prochainement compléter ceux déjà existants aujourd’hui: Copenhagen Post (http://www.cphpost.dk) et la version internet en anglais des journaux Politiken (http://politiken.dk/newsinenglish) et Jyllands-Posten (http://jp.dk/uknews). La télévision et la radio seraient également concernées: TV2 Lorry proposerait une version avec sous-titres en anglais, Københavns Radio des extraits traduits dans la même langue sur internet.

– L’augmentation du nombre de places disponibles dans les écoles internationales au sein desquelles l’enseignement est effectué principalement en anglais, augmentation requierant également un changement au niveau législatif. Le manque de places, évalué aujourd’hui à 350 au niveau national, découragerait en effet certains étrangers de s’installer dans la capitale.

Population vivant au Danemark par origine (9) En bleu foncé: Danois En gris foncé: étrangers non-occidentaux en gris clair: étrangers occidentaux en bleu clair: descendants d’étrangers non-occidentaux en rouge: descendants d’étrangers occidentaux (1er janvier 2009)

image

Etrangers et descendants par origine (10) En bleu foncé: non-occidentaux, en gris: UE à 15 en bleu clair: nouveaux Etats membres de l’UE en bleu foncé: région nordique hors UE en rouge: divers pays occidentaux (1er janvier 2009)

image

Les nationalités les plus représentées au Danemark au 1er janvier 2009 (11)

Turquie 58 191
Allemagne 30 385
Irak 28 917
Pologne 27 198
Liban 23 563

Le ralentissement marqué de l’économie danoise, dès 2007, et la crise actuelle auraient pu remettre en cause le  processus d’intégration des étrangers sur le marché du travail. Il semble pourtant que ce ne soit pas le cas. Le “baromètre de l’intégration” indique par exemple que le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux au sein de la commune de Copenhague a poursuivi sa progression entre août 2008 et février 2009, atteignant désormais 62,3%, les femmes étant les principales bénéficiaires de cette évolution (12). Encore un petit effort et le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux atteindra dans la capitale danoise le niveau de ce qu’il est pour l’ensemble de la population dans notre pays…

(1) Un étranger hors UE peut obtenir un permis de résidence sur la base des règles en vigueur en termes de regroupement familial dans le cas où son/sa partenaire est danois(e) ou bénéficie d’un permis de résidence illimité depuis au moins 3 ans. A certaines conditions toutefois: les deux partenaires doivent notamment avoir au minimum 24 ans, doivent prouver qu’ils ont des liens plus forts avec le Danemark qu’avec tout autre pays. Celui ou celle vivant déjà dans le pays doit de plus déposer une garantie d’un peu plus de 8000 euros afin de couvrir tout ou partie de l’éventuelle aide sociale versée par la commune à la personne étrangère. http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Ophold/familiesammenfoering/aegtefaeller/

(2) Arbjedsmarkedsrapport 2007, DA, http://www.da.dk/bilag/Sammenfatning%20_%20web.pdf

(3) Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(4) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(5) “Virksomheders sociale engagement Årbog 2008” SFI, décembre 2008 http://sfi.net.dynamicweb.dk/Default.aspx?ID=2093&Action=1&NewsId=1401

(6) “Hvis vi vil tiltrække fremtidens arbejdskraft” Politiken, 8 juillet 2009 http://politiken.dk/debat/kroniker/article747928.ece

(7) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(8) http://www.kk.dk/cphtaenketanken.aspx

(9) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(10) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(11) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(12) “Integrationsbarometer viser fremgang” Commune de Copenhague, 10 juillet 2009 http://www.kk.dk/Nyheder/2009/Juli/IntegrationsbarometerViserFremgang.aspx

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Le Danemark face aux défis de l’économie numérique

SPM_A0030Les défis posés par l’économie numérique sont multiples. Il s’agit notamment de créer les conditions menant à l’innovation permanente, de mettre sur pied une structure organisationnelle permettant une coordination optimale entre les acteurs concernés, notamment avec les collectivités locales, et de s’assurer enfin que chaque citoyen parvienne à suivre le rythme des nouvelles évolutions. Le Danemark a souvent la réputation d’être un des pays les plus avancés en termes d’économie numérique. Un petit bilan des points forts et des points faibles du pays s’impose donc.

Le site www.borger.dk meilleur portail de service public au monde

C’est ce qu’il ressort, comme déjà indiqué dans un précédent article, tout dernier rapport en date des Nations-Unies (« UN E-Government Survey 2008 ») (1). Un couronnement qui n’empêche pas les Danois de l’améliorer selon un calendrier rigoureusement établi.

A l’automne 2008, les 98 communes, principales interlocutrices du citoyen danois, se sont ainsi engagées à proposer 13 nouveaux domaines de self-service. Une manière de promouvoir l’homogénéisation de leur offre (calculs entourant les congés maternité, l’aide au logement, renouvellement des emprunts de livres, commande de la carte européenne d’assurance maladie, commande d’une nouvelle carte d’assuré social…). Qu’a-t-il résulté de cet engagement ? (2)

Diffusion des nouveaux domaines de self-service au sein des communes danoises

imageEn vert : 13 nouveaux domaines. En jaune : entre 10 et 12. En rouge : 9 et moins.

Depuis octobre 2008, la nouvelle version du site intègre des « thèmes citoyens » (« Mes enfants », « Ma retraite »…) permettant un accès personnalisé vers un contenu résultant de l’aggrégation d’éléments provenant de l’ensemble des sites des autorités publiques. A l’aide d’un « NemLog-in », chaque individu peut « se logger » sur le site et accéder par la suite à toutes les solutions de self-service disponibles sur les autres sites publics sans devoir recommencer l’opération à chaque fois.

La diffusion de la facturation électronique dans le secteur public

Depuis l’entrée en vigueur d’une loi au 1er février 2005, toutes les factures envoyées au secteur public danois doivent être présentées sous un format électronique. Un dispositif de subvention aux PME a été mis en place au même moment afin de leur laisser le temps de mettre en place les outils nécessaires. Ce dispositif a expiré au 1er juillet 2009, remplacé par la possibilité de recourir à un formulaire de facture disponible gratuitement sur le site du registre des entreprises (www.virk.dk).

Les dernières statistiques montrent que la facturation électronique a fait l’objet d’une diffusion très rapide depuis 2005. (3)

Recours à la facturation électronique au sein du secteur public danois

% Total Etat Communes
2008 87 80 94
2007 77 71 86
2006 75 49 85
2005 68 28 85

L’accent mis sur l’innovation impulsée par les utilisateurs

Les Danois ont depuis longtemps saisi l’intérêt d’impliquer un maximum d’acteurs dans le cadre des grandes orientations décidées au niveau national. L’économie numérique n’échappe pas à la règle. Le Danemark est ainsi le premier pays au monde à avoir mis en place, en 2007, un programme d’innovation impulsé par les utilisateurs (consommateurs, clients, citoyens, employés, fournisseurs, partenaires sociaux…). Ce dernier vise à renforcer de manière significative la capacité d’innovation  à la fois des entreprises danoises et des institutions publiques.

Un bilan de ce programme a été effectué au mois de juin lors d’une conférence rassemblant plus de 200 représentants du monde de l’entreprise. L’occasion de constater que depuis son lancement, ce programme a débouché sur la mise en oeuvre d’une soixantaine de projets préalablement sélectionnés et bénéficiant donc d’une subvention.

Il apparaît ainsi que plus de la moitié des participants au programme provenant du secteur privé sont des entreprises de moins de 50 salariés. 36% des participants du secteur privé ont développé ou sont en train de développer des nouveaux produits ou services, la proportion atteignant 32% dans le secteur public (4).

L’incitation financière à l’utilisation d’internet?

Constatant que si 70% des Danois ont aujourd’hui recours au service Netbank seulement 7% d’entre eux passent par internet afin de déclarer un déménagement, l’Association des Communes (KL) propose désormais, sur le modèle du privé (par exemple les agences de voyage), d’avantager financièrement ceux privilégiant le recours au net dans leur vie de tous les jours (5).

Les données fournies par KL indiquent en effet que les économies à attendre d’un recours plus systématique à internet sont substantielles. Se déplacer afin de rencontrer un employé de sa commune, pour tout type de démarche, reviendrait en moyenne à 150 couronnes (environ 20 euros), le contact téléphonique à 50 couronnes (environ 7 euros), le recours à internet à seulement 5 couronnes (environ 0,7 euro)…

D’où la proposition de KL de réduire les frais demandés au citoyen pour certaines opérations (renouvellement de passeport,  demande de la carte européenne d’assurance maladie, délivrance du permis de conduire…) dès lors que celui-ci a recours à internet. Une proposition passant toutefois par l’adoption préalable d’une nouvelle loi au Parlement.

Le rapport qui inquiète

Finalement, le plus grand défi pour le Danemark, en termes d’économie numérique, est d’éviter de se reposer sur ses lauriers…Fondé en 2006 sur la base d’une coopération entre Dansk IT (http://www.dansk-it.dk) et Computerworld, le groupe de réflexion CIO Innovation Forum vient de publier un rapport, intitulé “Det digitale skabersamfund”, qui pointe les faiblesses du pays et qui appelle à la mise en oeuvre de nouvelles initiatives (6).

Outre le glissement du pays de la première à la cinquième place du classement apparaissant dans le rapport “E-readiness 2008” (IBM et Economist Intelligence Unit) et la très moyenne quatorzième place du classement “eGovernment Benchmark” (Cap Gemini), il ressort en effet que 38% des Danois seraient aujourd’hui considérés comme “analphabètes” au niveau informatique (7). Une proportion qui pourrait atteindre 68% en 2012. En résumé, la fracture numérique s’installe…

Part des services online proposés dans le secteur public

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D’où l’appel lancé par les auteurs du rapport à la définition d’un nouvel ordre du jour du numérique qui soit notamment basé sur les pistes suivantes:

– La mesure et la délimitation précise des compétences dont chaque citoyen doit disposer en termes de numérique et le traitement des insuffisances constatées comme s’il s’agissait d’un analphabétisme au sens traditionnel du terme. Une politique complétée par un vaste effort en termes d’éducation et de formation des demandeurs d’emplois.

– La poursuite des efforts en termes de développement de l’Etat-Providence numérique comme décrit précédemment.

– La définition d’une vision pour les entreprises pour les dix prochaines années en se focalisant notamment sur les PME et en ayant recours au secteur public comme locomotive.

– La promotion des formations proposées en termes de numérique et l’accent mis sur les éventuels mentors/modèles. Le rapport pointe en effet du doigt la rapide dégradation, en termes d’image, des emplois du secteur au sein de la population au cours des dix dernières années.

– La distinction entre “brugerkompetencer” ou “compétences d’utilisateur” (téléchargement de fichiers ou de dossiers, recherche d’informations sur internet, démarches administratives sur internet, recours à Netbank…) et “skabekompetencer” ou “compétences de créateur” (développement de solutions de self-service, construction de sites internet, développement de nouveaux systèmes de contrôle, par exemple de machines industrielles ou d’éoliennes…) en veillant à les développer autant l’une que l’autre.

(1) Voir https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/12/16/pour-un-veritable-plan-de-developpement-de-ladministration-numerique/

(2) http://www.kl.dk/Dokumenter/Artikler/mas1/2009/01/Stor-succes-med-tilslutningen-til-Top-30

(3) Données Danmarks Statistik www.dst.dk

(4) Ministère de l’Economie, 19 juin 2009 http://www.oem.dk/sw26094.asp Le programme dispose par ailleurs d’un site internet propre: www.brugerdreveninnovation.dk

(5) http://www.dinepenge.dk/skat/artikel/der-penge-spare-netborger

(6) http://www.dansk-it.dk/upload/web_292265_cio.pdf

(7) Le Danemark occupe toutefois, pour la troisième année consécutive, la première place du classement du World Economic Forum http://politiken.dk/videnskab/article747813.ece

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TVA sociale: le cas danois

SPM_A0024La décision, annoncée par le locataire actuel de l’Elysée lors de la réunion du Congrès du 22 juin, de recourir à un emprunt national est lourde de conséquence. Elle reflète le décalage de plus en plus flagrant entre le discours de la majorité actuelle et la réalité de ses actes. « Moi, je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite. Je suis à la tête d’un État en déficit chronique. Je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Moi, je dois ramener l’équilibre à la fin du quinquennat, sinon on ne bâtira plus rien » déclarait en 2007 François Fillon (1). De même, Nicolas Sarkozy appelait encore récemment à une concertation plus étroite au niveau européen afin de lutter contre la crise. Pour finalement prendre l’exact contre-pied de la politique suivie par une Allemagne déterminée à mettre de l’ordre dans ses finances publiques (2).

Il est très difficile de penser que le recours à cette mesure ne serve en fait qu’à dégager des marges de manœuvre utiles dans la perspective des présidentielles de 2012…La raison est qu’il faudra bien un jour stopper cette spirale de l’endettement : les banques ont prêté avec démesure, contraignant l’Etat, pourtant déjà lourdement endetté, à leur prêter à son tour, et c’est désormais le particulier français, prêtant déjà à EDF, qui vient boucler la boucle !

On avance souvent l’exemple du Japon, dont la dette publique dépasse les 200% du PIB, pour minimiser l’impact de l’endettement croissant de notre pays. Mais sans jamais se poser la question de savoir à partir de quel seuil d’endettement les marges de croissance se réduisent. L’économie japonaise n’est-elle pas en quasi-stagnation depuis les années 90 ?

Constatant la dégradation des comptes publics, Philippe Séguin, Président de la Cour des Comptes, jugeait cette semaine « trompeuse » la perception selon laquelle « « la France s’en tirerait mieux » que ses voisins, ajoutant que « les lendemains risquent d’y être pire qu’ailleurs » (3). Raison de plus pour faire du concept de dette soutenable une priorité…Car il existe une alternative à la « fuite en avant » proposée aujourd’hui par la tête de l’exécutif : conjointement à l’adoption d’une ambitieuse réforme des collectivités locales, susceptible de freiner les dépenses publiques, la refonte intégrale du système fiscal, refonte passant notamment par l’introduction de la TVA sociale.

Le seul véritable exemple de TVA sociale est offert par le Danemark, puisque l’Allemagne a finalement affecté les 2/3 du relèvement de 3 points (de 16 à 19%) du taux de TVA intervenu au 1er janvier 2007 à la réduction de son déficit budgétaire.

Le cas danois, constitué par le relèvement, en 1987, de trois points (de 22 à 25%) du taux de TVA moyennant la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, doit être analysé en prenant compte des particularités suivantes :

– Le contexte économique spécifique de 1987. L’introduction de la TVA sociale s’inscrivait dans le cadre d’une politique, initiée en 1986 (« kartoffelkur »), visant à refroidir la demande intérieure et à rétablir l’équilibre de la balance des paiements (4). La quasi suppression des charges sociales pesant sur les entreprises a donc été accompagnée par toute une série de mesures (freinage de la dépense publique, réduction du taux applicable à la déductibilité des intérêts d’emprunts, réduction de la durée de perception des allocations chômage…).

– La philosophie du système fiscal danois, dont notre pays est contraint de suivre certaines des caractéristiques avant toute introduction de la TVA sociale. Parmi elles, le rôle redistributif prépondérant joué par l’impôt sur le revenu, première source incontestée de recettes pour l’Etat danois, et le nombre très limité de niches fiscales. Rappelons également la suppression (par les socio-démocrates !) de l’ISF en 1997, impôt jugé inefficace…

Répartition attendue des recettes fiscales en 2010 (Ministère des Impôts)

Impôt sur le revenu: 52%, TVA: 23%

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– La manière dont est perçue la TVA. Son caractère proportionnel et uniforme (il existe très peu d’exemptions au taux de 25%) est accepté par la population tant que l’impôt sur le revenu occupe la première place en termes de redistribution.

– L’introduction de la TVA sociale est allée de pair avec l’engagement pris par les syndicats de modération des revendications salariales au cours des années qui ont suivi. En dépit de la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, le coût du travail est en effet depuis longtemps plus élevé au Danemark en raison du niveau des salaires.

L’héritage de Poul Schlüter, Premier Ministre danois de 1982 à 1993, est controversé. Suite à la « kartoffelkur », la balance des paiements est redevenue positive en 1990, pour la première fois depuis plus de 20 ans. Le taux d’inflation, qui excédait 10% en 1982, fut divisé par cinq dix ans après. Le déficit budgétaire fut quant à lui ramené de 9,1 à 2,6% sur la même période. Afin d’éviter l’emballement de l’économie, l’objectif de refroidissement la demande interne a toutefois conduit à une forte poussée du chômage, dont le pic fut atteint en 1993 (12,4%), qui a à son tour contribué au creusement de la dette publique, cette dernière dépassant à la même date la barre de 80% du PIB.

Il existe toutefois aujourd’hui un relatif consensus au Danemark sur le fait que les résultats obtenus par la suite, tant en termes de chômage (baisse de 12,4 à 5,2% du taux de chômage sous l’ère Poul Nyrup Rasmussen entre 1993 et 2001, atteinte du plein emploi sous l’ère Anders Fogh Rasmussen) qu’en termes de réduction de la dette publique (27% du PIB fin 2007), n’auraient pu être atteints sans la résolution préalable des problèmes rencontrés en termes de compétitivité. De nombreux économistes indiquent également que les effets collatéraux d’une telle réforme auraient été plus limités si elle avait été mise en oeuvre plus tôt.

De l’introduction de la TVA sociale, réalisée dans un contexte spécifique mais dont certains des éléments ne vont pas sans rappeler la situation économique prévalant aujourd’hui dans notre pays (déséquilibre des comptes extérieurs et des comptes publics), peuvent être tirés les constats suivants:

1) La compétitivité des entreprises danoises n’a jamais été démentie depuis son introduction, malgré le niveau élevé des salaires. Sur l’année 2007, le coût du travail moyen dans le secteur privé était de 36 euros par heure. Seulement 4% de ce montant était constitué de charges hors salaire (5). Les exportations représentaient avant la crise 35% du PIB, le pays affichant des excédents commerciaux et des excédents de la balance des paiements réguliers.

Evolution du solde de la balance des paiements

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Evolution du solde de la balance commerciale (Danmarks Statistik)

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2) L’introduction de la TVA sociale a permis de mener une réflexion plus large sur la manière de développer la compétitivité des entreprises. Il convient en effet une nouvelle fois de souligner que l’adaptation aux défis posés par la mondialisation est également passée par l’approfondissement de la politique de formation continue, condition indispensable de la spécialisation de la main d’œuvre sur des productions à plus haute valeur ajoutée.

3) D’autre part, l’introduction de la TVA sociale a eu le mérite de clarifier le débat sur les délocalisations. Elle permet donc, dans une certaine mesure, d’expliquer le pragmatisme danois sur un thème toujours très sensible dans notre pays, puisqu’elle a débouché sur la quasi-suppression de toute distorsion fiscale dans le coût de production entre les biens produits au Danemark et ceux produits à l’étranger.

4) L’introduction de la TVA sociale a été suivie, à partir du milieu des années 90, par une remarquable série d’excédents budgétaires que seule la crise actuelle est venue remettre en cause.

Evolution du solde public (Ministère des Finances)

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Pour résumer, le principe de TVA sociale ne peut être mis en oeuvre dans notre pays sans une réforme préalable du système fiscal, qui doit intégrer davantage d’éléments de justice sociale, et sans le lancement d’une politique globale en faveur de la compétitivité. Ajoutons qu’une coordination au niveau européen serait bien évidemment souhaitable. Jean Arthuis avance par exemple que la TVA sociale aurait le mérite de mettre un terme au débat sur le projet de Directive Européenne sur les services (6). Ouvrons également les yeux sur notre niveau d’endettement, qui nous contraint à financer notre protection sociale par des produits et services conçus à l’étranger…Rappelons enfin qu’il s’agit de réduire les charges pesant sur les entreprises, pas  de parvenir, comme au Danemark, à leur quasi-suppression.

Creuser davantage les déficits en affirmant que chaque euro d’endettement supplémentaire sera affecté à des priorités nationales, c’est reconnaître implicitement que la dérive des finances publiques n’a été jusqu’ici que le résultat d’un immense gâchis…Certes, la TVA sociale pourrait momentanément ralentir la consommation. Mais comme l’affirmait cette semaine Philippe Séguin, une dégradation encore plus marquée des comptes publics expose la France à plusieurs risques dont “un risque économique” marqué par la remontée du taux d’épargne des ménages.

Le Danemark a souvent eu recours à l’arme fiscale en temps de crise. En 1987, en instaurant la TVA sociale, ou encore aujourd’hui, à travers la réforme adoptée dans le cadre du “paquet de printemps 2.0”, qui débouche sur des changements d’une ampleur inégalée. Qu’est-ce qui nous empêche de faire de même?

(1) « Requinqué, Fillon s’offre une journée en Corse » Le Figaro, 22 septembre 2007 http://www.lefigaro.fr/politique/20070922.FIG000000937_requinque_fillon_s_offre_une_journee_en_corse.html

(2) « L’Europe divisée sur les hausses d’impôt » le Figaro, 26 juin 2009 http://www.lefigaro.fr/impots/2009/06/26/05003-20090626ARTFIG00253-l-europe-divisee-sur-les-hausses-d-impots-.php

(3) « La Cour des Comptes s’inquiète du risque d’emballement de la dette », Le Monde, 24 juin 2009 http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/24/la-cour-des-comptes-s-inquiete-du-risque-d-emballement-de-la-dette_1210595_3234.html#xtor=RSS-3208 Philippe Séguin précise par ailleurs que la France est le quatrième Etat le plus endetté de la zone euro et que ses dépenses publiques (plus de 52% du PIB) sont supérieures de 9 points à celles de l’Allemagne.

(4) Outre le fort déficit de la balance des paiements, l’économie danoise était caractérisée en 1986 par un taux de croissance proche de 5% et une consommation privée en hausse de 5,6%.

(5) Donnée Danmark Statistiks http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2008/NR480.pdf Les employeurs contribuent de plus au système de retraite complémentaire professionnelle (dispositifs de retraite apparus dans le cadre de conventions collectives couvrant 85% du marché du travail danois). Le montant versé chaque mois, dont les 2/3 sont à la charge de l’employeur, peut être considéré comme un élément de salaire différé. Le montant à la charge de l’employeur est variable mais équivaut en moyenne à 10% du salaire. Il faut également noter que les entreprises danoises ne contribuent pas au financement du système d’assurance-chômage.

(6) “TVA sociale et plombier polonais” http://www.jeanarthuis-blog.fr/index.php?sujet_id=2588

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